Catherine Andrieu – Poésie et Peinture
Mercredi en poésie avec Catherine Andrieu
Poèmes et illustrations de Catherine Andrieu
Extraits du recueil de poésie Le cliquetis des mâts
Le cliquetis des mâts…
1.
Le piano était une trouée sur l’Océan et ses rouleaux
Tu t’asseyais à côté de moi et prenais mes mains
Pour les placer sur le clavier peut-il être un geste
Plus ambigu cette odeur je voulais te demander
Ton parfum pour mon nounours cela te convenait
Mes petites fées collées au mur les lectures d’enfance
Mais tout ça c’était sans m’avoir lue moi et mes tourments
La perversité de ce cœur qui pourtant a aimé un chat un seul
D’amour fou. Je fleurirai ta tombe Paname, mon vieux chat,
Avant celle de l’ami cher qui a décidé de me laisser cesser
D’écrire à sa place. Toi tu voulais manger encore des crevettes
A la main crustacés d’eau tumultueuse arrachés à leur rocher
Tombés sur le piano et ton jean rapiécé tu as ton style faut dire
Pourtant et des manières élégantes et une alliance
Tu as raison sur tout, peut-être de t’éloigner un peu aussi
Je m’attache trop mais tu sais je ne vois aucun autre être vivant
J’ai blindé ma porte barricadé mes fenêtres je ne vois que l’eau
Et les bateaux, ma petite Lune, petite chatte, et mes vieux parents.
J’avais tout oublié de mon amour pour P. et de ses yeux lagon.
2.
La forêt toute en vagues de l’Océan m’est apparue
En ce rêve un jour où je m’étais assoupie sur mon piano
Au réveil le soleil sur l’eau et les yeux hallucinés
De ma petite Lune, petite chatte, qui fixait l’infini
De mon chagrin d’amour. T’avoir voulu tout de suite
C’était beaucoup trop tôt et tôt l’oublier, lui aux yeux lagon
La chair vociférait à rendre sourd te déshabiller brûlante
Rivée aux lèvres de l’homme qui avait dit vis ce que tu dois
Le seul qui m’ait désirée même lorsque j’étais devenue laide
Vois je rayonne comme le jour et tu refuses mon offrande
Qui sait. Je ne connais de toi que tes doigts de musicien
Que je voudrais entre mes lèvres absentes pour un absent
Je boirai au calice de la Nature et de sa Mémoire j’irai chercher
Sur ta langue le goût de l’Autre dans le sable emporté par le vent
Et la Lumière. Un amour gouverné par un rythme, loin de ton solfège.
3.
Au piano je préférais de beaucoup le pianiste
Quand nous pleurions ensemble sur une Sérénade
De Schubert et le frôlement de nos doigts à nous brûler
Le cœur. Cette sensualité irrésistible qui inondait mes cellules
Et me faisait imaginer d’autres horizons affectifs et sexuels.
Tu m’avais dit vis ce que tu dois et ça me rendait si libre.
Dans le fond c’est par toi que j’aimais, en raison de cette liberté-même
Mais quand même je suis triste de m’être perdue en fantasmes
Tu es si élevé mon Amour, je sais notre lien indéfectible
Puisant ses racines dans le cœur profond. Tu m’as aimée laide
Et malade, lorsque tout le monde et les sourires gênés.
C’est dans mon amour pour toi que s’origine ma création
La plus lumineuse. Tu dis écris ou jouis du piano, l’essentiel
Est de jouir. La postérité je m’en fous, tu as compris
Que j’étais une petite flamme entourée de sarcophages
4.
Je suis ton Implorante et tu es mon Rodin
De Camille C. je n’ai ni la force ni la grâce
Yeux bleus nuit, cheveux châtains, la folie si.
La même quand tu me punis parce que j’ai joué un mi
Au lieu d’un mi bémol ou que tu effleures mon clitoris
Pour entendre mon murmure d’amour au piano.
J’ai fermé la porte pour ne pas que la chatte sorte
Mais dans la nuit de ma fenêtre sur l’Océan s’éclaire
Le Phare d’eau. Tu es sublime tu portes bien la pipe
Auguste universitaire si j’avais vingt-cinq ans tu aurais
Le double de mon âge nous n’avons pas les mêmes saisons
Mais j’ai du goût à te regarder comme dit la chanson
J’ai joué la petite Châtelaine quand tu poussais ton cri
D’amour. Ne m’abandonne pas pour ta Rose Beuret
Vois comme je suis fascinée par tes lettres érotiques
Car des mots fous à lier tu as l’art et le génie.
5.
C’était Collioure et c’était la mer à perte de vue
Depuis les fenêtres de la Maison où je vivais enfant.
Aujourd’hui l’Océan et les bateaux, le parc un peu,
Le manège. Lune regarde passer les gens, les voitures
Perchée sur le piano fermé et pourquoi l’ouvrir encore ?
Il aura fait un beau tombeau à Paname.
Je suis très malade, mon amour, de maladie psychiatrique
Tout m’est étrange quand je crois me hisser je dégringole
Chaque fois et chaque fois tu m’accueilles, moi et ma vie
Bancale, en déséquilibre. La sensation du sable sous les pieds,
Je l’imagine seulement, et toujours ce mur de verre qui me sépare
De tout, de moi. Je tombe amoureuse parfois mais c’est ta photographie
Sur l’étagère, entre tes livres et les miens. Je suis une polyamoureuse
Qui n’aime que toi. Je suis folle de toi. Je suis une pauvre folle.
Ça n’est plus Collioure, c’est Royan, son estuaire et l’Océan
Le calme de ses eaux violentes, le sable au lieu des galets.
A Collioure je dévalais les ruelles, je nageais loin. A Royan j’écris,
Je joue du piano. Je vois les mouettes et je rigole avec Lune.
J’ai vu trois fois mes voisins puis je me suis emmurée dans mon silence.
Tu es mon grand Absent, celui que j’aime le plus de tous mes absents.
Catherine Andrieu
Née à Metz en 1978, Catherine Andrieu grandit au bord de la Méditerranée. Enseignant brièvement la philosophie, elle s’installe finalement à Paris en 2004 pour préparer l’agrégation mais abandonne toute pratique professionnelle suite à un grand bouleversement intérieur lié au suicide de son ami d’enfance et de cœur. Consacré à Spinoza, son premier livre paraît en 2009 chez l’Harmattan. Désormais tournée vers la poésie, la peinture, Catherine Andrieu expose dans plusieurs galeries dans la capitale comme en province et publie une vingtaine de recueils, d’abord aux éditions du Petit Pavé, où elle a été découverte par Jean Hourlier, principalement aujourd’hui aux éditions Rafael deSurtis, dirigées par Paul Sanda. Catherine Andrieu vit depuis peu à Royan où elle poursuit son œuvre singulière tout en s’adonnant au piano. Ses chats ont une place privilégiée dans son cœur et dans son œuvre.
Souffle inédit, Magazine d’art et de culture
Une invitation à vivre l’art