Né à la fin des années 1920 dans le quartier bouillonnant de Harlem, le Lindy Hop est bien plus qu’une danse : il incarne la créativité, la liberté et la vitalité du jazz américain. À la croisée du Charleston et du swing, il est l’ancêtre du rock et continue, près d’un siècle plus tard, à faire vibrer les pistes du monde entier.
Le Lindy Hop : l’énergie du swing et l’âme de Harlem
Par la rédaction
Le Lindy Hop est né vers 1928, dans un Harlem en pleine effervescence culturelle et politique. À cette époque, le quartier new-yorkais est le cœur battant de la Renaissance de Harlem, mouvement qui voit éclore une nouvelle génération d’artistes, d’intellectuels et de musiciens afro-américains. C’est dans ce contexte d’émancipation et de revendication identitaire qu’apparaît une danse appelée à marquer durablement l’histoire : le Lindy Hop.
Le club Savoy Ballroom, situé sur Lenox Avenue, est alors un haut lieu du jazz et de la vie nocturne. Fait rare pour l’époque, il ouvre ses portes sans distinction de couleur de peau. On y danse, on s’y affronte, on s’y libère. Le Savoy devient un symbole d’égalité et de résistance sociale, un espace où les corps s’expriment sans contrainte, au rythme du swing.
Danse populaire et libératrice
L’improvisation au cœur du mouvement
Le Lindy Hop se distingue par sa spontanéité et son énergie. Dans les bals du Savoy, les danseurs improvisent sans cesse, rivalisant d’inventivité. Ils mêlent les pas du Charleston, des claquettes (tap dance), du breakaway et du foxtrot, donnant naissance à une forme d’expression unique et explosive.
Le résultat est une danse syncopée, fluide, dynamique, à l’image du swing dont elle est issue. Le tempo varie entre 120 et 300 battements par minute, selon l’intensité de la musique. La connexion entre les partenaires est essentielle : on parle d’un véritable dialogue corporel, où chaque pas répond à l’autre avec complicité et virtuosité.
Le baptême du Lindy Hop
L’origine du nom « Lindy Hop » est tout aussi légendaire que la danse elle-même. Selon la tradition, c’est le danseur George “Shorty” Snowden qui l’aurait inventé. En mai 1927, l’Amérique célèbre l’exploit de l’aviateur Charles Lindbergh, premier homme à traverser l’Atlantique en solitaire, de New York à Paris, en 33 heures et 30 minutes.
Lors d’un concours de danse au Savoy, un journaliste demande à Snowden le nom du pas qu’il exécute avec brio. Spontanément, il répond : « It’s the Lindy Hop ! » — littéralement, « le saut de Lindy », en hommage au vol historique de Lindbergh. Ainsi naît le nom d’une danse emblématique, fruit d’un contexte historique et d’une inspiration populaire.
L’âge d’or du swing
Le Lindy Hop s’impose rapidement comme la danse phare des années 1930 et 1940. Il accompagne l’essor du swing et de l’orchestre jazz, avec des figures telles que Count Basie, Chick Webb ou Duke Ellington.
Sa popularité doit beaucoup à la troupe de danseurs professionnels Whitey’s Lindy Hoppers, fondée par Herbert “Whitey” White. Parmi ses membres, des figures légendaires comme Frankie Manning, Al Minns et Leon James font rayonner la danse sur les scènes du monde entier, notamment grâce à Hollywood. Le film Hellzapoppin’ (1941) immortalise une séquence devenue mythique, véritable condensé de l’énergie et de la virtuosité du Lindy Hop.
Une disparition suivie d’une renaissance
Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’avènement du bebop, la musique évolue, le tempo ralentit et les grandes salles ferment. Le Lindy Hop disparaît peu à peu, laissant place à de nouvelles danses comme le jitterbug, puis le rock’n’roll, dont il est l’un des ancêtres directs.
Mais à partir des années 1980, la danse connaît une véritable résurrection. Des passionnés entreprennent de retrouver les pionniers du swing pour réapprendre les pas originaux. En Suède, le groupe Harlem Hot Shots contribue à la renaissance du Lindy Hop, tout comme la New York Swing Society aux États-Unis ou les Jiving Lindy Hoppers en Angleterre. Ces collectifs relancent l’intérêt pour la culture swing et organisent des festivals qui réunissent des danseurs venus du monde entier.
Le Lindy Hop aujourd’hui
Aujourd’hui, le Lindy Hop est une danse vivante, transmise sur les cinq continents. Il s’enseigne dans les écoles, s’improvise dans les rues, et se célèbre dans des festivals internationaux, tels que le Herräng Dance Camp en Suède ou le Paris Swing Festival en France.
Dans l’Hexagone, plusieurs villes abritent des scènes actives : Paris, Tours, Toulouse, Montpellier, Grenoble, Strasbourg et Aix-en-Provence comptent parmi les plus dynamiques. En Belgique, Gand, Bruxelles, Anvers et Liège accueillent également de nombreux événements swing.
Le Lindy Hop n’est plus une simple danse rétro : il est devenu un langage universel, un art de vivre basé sur la joie du mouvement, la complicité et la liberté.
Héritage et modernité
Presque cent ans après sa naissance, le Lindy Hop conserve toute sa vitalité. Il témoigne de la richesse de la culture afro-américaine, de son influence sur la musique populaire et sur la danse contemporaine. S’il a inspiré le rock, il continue d’inspirer les générations d’aujourd’hui, qui y voient une forme d’expression libre, collective et inclusive.
Entre swing et sourire, le Lindy Hop reste ce qu’il a toujours été : une invitation à danser le monde.
Sources et références
– Wikipédia : Lindy Hop
– Frankie Manning: Ambassador of Lindy Hop, Frankie Manning et Cynthia R. Millman, Temple University Press, 2007
– Jazz Dance: The Story of American Vernacular Dance, Marshall et Jean Stearns, Da Capo Press, 1994
– Harlem Swing Society Archives, New York



