Julien Blaine invité de Souffle inédit

Poésie
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Entretien avec Julien Blaine

Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen

Julien Blaine invité de Souffle inédit

A.H : Tu es un ami, voire un « frère ». Nos rencontres poétiques sont humaines, trop humaines. Tu as le verbe haut, fier et rebelle. En témoigne ton nouveau livre, Confidences, paru en juin 2024, aux Presses du réel. Tu oses t’en prendre à ceux que j’appelle les « judéonazis », à l’instar de Raphaël Enthoven dont le nom ouvre ton poème-performance, en ces termes : « “Il n’y pas de génocide à Gaza”, bégaya-t-il 6 fois en brayant, tant il était certain de son affirmation le 12 mai 2024 sur BFM TV où il était l’invité du dimanche. » N’as-tu pas peur des représailles de ces gens-là qui ont le bras long ?

Julien Blaine : J’ai 82 ans et 2 mois moins 1 semaine ! J’ai fait ce que j’avais à faire et je continue de faire ce que je dois faire…

Je ne peux tolérer leur racisme, leur barbarie, leur violence et leur cruauté qu’ils soient directement assassins ou complices ou protecteurs.

Mes amis, mes frères de tous les côtés de la Méditerranée, ont des bras qui embrassent mieux et plus sincèrement que « leur bras long » !

Dès que tu attaques le gouvernement de Netanyahou et son armée Tsahal criminelle de guerre « ils&elles » te traitent d’antisémite : ils&elles ne m’auront pas avec cet argument pitoyable, cette insulte mensongère.

A.H : Le monde, déjà ténébreux, s’est sauvagement obscurci depuis le 7 octobre 2023. Le monde dit « civilisé » a l’air de sombrer dans la barbarie et l’injustice car ceux-là qui soutiennent l’Ukraine contre Vladimir Poutine soutiennent Benjamin Netanyahou contre la Palestine et le Liban. Outre le deux poids deux mesures, il y a un véritable problème politique et éthique. Comment le poète que tu es, qui en parle longuement dans Confidences, aborde-t-il tout cela ? De quels outils disposons-nous pour y faire face ?

Julien Blaine :  Notre outil c’est la parole : le dire, l’écrire et le faire. J’ai un ami palestinien Monein Adwan qui joue magnifiquement du oud et, avec lui nous avons interprété, je préfèrerais employer le verbe « donner » Confidences dans la grande salle du moulin à Ventabren. Le public était conquis : il adhérait.

Julien Blaine invité de Souffle inédit
Julien Blaine et Monein Adwan

Faire adhérer nos lecteurs, nos auditeurs, nos spectateurs partout !
C’est à dire que le monde entier condamne sans restriction les actes criminels de ces 2 armées.
Et que leurs complices, leurs partenaires, leurs protecteurs se taisent car il n’y a pas que Raphaël Enthoven qui fait acte de racisme envers les arabes palestiniens mais des personnes dites de référence comme Elisabeth Badinter ou Anne Sinclair ou même la rabine jadis progressiste et « éclairée » Delphine Horvilleur…

A.H : Dionys Mascolo écrit : « Sont également de gauche en effet ― peuvent être dits et sont dits également de gauche des hommes qui n’ont rien en commun : aucun goût, sentiment, idée, exigence, refus, attirance ou répulsion, habitude ou parti pris… Ils ont cependant en commun d’être de gauche, sans doute possible, et sans avoir rien en commun. On se plaint quelquefois que la gauche soit« déchirée ». Il est dans la nature de la gauche d’être déchirée. Cela n’est nullement vrai de la droite, malgré ce qu’une logique trop naïve donnerait à penser. C’est que la droite est faite d’acceptation, et que l’acceptation est toujours l’acceptation de ce qui est, l’état des choses, tandis que la gauche est faite de refus, et que tout refus, par définition, manque de cette assise irremplaçable et merveilleuse (qui peut même apparaître proprement miraculeuse aux yeux d’un certain type d’homme, le penseur, pour peu qu’il soit favorisé de la fatigue): l’évidence et la fermeté de ce qui est. »
En partant de cette thèse, est-ce que nous pouvons dire que tout ce que tu écris est l’œuvre d’un homme de gauche ? Si oui, en quoi cela un consiste-t-il exactement ?

Julien Blaine : Oui : tu peux dire ça et l’affirmer mais je suis depuis ma plus tendre enfance d’une gauche non organisée, hors des partis, de cette famille libertaire à laquelle je souhaite appartenir. Mon premier poème fut publié dans Jeunes Libertaires. Et c’était un poème contre la guerre d’Algérie et pour l’Algérie algérienne !

Julien Blaine invité de Souffle inédit

C’était en octobre 1961, j’avais 19 ans.

A.H : Si tu devais tout recommencer, quels choix ferais-tu ? Si tu devais t’incarner ou te réincarner en un mot, en un arbre, en un animal, lequel serais-tu à chaque fois ? Enfin, si un seul de tes textes devait être traduit dans d’autres langues, en arabe par exemple, lequel choisirais-tu et pourquoi ?

Julien Blaine :  Je suis assez satisfait de ce que je suis avec toutes les réserves que tu peux imaginer selon ce que j’aurais pu mieux faire par exemple comprendre pourquoi les splendides évènements du printemps 1968 furent l’échec de notre génération et par rapport à mes engagements, plus précisément le mien.

Il y a un mot que j’ai proclamé pour les 30 ans des éditions Al Dante au CiPM (Centre International de Poésie de Marseille) à propos de Laurent Cauwet son fondateur et responsable et que je reprends à mon compte :
C’est un signe chinois

ENDURER ReSiSTER ENDURER ReSiSTER

J’ai demandé à mes amis chinois et français possédant à fond la langue chinoise ou française la signification de ce signe, ils se sont bien un peu disputés mais finalement ils se sont accordés pur me dire que c’était un mot qui établissait une sorte de fusion entre deux verbes français : endurer et résister
Puis j’ai interrogé mon ami, mon petit frère Ma Desheng (10 ans de moins que moi jour pour jour) et il m’indique :
« La grande lettre noire est l’harmonie
Les petits caractères au-dessous sont :
L’harmonie est précieuse
La tolérance est la plus élevée
Ces mots ont beaucoup de saveur philosophique et sont difficiles à traduire. »

Une autre amie Bénédicte Angrémy se manifeste à ma demande et émet une variante sur la seconde salve :
« La résistance est sublime. »
La fusion de l’endurance et de la résistance serait-elle harmonieuse ?
Quant à moi ? Je n’en doute pas !
Cette grande lettre noire se prononce
Zaheu
Si on décrypte cette calligraphie avec l’aide, la mémoire des lettres latines dans une calligraphie approximative on lit :
« P » ou « A »
Pas ou Appât

Quant aux animaux si on en croit mon texte Le livre parue dans la revue ailleurs en mars 1965, texte réédité par Al Dante aux presses du réel en 2019.

Et ma première performance en 1962 Reps éléphant (l’interview des éléphants du cirque Franchi à Aix-en-Provence) mes totems sont l’éléphant et le poulpe, ce céphalopode aux 9 cerveaux et aux 4 cœurs qui s’unit si bien avec moi quand nous jouons au fond de l’eau lui, l’octopus et ma main la pentapus !

Quant à l’arbre selon ce même livre ce serait le cyprès.

Plus récemment j’ai eu des liens personnels affectifs et intelligents avec les ânes, surtout avec les grands noirs du Berry (Cf. mes âneries dans le Berry – éditions Al Dante – 2011)

D’ailleurs pour de nombreuses de mes performances, je prends leur apparence…

Julien Blaine invité de Souffle inédit

ALBUM TOME VI 2023 COVER 2023 ALBUM TOME VI 2023 COVER 2023

Quant à mes livres ce serait certainement celui dont on parle : Confidences réalisées après le 7 octobre 2023 pour les raisons que tu m’as permis d’indiquer dans ce dialogue.

Le combat contre l’impérialisme est une priorité absolue encore plus essentielle quand il est d’une telle cruauté et quand on constate l’arrivée au pouvoir d’un pitre kasinazi tel que Trump !

Il n’y a pas que la Palestine qui est en danger mortel, pas seulement l’Ukraine et le Liban mais tant d’autres à travers notre planète moribonde.

Nous sommes tous menacés de disparition.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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