Poésie

Entretien avec André Velter

André Velter, invité de Souffle inédit

Quatorze ans après avec André Velter

Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen

Sous le titre « Je suis pour la migration de l’être, à l’infini », publié dans le supplément « Lettres et pensées » de La Presse de Tunisie du mercredi 2 décembre 2009, nous avons réalisé cet entretien :

André Velter est né en 1945 dans les Ardennes. Grand voyageur (Afghanistan, Inde, Népal, Tibet, Extrême-Orient), poète et essayiste, il est considéré comme l’un des poètes les plus importants de sa génération. Auteur d’une trentaine de livres, il est aussi lauréat de plusieurs prix de poésie. On peut citer Aisha (avec Serge Sautreau, préface d’Alain Jouffroy, 1966), L’Arbre-Seul (1990. Prix Mallarmé), Du Gange à Zanzibar (1993. Prix Louise Labé), Le Haut-Pays (1995. Prix Goncourt de la Poésie), La vie en dansant, (2000), Midi à toutes les portes (2007), tous publiés chez Gallimard. Traducteur d’Adonis, de Pessoa et du grand poète afghan Sayd Bahodine Majrouh, il dirige la prestigieuse collection « Poésie »/ Gallimard.

Nous souhaitons partir d’un constat : certes, vous êtes poète, essayiste, traducteur, journaliste, homme de radio, animateur de collection et anthologiste, mais la poésie semble être votre première vocation, vocation autour de laquelle s’articulent toutes vos activités. Comment vivez-vous la poésie ?

André Velter. En fait, je n’ai pas consciemment décidé d’Habiter poétiquement le monde, comme le suggère Hölderlin. C’est tout naturellement que ma vie a pris ce chemin. À dix-onze ans, je ne savais peut-être pas exactement ce que je voulais devenir, mais je savais très précisément ce que je voulais ne pas être : pas question de jouer le jeu social, pas question de penser en termes de « plan de carrière », pas question de se soumettre aux normes habituelles du travail ou de la famille. Et les premiers poèmes que j’écrivais alors m’offraient déjà ce décalage, cette marge où je devinais les aventures et la liberté à venir. Au fond, je ne suis jamais sorti de ce temps de l’enfance, et encore moins de celui de l’adolescence. Le monde mesquin, étriqué, conventionnel des adultes m’a toujours fait horreur. Ce monde-là est encombré de faux-semblants, de valeurs factices, de réflexes meurtriers. L’un de mes livres s’intitule La vie en dansant. Ce titre résume à lui seul mon art de vivre : insouciant, sans pesanteur, et soucieux de sa forme physique autant que de sa vigueur mentale.

Depuis votre premier livre, Aisha, coécrit avec votre ami Serge Sautreau, vous publiez des livres de poésie avec des proses, mais aussi des volumes de proses avec des poèmes. Qu’est-ce qui vous retient dans ce mélange du vers et de la prose ?

André Velter. Depuis longtemps, la distinction entre vers et prose pose problème : on n’est plus dans Le Bourgeois gentilhomme ! Pour moi qui écris à l’oreille, c’est une question de cadence, de tempo. Les vers, avec leurs découpes, leurs assonances et parfois leurs rimes, suggèrent une scansion et souvent une mélodie, un chant. La prose déploie d’autres modulations, elle permet de suivre le cours de la pensée en s’inventant une temporalité propre, en suivant un rythme qui s’apparente plus à une basse continue. Mais, vers ou prose, tout cela appartient dans mon cas au territoire de la poésie. Dans l’alchimie spécifiquement poétique qui conjugue le sens et le son, on peut considérer que les vers privilégient plus le son et que la prose est plus près du sens, mais c’est une affaire d’équilibre sans cesse à retrouver, à réinventer. L’essentiel c’est qu’il y ait une voix qui s’affirme dans l’écriture. Une voix singulière.

Vous êtes un grand voyageur, précisément un voyageur au long cours, et de vos voyages, vous ramenez du texte rare, troublant de lumière et de lucidité à l’instar de ce poème intitulé « Épitaphe », extrait de L’Arbre-Seul :

« Passant, il ne s’est rien passé :

                   ne t’arrête pas.

                   Les stèles, les mausolées et les temples

célèbrent de tristes songes.

De mon corps sans vie est né un feu de joie. » (p. 187)

Qu’est-ce qui motive alors votre quête de l’ailleurs ? Est-ce vous-même ou la poésie que vous recherchez à travers le « dépaysement » ?

André Velter. Je cherche un réel plus vaste. Sur la terre et dans la tête. Un espace sans bornes ni frontières. L’ailleurs n’est pas forcément plus vivable ou plus enchanteur que l’ici, mais le déplacement, la translation, le voyage changent évidemment les perspectives, bousculent les habitudes, obligent à quitter les rails : chaque départ offre un surcroît de légèreté, une jubilation qui tient à ce sentiment de surprise possible puisque l’on va se retrouver là où l’on ne s’attend pas. Le petit poème que vous citez n’aurait pas été écrit ni pensé sans mes longs séjours en Asie. Cette épitaphe n’est en effet pas destinée à une stèle ou un tombeau puisqu’elle n’imagine aucun lieu de recueillement ou de célébration post-mortem. Je suis pour la dispersion des cendres par un jour de grand vent. Je suis pour la migration de l’être, à l’infini.

 

Le septième sommet, L’amour extrême et Une autre altitude « poèmes pour Chantal Mauduit », parus respectivement en 1998, 2000 et 2002, sont aujourd’hui réunis en un seul volume publié dans la collection « Poésie »/ Gallimard. Maints poèmes de cette superbe somme subjuguent le lecteur, l’amour et le deuil se donnant ici la main comme pour faire renaître de ses cendres une poésie qui célèbre l’amour au grand dam de la mort. La parole poétique, écriture du deuil par excellence, est-elle, pour vous, une sublimation ?

André Velter. Les poèmes qui se sont écrits après la mort de Chantal ont été pour moi des textes de survie, sans le moindre souci littéraire. Ils venaient dans un continuum que je ne cherchais ni à orienter ni à maîtriser. Ils étaient le seul oxygène que je pouvais respirer. C’était très physique et pourtant, à ma grande surprise, le premier recueil (Le septième sommet) était très construit, comme si un ordonnancement s’était fait en dehors de moi. La disparition d’une femme aimée est irrémédiable. Le temps du deuil est inacceptable, pire qu’une lâcheté. On ne peut pas, et je dirai on ne doit pas, vivre sans cette absence au cœur, ce soleil noir en soi, à jamais. C’est pourquoi, selon moi, la poésie n’a pas à « sublimer » mais à « tenir parole ». Elle n’a pas à exporter la douleur dans je ne sais quel avenir ou quel ciel. La poésie n’est pas sœur de la consolation. Ce que nous avons passionnément aimé, follement aimé, absolument aimé, ne meurt pas si nous restons sur le qui-vive. En alerte, sans espoir factice. Pour être encore digne d’un tel amour.

 

Votre amitié avec le poète arabe Adonis est manifeste. Traductions, préfaces, lectures et voyages communs, etc., la portent et la nourrissent. Qu’est-ce qui, en particulier, vous retient dans la poésie d’Adonis et dans la poésie arabe en général, sachant que vous avez accueilli dans la collection « Poésie/Gallimard » Mahmoud Darwich et récemment Mohammed Khaïr-Eddine ?

André Velter. Ce qui me retient dans la poésie d’Adonis c’est précisément ce qui la distingue de la poésie arabe en général. Je veux dire par là que c’est son ouverture, son art du métissage, son courage iconoclaste, son chant personnel qui d’emblée me séduisent, me questionnent, m’impressionnent. Il ne renie rien de son héritage (il serait d’ailleurs plus juste de parler de ses héritages), mais il agrandit sans cesse son champ d’exploration. Dans l’univers de la poésie d’aujourd’hui, il est comme un aimant : il attire, il charme, il répercute, il irradie au loin. Sa voix est essentielle ; sa lucidité, exemplaire ; son verbe, universel.

L’amitié avec Mahmoud Darwich a beaucoup compté pour moi. Ce qui me fascinait, c’était sa façon de répondre en homme et en poète au défi, voire à la malédiction de l’Histoire. Il ne voulait pas être seulement un porte-voix, il voulait librement inventer sa voix, y compris dans ses résonances les plus intimes, les plus secrètes. En cela, il était unique, irremplaçable. Paroles de son peuple et amant solitaire : comme une blessure dans deux registres du chant.

Quant à Mohammed Khaïr-Eddine, il est, marocain de langue française, comme une insurrection en marche et en mots. L’un des grands calcinés de l’aventure poétique. Plus qu’un voleur de feu : un brasier qui se disperse, qui s’égare, qui court à sa perte.

 

Plaidant en faveur d’une « nouvelle oralité », vous écrivez en préface à une anthologie intitulée Poésie d’aujourd’hui à voix haute (Gallimard, coll. « Poésie », 1999) : « J’évoque les foules de Kairouan à l’assaut de la scène où Nizar Kabbani offrait ses poèmes. » Et néanmoins, l’œuvre de Nizar Kabbani, que vous avez rencontré à Kairouan dans les années 90 à l’occasion du Festival du Printemps des arts, n’est pas traduite en français et il serait difficile de l’imposer chez un éditeur français, comme d’ailleurs d’autres voix majuscules du monde arabe (Badr Shaker Es-Sayyeb, Khalil Hawi, Amal Dankal, Mohammed Bennis, Amjad Nasser). Qu’est-ce qui alors retient l’éditeur que vous êtes ? Sur quels critères jugez-vous les œuvres que l’on vous soumet du monde entier ? Votre sensibilité de poète entre-t-elle en ligne de compte ?

André Velter. Il y a plusieurs questions dans cette question. Certains des auteurs que vous citez (Nizar Kabbani et Mohammed Bennis par exemple) ont déjà été traduits en français, insuffisamment certes, mais ils ne restent pas sans écho en France. Pour ce qui est de la collection Poésie/Gallimard, outre deux livres d’Adonis et la présence de Mahmoud Darwich, Tahar Ben Jelloun et Mohammed Khaïr-Eddine, une anthologie de la poésie arabe classique vient d’être publiée. Vous jugez sans doute que c’est peu, mais cette collection a pour vocation d’accueillir la poésie de tous les temps et de tous les pays. « Vaste programme », aurait dit le général de Gaulle ! Les critères de choix dépassent de loin ceux que me dicterait ma seule sensibilité. Il y a d’abord les grands classiques qui doivent impérativement entrer au catalogue (cette année : Dante et Quevedo). Ensuite les grands contemporains, en ayant toujours à l’esprit de respecter la multiplicité des langues (cette année : Herberto Helder, portugais ; Kiki Dimoula, grecque ; Marina Tsvétaïéva, russe). Puis les Anthologies, puis les auteurs français du XXe, etc., etc. C’est une responsabilité très lourde, qu’après d’autres, j’assume en conscience, et qui ne doit pas être jugée uniquement sur ses manques. Le panorama d’ensemble me paraît plus qu’honorable et, franchement, quelle autre collection de poésie au monde témoigne d’une telle diversité, d’une telle ouverture d’esprit ?

Entretien avec André Velter

Quatorze ans après

… Nous souhaiterions prolonger avec vous cet entretien. Pouvons-nous dire que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts ? Mais dans quel sens ? Comment pourriez-vous résumer les quatorze dernières années en question ? Qu’est-ce qui a changé chez vous, dans votre vie d’homme et de poète ?

André Velter. Si de l’eau a coulé c’est sans doute à revers, avec presque partout la résurgence des infamies populistes ou guerrières des années 30, quand ce n’est pas un retour aux tranchées de la guerre 14 ! Mais cela c’est pour le décor du monde comme il va. Comment prétendre habiter encore, ô Hölderlin, un tel monde en poète ? Je n’ai aucune recette ni aucun conseil à donner, mais je peux dire ce qu’il en est pour moi. Je vis de plus en plus « à l’écart » comme disait Michel Butor (plus précisément en Provence, avec des « sauts » assez fréquents à Paris, et des échappées au long cours dans l’Himalaya). Je n’écoute aucune radio ou télévision d’informations, mais exclusivement et intensément France Musique. Pas question d’être pris en otage par des médias aussi mensongers que mortifères !

J’ai abandonné toute fonction éditoriale, même si mes liens avec Jean-Pierre Siméon (qui m’a succédé à la direction de Poésie/Gallimard) et avec Antoine Gallimard sont toujours très étroits. Il s’agit là d’amitié et plus du tout de responsabilité.

Côté création, ce qui s’est par bonheur beaucoup développé, c’est le parcours commun avec Ernest Pignon-Ernest (plus de vingt livres en partage, notamment chez Actes Sud et chez Gallimard, des expositions, des rencontres, des récitals).

 

Beaucoup de grands poètes sont partis au cours de ces dernières années, votre compagnon de route, Serge Sautreau, en 2010, Alain Jouffroy en 2015, Yves Bonnefoy en 2016, Lorand Gaspar en 2019, Philippe Jaccottet et Bernard Noël en 2021, Michel Deguy en 2022. Comment la poésie française se portera-t-elle désormais ? De quel œil voyez-vous ce qui se fait aujourd’hui, entre ce qui est écrit et publié, et ce qui répugne au livre et se présente comme performance ou installation ?

André Velter. Oui, Rutebeuf chanté par Léo Ferré résonne à l’infini : rien n’est plus cruel que le départ irrémédiable des amis. Serge était mon « frère de route » selon la belle expression qui liait René Char à Albert Camus. Cette « route » débroussaillée ensemble en 1963 est-elle toujours ouverte, lumineuse, inventive ? Au fond, je n’ai pas la réponse et cela ne m’importe guère : je continue à vivre, à écrire, à voyager avec la même énergie (fidèle à la magnifique devise du génial danseur flamenco Israël Galvan : « Les forces qui vont me manquer un jour, je les dépense. ») Quant à ce qui se publie en poésie aujourd’hui, je ne suis vraiment pas en manque de lectures avec les grandes traductions (Adonis encore et toujours, Juan Gelman, Wislawa Szymborska, Édith Bruck, etc., etc.), avec les francophones dont beaucoup sont mes amis (Zéno Bianu, Alain Borer, Christian Bobin, Jean-Paul Michel, Éric Sarner, Pascal Quignard, et j’en oublie, et j’en oublie…) Mais ce qui me requiert le plus ce sont les récitals que je propose avec des musiciens (Gaspar Claus, Pedro Soler, Jean-Luc Debattice, Olivier Deck, Jean Schwarz, David Aubaile, Frédéric Deville, etc., etc.). Ces récitals et les CD qui suivent ne remplacent pas une lecture solitaire et silencieuse, ce sont des propositions d’écoute, la part oralisée de mes poèmes.

 

Moins de deux ans après la parution de Séduire l’univers, précédé d’À contre-peur, lauréat du prix Apollinaire 2021, vous avez publié en janvier dernier Trafiquer dans l’infini, dont le titre est inspiré de Rimbaud. D’ailleurs, pour le plaisir de nos lecteurs, nous aimerions citer votre note finale, intitulée « Explorer à mon compte » : « Des décennies durant, je n’ai cessé de citer, en guise d’injonction majeure, cette annonce aux siens de Rimbaud dans sa lettre de Harar du 4 mai 1881 : Pour moi je compte quitter prochainement cette ville-ci pour aller trafiquer dans l’inconnu. J’ignorais, comme nombre de ses éditeurs, que la publication de sa correspondance en 1899 par les soins frauduleux de Paterne Berrichon était scandaleusement fautive. En consultant la missive autographe, l’extrait, si célèbre, apparaît désormais d’allure moins précipitée. Qu’on en juge (puisqu’il n’a pas été rétabli dans telle ou telle édition des Œuvres complètes) : Pour moi je compte quitter prochainement cette ville-ci pour aller trafiquer ou explorer à mon compte dans l’inconnu… J’avoue qu’en choisissant le titre de ce livre, Trafiquer dans l’infini, j’avais assez précisément en tête, sans la moindre connaissance des mots retranchés d’Arthur, que je m’aventurais là pour explorer à mon compte, loin de tout commerce, mais par désir d’extension amoureuse et sans frein de l’inconnu, jusqu’aux rives extrêmes de l’infini. »

Après tant d’années, vous demeurez fidèle à votre concitoyen ardennais, Arthur Rimbaud, pouvez-vous nous en dire plus ?

André Velter. Même si l’on n’est pas ardennais de naissance, il est difficile d’échapper à cet Arthur-là ! Rien à faire, il est toujours présent au détour d’un vers, d’une invective, d’un voyage, parce qu’il est toujours (surtout quand on s’y attend le moins) au point tangentiel de la vie et de la poésie, et qu’il choisit le risque de la vraie vie sans jamais se payer de mots. À plus d’un siècle de distance, il reste pour moi un « frère d’aventure », « l’indépendant à outrance » comme le qualifiait Ernest Delahaye. Un autre de mes concitoyens ardennais, René Daumal, se tient aussi constamment à mes côtés, et singulièrement quand j’entreprends des marches d’altitude au Népal, en vue des plus hauts sommets du monde. Son Mont Analogue constitue l’axe de mes univers.

 

Trafiquer dans l’infini, mélange de proses et de poèmes, où le lecteur croise, entre autres, Mallarmé, Jaufré Rudel, Maurice Scève et François Cheng, ne porte pas d’indication générique, alors que nous avons adoré le mot « poème » qui caractérise la plupart de vos grands recueils. Pourquoi ce choix ?

André Velter. Parce que je ne considère pas ce livre comme un continuum lyrique et que l’annoncer en « poème » au singulier ne rendrait pas compte de son architecture. J’ai voulu ici développer plusieurs registres, avec de longues séquences de proses qui sont d’un genre intermédiaire : pas des poèmes en prose, plutôt des proses à main levée, légères mais un rien didactiques.

 

« Sur zone, avec Zéno, avec Alain », est précédé d’une citation de feu Serge Sautreau : « Oui, mais au bout il y aura la mer ». Sans doute s’agit-il de Zéno Bianu, mais s’agit-il d’Alain Borer ou d’Alain Jouffroy ?

Il va sans dire, comme en témoigne Adonis, vous êtes fidèle en amitié. Poésie rime-t-elle avec amitié ? S’agit-il de la valeur la plus profonde à vos yeux, aujourd’hui où la crise, de la santé au déchaînement de la nature, en passant par les guerres, est généralisée ?

André Velter. Zéno Bianu, Alain Borer, Serge Sautreau et moi avons formé le Groupe Zanzibar qui avait pour vocation d’œuvrer surtout dans l’invisible et qui n’apparaissait qu’au travers d’une publication, Les Cahiers de Zanzibar, dont la particularité était d’être résolument « hors de tout commerce » et qui était exclusivement réservé aux très proches amis. Depuis la mort de Serge, nous avons poursuivi, toujours aux lisières de l’invisible et sous le nom de Trio Actéon, quelques rares manifestations publiques (une fois l’an à Genève dans la galerie Andata Ritorno) au cours desquelles, à la suite d’une citation de Serge, nous improvisons un récital commun.

Comme vous le pressentez fort justement, l’amitié est bien ma seule religion (étant entendu que le sacré, sensuel et absolu, est réservé à l’amour). Un simple déjeuner avec Adonis, un rendez-vous à Montparnasse avec François Cheng, une promenade avec Zéno Bianu, un passage dans l’atelier d’Ernest Pignon-Ernest, une escale à Aubervilliers chez Bartabas, et les effroyables monstruosités du genre humain s’effacent comme par magie : car il y a quelque chose de magique et d’heureusement inexplicable dans l’amitié. Évidemment, de tels instants ne vont pas changer le monde, mais ils nous permettent de ne rien céder de ce que nous voulons être, avec plus précieux que tout : la joie soudaine, revivifiée, précisément libérée de tout.

 

Si vous deviez tout recommencer, quels choix feriez-vous ? Si vous deviez incarner ou vous réincarner en un mot, en un arbre, en un animal, lequel seriez-vous à chaque fois ? Enfin, si un seul de vos textes devait être traduit dans d’autres langues, en arabe par exemple, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

André Velter. Tout recommencer ? Je ne changerais rien, tant la chance, l’énergie et l’amour m’ont été généreusement, et sans doute exagérément, prodigués.

Un mot ? Jubilation.

Un arbre ? L’olivier.

Un animal ? Un chat noir sans pedigree, de gouttière comme on dit.

Un texte à traduire ? Aujourd’hui je choisirais le premier poème de Trafiquer dans l’infini qui est une déclaration d’amour à la poésie et à l’amour de l’amour, et qui répond à l’intitulé le plus évident : Poésie.

Pour plus de compléments sur l’œuvre-vie d’André Velter, nous invitons nos lecteurs à visiter le site officiel du poète 

Poésie

Lire aussi 

 

Souffle inédit

Magazine d'art et de culture. Une invitation à vivre l'art. Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *