Giosuè Carducci, Eugenio Montale et Salvatore Quasimodo
Giosuè Carducci, Eugenio Montale et Salvatore Quasimodo
Trois poèmes de trois poètes italiens. Choix des poèmes et traduction de Mario Selvaggio.
Giosuè Carducci, Pianto antico – Larmes anciennes
Eugenio Montale, Spesso il male di vivere ho incontrato – Souvent le mal de vivre que j’ai rencontré
Salvatore Quasimodo, Ed è subito sera – Et c’est déjà le soir
Giosuè Carducci (1835-1907)
Larmes Anciennes
L’arbre auquel tu allongeais
ta jolie petite main,
le vert grenadier carmin
aux belles vermilles fleurs,
dans le jardin solitaire
il vient tout de reverdir,
et juin de le rafraîchir
de lumière et de chaleur.
Et toi, la fleur de ma plante
tout frappée et dépérie,
toi de l’inutile vie,
mon ultime unique fleur,
tu es dans la terre froide,
tu es dans la terre noire
ni le soleil ne t’égaie
ni te réveille, ô douceur.
Giosuè Carducci, Rime nuove,
Bologne, Zanichelli, 1887.
Giosuè Alessandro Giuseppe Carducci est un poète, écrivain, et critique littéraire italien né à Valdicastello, un hameau de Pietrasanta, le 27 juillet 1835, et mort à Bologne le 16 février 1907. Il est le premier Italien à recevoir le prix Nobel de littérature, en 1906. Il écrit ses premiers poèmes à l’âge de 13 ans avant de devenir un écrivain qui influence profondément la vie intellectuelle de l’Italie du XIXe siècle. Son œuvre la plus connue est Odi barbare (Odes barbares), publiée en 1882. En 1906, malade et faible, il ne peut se déplacer pour recevoir le prix Nobel. Il meurt l’année suivante.
Eugenio Montale (1896-1981)
Souvent Le Mal De Vivre Que J’ai Rencontré
Souvent le mal de vivre que j’ai rencontré
c’était le ruisseau étouffé qui gargouille
c’était le froissement de la feuille
desséchée, c’était le cheval qui s’écroule.
Eh bien je ne savais pas, en dehors du prodige
ce qui révèle la divine Indifférence :
c’était la statue dans la somnolence
de midi, et le nuage, et le faucon altier.
Eugenio Montale, Ossi di seppia,
Turin, Piero Gobetti Editore, 1925.
Eugenio Montale (Gênes, 12 octobre 1896 – Milan, 12 septembre 1981) est un poète, écrivain, traducteur, journaliste, critique musical, critique littéraire et peintre italien. Parmi les plus grands poètes italiens du XXe siècle, dès le premier recueil Ossi di seppia (Os de seiche) (1925), il a posé les termes d’une poétique du négatif dans laquelle le « mal de vivre » s’exprime par la corrosion du moi lyrique traditionnel et sa langue. Cette poétique est approfondie dans Occasioni (Occasions) (1939), où la réflexion sur le mal de vivre est remplacée par une poétique de l’objet : le poète concentre son attention sur des objets et des images clairs et bien définis qui viennent souvent de la mémoire, tant et si bien qu’elles se présentent comme des révélations momentanées destinées à s’effacer.
Salvatore Quasimodo (1901-1968)
Et C’est Déjà Le Soir
Chacun demeure seul au cœur de la terre
transpercé par un rayon de soleil :
et c’est déjà le soir
Salvatore Quasimodo, Acque e terre,
Florence, Edizioni di Solaria, 1930.
Salvatore Quasimodo (Modica, 20 août 1901 – Naples, 14 juin 1968) est un poète et traducteur italien. Sicilien, autodidacte, traducteur original des grandes œuvres de l’Antiquité grecque, des lyriques aux tragiques, mais aussi de Shakespeare, de Ruskin et de l’Évangile selon saint Jean, successivement poète orphique et difficile, écrivant pour un petit nombre d’initiés, puis clair et actuel, s’adressant à la foule des hommes, il a reçu le prix Nobel de littérature en 1959. La phase la plus créative de l’œuvre poétique de Quasimodo remonte à Acque e terre (Eaux et terres) (1930), Oboe sommerso (Hautbois submergé) (1932) et Ed è subito sera (Et c’est déjà le soir) (1930). Quasimodo forme avec Montale et Ungaretti la trinité des poètes qui a donné à la poésie italienne son visage moderne.
Le traducteur
Poèmes et biographies sont traduits de l’italien en français par Mario Selvaggio
Poète, essayiste, traducteur, critique littéraire, anthologiste, directeur éditorial et animateur culturel, Mario Selvaggio est Maître de Conférences en Littérature Française à l’Université de Cagliari (Sardaigne – Italie). Ses recherches portent surtout sur la francophonie québécoise et méditerranéenne, l’œuvre de Gaston Miron, Tahar Ben Jelloun, Assia Djebar, Hédi Bouraoui et Giovanni Dotoli, et sur des thèmes littéraires, notamment le train, l’olivier, la figure du vampire dans la poésie française des XIXe et XXe siècles, la première édition du Dictionnaire de l’Académie française et quelques entrées fondamentales de l’Encyclopédie. Il a fondé et dirige ou codirige plusieurs collections nationales et internationales. Il travaille depuis longtemps dans le domaine de la traduction littéraire, en particulier de la poésie. En juin 2016, le Cénacle Européen Francophone pour la Poésie, les Arts et les Lettres de Paris lui a décerné le « Prix Horace » pour la traduction.
Poésie