Robert Doisneau, Instants donnés : L’art de vivre en photos

Photographie
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Les coiffeuses au soleil Paris, juin 1966

 Le Musée Maillol à Paris consacre, jusqu’au 12 octobre 2025, une vaste exposition à Robert Doisneau intitulée Instants donnés.

Robert Doineau : Instants donnés – Musée Maillol Paris : La tendresse en noir et blanc

Par Djalila Dechache

Robert Doisneau, Instants donnés

J’ai visité cette exposition dans des conditions enchanteresses. Le Musée Maillol a été privatisé pour la presse pendant une soirée, ce fut un choc émotionnel très fort d’entrer dans ce majestueux édifice dédié aux sculptures d’Aristide Maillol (1861-1944) et cela grâce à sa muse Diane Vierny.

Le musée organise deux expositions temporaires par an, consacrées à l’art du XXe et du XXIe siècle. Ont ainsi été présentées, depuis l’ouverture au public, plus de 70 expositions temporaires, parmi lesquelles Poliakoff, Morandi, Klimt, Toulouse Lautrec, Bonnard, Vallotton, Frida Khalo et Diego Rivera, Miro, Bacon, Basquiat, Keith Haring, Raushenberg, Condo, les grands Maîtres Naïfs, et plus récemment « Nadia Léger, une femme d’avant-garde ».

Le destin l‘a voulu ainsi, il y a eu un Dialogue Maillol / Doisneau, restitué en de 8 photographies. Un dialogue éclatant entre Robert Doisneau et Aristide Maillol qui fut le fruit du hasard : en 1964 alors que Robert Doisneau se rend à un rendez-vous pour effectuer des photographies publicitaires, il assiste à la pose des statues d’Aristide Maillol dans les jardins du Carrousel et en tire une série pleine d’humour ( extrait dossier de presse).

Robert Doisneau, instants donnés
Autoportrait Robert Doisneau

« Le photographe tire par la manche l’homme pressé au regard fixe et lui montre le spectacle gratuit et permanent de la rue » Robert Doisneau.

L’exposition Robert Doisneau Instants Donnés s’articule sur plusieurs niveaux du musée et en plusieurs séquences, à commencer par l’Enfance.
On sait combien il a été sensible à l‘enfance au cours de ses pérégrinations parisiennes et en banlieue qu‘il aimait tant.

Plusieurs minois d’enfants tantôt espiègles tantôt étonnés ou rieurs ont sans doute suscité l’intérêt particulier de Jacques Prévert. Avec des textes devenus éternels, Le Cancre et bien d’autres.

« Les journées sont bien courtes à l‘enfant qui folâtre dans la rue pleine de trouvailles possibles. Et, parfois, de mystères qui font un peu peur » Robert Doisneau.

Puis on navigue dans les allées savamment distribuées de portraits, de plans plus ou moins de même format, on revient en arrière, on s‘arrête, on s’interroge, on lit les cartels, on prend du recul pour mieux voir tout ce monde qu‘il a mis en valeur dans un Paris périphérique gagné par la pauvreté.

Sauf que pour lui, c’est là que se loge l‘humain, l’humanité des gestes, la sincérité des regards, les poses simples, les décors sans chichis, les poignées de mains et les verres levés pour fêter l’amitié de tous les jours.

Robert Doisneau, Instants donné
Les frères, rue du Docteur Lecène, Paris 1934 HD

« En 1926, âgé de 14 ans, Robert Doisneau entre à l’école Estienne. Pendant trois ans, il y apprend le métier de graveur lithographe. La vie d’atelier commence. En 1937, âgé de 25 ans, il emménage avec sa jeune femme Pierrette dans un atelier de peintre à Montrouge. Il y vivra toute sa vie » (extrait dossier de Presse).
« Un centième de seconde par ci, un centième par là, mis bout à bout, cela ne fait jamais qu’une, deux, trois secondes chipées l’éternité », dit celui qui essaye d’arrêter le temps, c’est un pari fou ! ». dit-il.

Lorsque l’on écoute parler Robert Doisneau, tout est conforme à son œuvre artistique, il n’y a pas d’écart, il y a une infinie tendresse, une infinie cohérence, une infinie humilité, une infinie envie de le rencontrer et de lui dire combien nous sommes comme lui, que nous aimons la vie ainsi que celle qu‘il a poétisé pour nous.

Sur Wikipédia figure cette mention : « Robert Doisneau est un photographe humaniste français ».
Il y a de quoi être d’accord, il a inventé son métier, il y a mis ses valeurs, ses croyances, ses rêves, du noir, du blanc, du gris et tant d’autres couleurs qui n‘existaient pas.

Robert Doisneau, Instants donnés
Mademoiselle Anita 1951

« Les 300 boites de clichés et de photos ce sont des heures de patience, d’espoir, de fausses routes, de réussites parfois ; je l’appelle La cohabitation pacifique » Robert Doisneau.

Son métier n’était pas aussi valorisé qu’aujourd’hui, il se demandait comment vivre et faire vivre sa famille en réalisant 300 photos par an ?
Heureusement les commandes et les contrats sont arrivés avec une perte de sa liberté bien sûr et de sa disponibilité.

Le Musée Maillol propose un itinéraire composé de 400 photos sur les 450.000 de sa collection. Nous sommes bien loin du compte de son imaginaire si fécond.

Pour lui, il y a 3 éléments qui entrent en compte pour faire une photo : La curiosité, la désobéissance et de temps en temps l’émerveillement.

Sauf que nous, public, sommes constamment émerveillés par ses créations ! C’est donc une école du regard qu’il nous livre par cette miraculeuse exposition.

Celui qui dit aussi : « Cela est très bien quand tu te lèves le matin par une merveilleuse journée qui commence de se dire je vais essayer de l‘inscrire avec une formidable envie de la monter aux autres ».
Quelle force et quel don ! Une école de la vie à respecter comme un joyau quotidien.

Robert Doisneau, Instants donnés
Juillet 1969 vehicule militaire

D’autres univers sont présentés, tous sont l’expression de la vie ensemble : après Enfance (70 photos), tirages collages et bricolages (16 photos), Ateliers d’artistes (40 photos), Rencontres (18 photos), Banlieues 1943-1984 (35 photos), Gravités (30 photos), Bistrots (30 photos), Ecrivains (30 photos), Les années Vogue (40 photos), sur ce dernier point il dit : « J’étais le fils du jardinier invité à venir avec les enfants du château à condition d‘apporter avec lui un regard neuf ».

Il y a également tant d’autres clichés qui émerveillent tout autant. Son œuvre est intemporelle et mémorielle.

A chaque titre correspond un univers fabuleux de la vie de cet artiste, fait de rencontres, de changements, de nouveautés, de confirmations de ce qu‘il aime par-dessus tout : l’être humain.

De plus, un film, assez court, fait partie de l‘exposition, il faut le regarder, il est très intéressant à plus d’un titre, il donne la parole notamment à Robert Doisneau et à son ami le violoncelliste et comédien Maurice Baquet « celui qui a réussi à faire venir à New-York Robert Doisneau », il a été réalisé par l’agence Tempora.

« Les gens transportent avec eux un trésor dont ils sont complètement inconscients. C’est mon rôle social de montrer l‘évidence ». Robert Doisneau.

A méditer pour regarder encore et davantage.

Commissaires de l’exposition : Francine Dérouille, Annette Doisneau, Isabelle Benoît, Bruno Remâche.

Musée Maillol
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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