Paul Verlaine : « Le Prince des Poètes »
Paul Verlaine, né le 30 mars 1844 à Metz et mort le 8 janvier 1896 à Paris, est l’une des figures majeures de la poésie française. Surnommé « Le Prince des poètes », il révolutionne le lyrisme en inventant une poésie musicale et fluide, où le rythme altère et la mélodie des mots priment sur les conventions classiques. Il apporte une voix empreinte de mélancolie et de douceur, qui bouleverse les codes du romantisme.
Les débuts prometteurs
Issu d’une famille bourgeoise, Verlaine commence à écrire dès son adolescence. Après avoir obtenu son baccalauréat à 18 ans, il abandonne ses études, fasciné par la poésie de Baudelaire. Dès 1863, son premier poème, Monsieur Prudhomme , est publié dans une revue. La même année, sous la pression de ses parents, il commence à travailler, d’abord dans une compagnie d’assurances, puis à la mairie de Paris.
En 1866, grâce au soutien financier de sa cousine Élisa, dont il est passionnément amoureux, il publie son premier recueil, Poèmes saturniens , qui révèle un talent prometteur. Mais la mort de son père en 1865, suivie de celle d’Élisa en 1867, plonge le poète dans une profonde tristesse.
Mariage et désillusions
Espérant trouver la stabilité, Verlaine épouse Mathilde Mauté en 1869. Inspiré par cet amour, il écrit deux recueils majeurs : Les Fêtes galantes (1869) et La Bonne Chanson (1870). Cependant, sa rencontre en 1871 avec le jeune poète Arthur Rimbaud bouleverse sa vie.
Une liaison tumultueuse avec Rimbaud
La relation passionnée et orageuse entre Verlaine et Rimbaud dure deux ans. Ensemble, ils voyagent en Angleterre et en Belgique, vivant une existence bohème et tumultueuse. En 1873, à Bruxelles, lors d’une dispute violente, Verlaine tire sur Rimbaud, le bénissant légèrement au poignet. Jugé et condamné, il passe deux ans en prison.
Un retour à la foi et à la poésie
Durant son incarcération, Verlaine se convertit au catholicisme, retrouvant une source d’inspiration spirituelle. Il publie par la suite des recueils marquants comme Sagesse (1880), Jadis et naguère (1884), et Parallèlement (1889).
Déchéance et fin de vie
Malgré des périodes de rédemption, Verlaine sombre progressivement dans l’alcoolisme et la misère. Ses crises de violence et ses liaisons instables choquent ses contemporains. Sa tentative de reconquérir Mathilde échoue, et la mort d’un jeune élève auquel il s’était attaché en 1883 amplifie sa solitude.
Paul Verlaine s’est éteint à Paris le 8 janvier 1896, à l’âge de 51 ans, laissant derrière lui une œuvre d’une richesse incomparable, une empreinte d’émotions et de musicalité. Aujourd’hui encore, il demeure l’une des figures emblématiques du romantisme, célébrée pour son génie poétique et son style inimitable.
Art poétique
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.
C’est des beaux yeux derrière des voiles,
C’est le grand jour tremblant de midi,
C’est, par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !
Car nous voulons la Nuance encore,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! La nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l’éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ?
O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.