Ye Xin, Un artiste précieux et prestigieux
Ye Xin
Un artiste précieux et prestigieux
Par Michel Bénard
Ye Xin est natif de Pékin et très tôt il manifesta une grande attirance pour les arts, sachant qu’il portait en lui le don de la création. Malheureusement, la grande révolution dite culturelle, instrumentée par le tout puissant Mao Zedong ( Mao Tsé-Toung) décida du contraire et fit de lui pour la bonne cause idéologique du peuple, un ouvrier dans une usine de machines agricoles, ce qui est beaucoup plus utile qu’un intellectuel n’étant pas vraiment en adéquation avec la ligne du parti. C’est ainsi que fût sacrifiée dix ans de la vie de notre artiste Ye Xin.
Toutefois notre ami n’était pas de nature à se soumettre intégralement à cette psychose idéologique, à la pression des gardes rouges ignorants et soumis pour la plupart. Néanmoins après ses travaux quotidiens pour la collectivité Ye Xin ne cessa pas de dessiner, de peindre, de graver. Compte tenu de son talent il aura la possibilité de suivre des stages qui lui permettront de devenir « peintre ouvrier ». A toute chose malheur est bon dit le proverbe, car ce titre officiel de « peintre ouvrier » lui permit de publier un journal illustré qui sera diffusé dans toute la Chine.
En 1978 à la fin de cette sinistre révolution culturelle, Ye Xin intégra l’institut central des beaux-arts de Pékin. Une fois son diplôme en poche il devint rédacteur et dessinateur de bandes dessinées aux éditions des Beaux-Arts du peuple. Le principe de propagande s’estompa peu à peu sans jamais pour autant disparaitre. Durant trois ans encore, il enseigna le dessin à l’école des Beaux-Arts.
Jusqu’au jour où un vent de liberté souffla et il vint s’installer en France en 1986 sous la qualification d’artiste. Il poursuit ses recherches et son enseignement. Il obtiendra un doctorat en histoire de l’art à la Sorbonne sur un thème qui lui est particulièrement propice et que vous pouvez découvrir ici ce soir, le lien entre l’écriture et la peinture.
Ye Xin est maitre de conférences à l’université Paris 8, ce qui ne l’empêche pas de poursuivre sa carrière d’artiste indépendant. Il expose régulièrement en France et à l’étranger. Notons que de nombreux musées collectionnent ses œuvres, peintures, gravures, calligraphies etc. A Paris il est présent au musée de l’Homme et au fameux musée Guimet.
L’esprit de la poésie est omniprésent dans l’œuvre de Ye Xin, qui d’ailleurs intègre dans son œuvre des textes de poètes occidentaux, comme ces deux référents Victor Hugo et Charles Baudelaire entre autres. Pour lui peinture et écriture procèdent du même principe en révélant une vision, une image. L’une sans l’autre n’ont pas de réelles raisons d’être.
Dans cet esprit jumelé, Jin Siyan et Ye Xin ont souvent collaboré, donnant à leurs ouvrages la réciprocité d’un écho complémentaire. Le peintre illustre et enlumine la poétesse et inversement.
A ce propos j’attire votre attention sur les ouvrages de Jin Siyan où se retrouvent les illustrations de Ye Xin.
Chez ce peintre le trait est d’une grande délicatesse, il est suggéré, les recherches chromatiques sont harmonieuses, dégradées, nuancées, les camaïeux bruns y sont dominants. Nous y rencontrons des personnages de légendes, des contes mystérieux, d’orient ou d’occident.
Ye Xin est un exemple d’adaptation et de mimétisme car ses œuvres évoquent aussi bien la mythologie chinoise ou grecque, il s’exprime au fur et à mesure de ses découvertes artistiques ou littéraires. Ainsi si nous y croisons comme nous l’avons souligné précédemment Victor Hugo ou Charles Baudelaire, nous y rencontrons également, Victor Segalen l’impénitent voyageur, Sigmund Freud le pape de la psychanalyse ou Dame Wei première femme calligraphe reconnue en chine. L’œuvre esthétique et puissante d’Auguste Rodin le sensibilisa aussi beaucoup.
Il accorda également un vif intérêt au peintre Pierre Alechinsky et au poète Christian Dotremont chacun travaillant sur la symbolique des signes et de l’écriture. Ye Xin est toujours avide de découvrir, d’expérimenter, c’est ainsi qu’il pratiqua la gravure, la linogravure, la xylographie, la sérigraphie, mais il passe avec autant d’aisance à l’aquarelle ou au lavis.
Ye Xin est un artiste précieux et prestigieux qui n’a de cesse de nous étonner par sa vision globale du monde, son esprit œcuménique.
En cela nous pouvons comprendre parfaitement le lien qui le relie à Jin Siyan, l’un comme l’autre ont soif de connaissance, d’ouverture, de partage et d’humanité.
Tous les deux ont conscience que l’art est un des meilleurs moyens de rapprocher et d’élever les hommes par la seule force du verbe et du beau.
Michel Bénard.
Lauréat de l’Académie française
Chevalier dans l’Ordre des Art et des Lettres.
Poeta Honoris Causa du Cénacle européen des Arts et des Lettres
