Portée par une voix sobre et bouleversante, Arwa Ben Dhia dédie ces poèmes à Gaza, à la Palestine meurtrie, à ses enfants que la guerre dévore dans le silence du monde.
Arwa Ben Dhia dédie des poèmes à Gaza : Ce que la guerre ne tuera pas
Arche de Noé
Une fumée s’abat sur la terre.
Moche comme la guerre,
Moche comme la misère.
Même le soleil s’est mis à l’abri.
Explosion assourdissante,
Déflagration funeste,
Visages effarés, abasourdis,
Corps mutilés, enfouis
Sous les décombres.
Une bombe de plus,
Une bombe de moins,
Qu’importe ? On s’habitue.
C’est devenu votre quotidien,
Dans les médias un fait divers.
Vous avez scellé un pacte de paix
Avec Sa Majesté la Mort.
Elle épargnera certains gamins.
Au moins une fille et un garçon,
De quoi perpétuer un sang humain,
De quoi faire perdurer la tragédie.
Quelle Arche pour vous sauver ?
La mort ne vous aura pas,
Ni même la vie.
Vous mourez chaque jour.
Pourtant, à nos yeux,
Vous incarnez la Vie.
Paris, le 25/04/2025
Lágrimas
Comment pourrais-je
Dormir en paix
Et ignorer leur cri ?
Le cri des démunis,
Des affamés, des opprimés,
Ceux que l’on a arrachés
À leurs terres…
Le sommeil me fuit,
Je pleure !
Tu pleures…
Tu pleures pour balayer
La guerre de ce monde
Qui ne te mérite pas…
Non, il ne te mérite pas.
Garde tes larmes !
Elles reçoivent
Le sacre du bouclier.
Tunis, le 5 mai 2025
Ballons d’or, balles de plomb
Sous la fièvre clameur des foules,
Projetés aux écrans étoilés,
Ils courent derrière un ballon
et conquièrent un empire en millions.
Ailleurs, loin des cadrans,
Ruinés, affamés, corps tremblants,
d’autres
errent sur des terres sans nom,
Dans l’ombre d’un maigre crouton de pain.
La misère n’a point d’audience,
Elle pèse le poids de ce seul faible pain ;
Alors permets que je défaille,
Que je renonce à ce paravent de paille.
Permets-moi
De perdre foi
En toi, en moi,
Dans ce silence,
Je gronde, j’éclate de colère et de honte
Devant cette lie d’humanité.
Et dans un thé tiède de lâcheté,
Je trempe ma plume désabusée
Pourtant —
Paris, le 8 juin 2025
Combien de Pénélope
Honte à vous !
Honte à nous !
Honte à ce berger scélérat
Qui s’abreuve du sang du troupeau.
Honte à moi
Qui regarde ce drame
Derrière une jalousie de vers,
Spectatrice impuissante
Des éclats d’un monde en cendres.
Honte à mes larmes
Qui ne soulagent que mes nuits
Et ne savent franchir
Ni murs, ni frontières,
Pour pleuvoir, manne de pitié,
Sur Gaza.
Combien de Pénélope encore
Croiront en l’aurore ?
Et tisseront sans fin
Des toiles d’araignée
Pour des lendemains
Incertains…
Paris, le 5 juillet 2025
Arwa BEN DHIA est née en 1986 en Tunisie qu’elle quitte en 2009 pour poursuivre ses études d’ingénieur télécoms en France. Elle est docteure en électronique, ingénieure brevets, poète polyglotte, traductrice, autrice et préfacière de plusieurs recueils de poésies. Son dernier recueil « Les quatre et une saisons » coédité en octobre 2024 par les éditions du Cygne en France et les éditions Arabesques en Tunisie a reçu un Diplôme d’Honneur 2024 décerné par la Société des Poètes Français, ainsi que le prix littéraire Dina Sahyouni 2025 décerné par la SIÉFÉGP. Ce recueil a été transcrit en braille. Arwa a participé à plusieurs revues et anthologies poétiques. Elle est sociétaire de la Société des Gens de Lettres (SDGL), de la Sofia, de la Société des Poètes Français (SPF) et de la Société des Auteurs et Poètes de la Francophonie (SAPF), ainsi que membre d’autres associations culturelles dont la Défense de la Langue Française (DFL), Coup De Soleil et Apulivre. Arwa est aussi membre du Cercle Universel des Ambassadeurs de la Paix (CUAP).