Hyacinthe – Déclinaisons de l’Homme
Hyacinthe – Déclinaisons de l’Homme
Les jeudis d’Hyacinthe
Déclinaisons de l’Homme aux éditions MReditori, premier recueil de poésie d’Hyacinthe
À l’occasion de mes 40 ans, je publie, aux éditions MReditori, un premier recueil intitulé Déclinaisons de l’Homme, un poème pluriel au singulier. Je me permets de vous en offrir quelques bons feuillets :
« Maintenant, je remercie le hasard qui nous a désunis. Je ne sens même pas un désir de vengeance, je ne vous aime plus. Je ne veux rien de vous. Vivez tranquille sur la foi de ma parole, elle vaut mieux que les griffonnages… Je ne réclamerai jamais le nom que j’ai peut-être illustré. Je ne suis plus qu’un pauvre diable nommé Hyacinthe, qui ne demande que sa place au soleil. Adieu… », ainsi pourrait parler l’auteur de ce poème, oui au singulier, car, entre prose et poésie, il souhaite adopter cette parole de Cioran (à ne pas confondre avec le coran) : « Après certaines expériences, on devrait changer de nom, puisque aussi bien on n’est plus le même. Tout prend un autre aspect, en commençant par la mort », et celle-ci encore : « Arrivé à un certain âge, on devrait changer de nom et se réfugier dans un coin perdu où l’on ne connaîtrait personne, où l’on ne risquerait de revoir ni amis ni ennemis, où l’on mènerait la vie paisible d’un malfaiteur surmené. »
Et c’est fait pour ainsi dire, Hyacinthe, quarante ans à la Saint-Barthélemy 2021, pseudonyme d’un poète, prosateur, essayiste, traducteur, agitateur d’idées et enseignant de langue, civilisation et littérature françaises qui considère que l’enseignement et l’engagement sont indissociables de l’écriture, laquelle est à ses yeux la vraie vie, ayant décidé de se retirer à l’âge des prophètes pour assumer ses Déclinaisons de l’Homme et sa place au soleil…
Invocation
Ma vie je l’ai lue dans le marc de raisin
Ce vin devin dive bouteille me sert
Plus que de repère il est mon cousin
Mon parent mon parrain entrée dessert
Aliment condiment sédiment voisin
De cœur et d’esprit compagnon et repère
Ce vin vie vitalité de sarrasin
Moi lui elle l’autre nous tous alma mater
Quête d’idéals étoiles rouges lie
Quand tout sans ivresse nous prive de tout
Du tout au tout du tout au rien pour la vie
C’est à peine pour conjurer les vœux de
Déclin pour que vivre en poésie soit tout
Que Déclinaisons de l’Homme soit un monde
Ceci est ma ténèbre singulière froide
Pourquoi chercher à nous envier vivants ou
Plus encore nous qui vivons sans être fades
On nous impute des talents de sages fous
Entre autres saisons ma raison d’être : amour
Je ne suis pas né je serais sans doute mort
Quel autre amour serait vie sans elle la mort
Et pourtant nous nous rions d’elle et de l’amour
Des roses et des montagnes titre me dis-tu
D’un recueil que j’aurais écrit dans ton sommeil
Ou était-ce dans un rêve de toi vêtu ?
Aussi de moi rêves-tu ? Vivement l’éveil !
Pas vraiment rire mais pleurer pour si toujours
Être il faudrait plus vivre conjurer le sort
Et quel sort et quel amour : un U troubadour
Comme moi mort ou vif vivant où tout a tort
Je n’aurai pas tort de vivre et ils auront tort
De ne pas mourir : c’est un combat pour toujours
Nous pouvons le sol de la même terre à tort
Fouler mais non jamais au grand jamais toujours
Nous pouvons tant et tant et tant et sans jamais tu
Nous pouvons moi le premier vivre heureux l’éveil
Nous pouvons mourir de suite et être têtus
Nous pouvons moi le dernier garantir l’éveil
Après si vous le voulez moi premier en rade
Je viendrai mort chercher par où prendre vos cous
Égorger corriger humilier bande de crades
Nous vous aurons aux cieux élevés sales trous
Et pour finir question d’en jouir sans mourir
J’irai dès mon réveil ivre sans coup férir
Courir sourire écrire et votre oubli décrire
Mon amour me le permet : vous faire souffrir
Ce sont nos morts qui nous font et défont aussi
En partant ils emportent des choses de nous
Des choses qui s’en vont et sans cesse reviennent
Pour nous dire combien nous leur sommes attachés
حَكِّم سُيوفَكَ في رِقابِ العُذَّلِ
وَإِذا نَزَلتَ بِدارِ ذُلٍّ فَاِرحَلِ
وَإِذا بُليتَ بِظالِمٍ كُن ظالِما
وَإِذا لَقيتَ ذَوي الجَهالَةِ فَاِجهَل
[…]
لا تَسقِني ماءَ الحَياةِ بِذِلَّةٍ
بَل فَاِسقِني بِالعِزِّ كَأسَ الحَنظَلِ
ماءُ الحَياةِ بِذِلَّةٍ كَجَهَنَّمٍ
وَجَهَنَّمٌ بِالعِزِّ أَطيَبُ مَنزِلِ
عنترة بن شدّاد العبسي
Qu’en juges tes épées tranchent les têtes de tes ennemis,
Et si tu élis demeure dans un lieu déshonorant, hâte-toi de lever le camp ;
Et si le Destin t’amène à croiser une personne injuste, sois injuste ;
Et si tu rencontres des ignorants, sois toi-même ignorant ;
[…]
Ne me sers pas l’eau de la vie dans le déshonneur, mais
Sers-moi, dans l’honneur, une coupe amère ;
L’eau de la vie, dans le déshonneur, est comme l’enfer
Et l’enfer, dans l’honneur, est la meilleure demeure.
Antara Ibn Chaddad el ‘Absi
« Je veux apprendre toujours davantage à considérer comme la beauté ce qu’il y a de nécessaire dans les choses : c’est ainsi que je serai de ceux qui rendent belles les choses. Amor fati : que cela soit dorénavant mon amour. Je ne veux pas entrer en guerre contre la laideur. Je ne veux pas accuser, je ne veux même pas accuser les accusateurs. Détourner mon regard, que ce soit là ma seule négation ! Et, somme toute, pour voir grand : je veux, quelle que soit la circonstance, n’être une fois qu’affirmateur ! »
Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, IV, § 276.
1.
Bleu le ciel
Comme la peur qui est bleue
Et qui se délave à coup
De bon bleu
Mais nous n’en avons pas peur
Si bleus soyons-nous si bleues
Sont nos nuits
Bleu terreur
Il y a bleu et bleu il y a
Eux et il y a nous : eux/nous
Eux bleu noir
Nous bleu vie
2.
Ni Klee ni Klimt ni Matisse
Ne nous sont étrangers non
Ciel et terre
Lumière
Nom d’un pays : Tunisie
Muse mère patrie lumière sur lumière
Que cette apocryphe sainteté qui devant
Nous entre ciel entre terre entre nous et ciel
Se dégage enfin de là : que ça s’éclaircisse
3.
Mon corps sur la plage vit de son corps à corps
Avec le temps d’être toutes elles méduses
Algues folie felouques oui à bras-le-corps
Avec un autre albatros qui se bat avec
Contre pour envers de ses ailes à l’égard
Purification — vivre l’amour — damnation
4.
Ivre de l’ivresse d’être avec vous murailles
Oiseaux cisailles tonneaux tenailles outils
De vie pour que le vit vive de sa sueur
5.
À Hédi Benaïssa, Mec
Saisis à la volée ailes bleues de colombes
Colombes ailées vous toit ciel infini
Il attend le crépuscule du soir cet homme
Dont les compagnons de lib(ér)ation sont peintre
Poète souffle personnel musée naissance
À ciel ouvert oui colombes contre vautours
Oui mec le ciel t’appartient bleu mouchoir de poche
6.
J’y étais était-ce moi
Seul pluriel avec
Vous sans moi jamais
Être ne pas être comment être toujours
S’interroger : œil
Œil pour œil lumière sur
Pays ayant nom
Tunisie-ma-vie…
Photo de couverture de l’artiste tunisien Tarek Souissi.