Mimoza Ahmeti : une poésie aux frontières du visible

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Dans cette sélection présentée par Christophe Condello, la poésie de Mimoza Ahmeti déploie ses zones vibrantes, entre solitude, clarté intérieure et visions métaphysiques.

Petite mise en lumière – Mimoza Ahmeti

Par Christophe Condello

La poésie de Mimoza Ahmeti explore les zones instables de la conscience, là où solitude, perception et métaphysique se croisent. Dans ces textes, l’être traverse des espaces intermédiaires, entre lucidité tranchante et visions presque cosmiques. Ses poèmes interrogent la cohésion du moi, ses illusions, ses retours, ses éclats. L’humain y apparaît en mouvement constant, toujours menacé par la perte, toujours aimanté par la lumière. Une voix qui scrute l’invisible pour révéler les tensions secrètes du réel.

Petite mise en lumière - Mimoza Ahmeti

Pauvres notions

Pauvres notions,
de la solitude spatiale que vous composez,
je passe par inertie en même temps que vous
dans mon espace ne comprenant que moi,
comme dans une ville
soudain abandonnée de tous
avec un sentiment absolu de non-retour
(ce qui, je sais, ne peut se produire).

Pauvres notions,
restées en l’air, étrangères à toute relation,
parce que, misère et splendeur à la fois,
je ne sens plus rien.

Le principe discret

J’appartiens au principe discret
sans nom, sans forme, sans culpabilité.
Il agit comme « intermédium ».
Il vient comme un rêve vert en mai
avec un sourire spin.

Cette matrice de totalité
secoue les murs du tout
d’une balade soufflée.

Je vais, reviens et retourne dans mon moi,
Je me sens comme un œil clair azur,
qui centre et disperse
la clarté.

Et je m’en remets à chaque folie
parce que la vérité n’est jamais là,
mais l’espace et la grâce figurant le moi,
qui croit en son petit ciel, immensément,
Et toute la foi enracinée dans l’illusion,
illusion après illusion, jusqu’à la cohésion.

Le principe discret agit sans arrêt
Un bras dans le maintenant et l’autre dans l’éternité
avec fatal retard
chaque douleur – allumée!

Il y aura des surprises

Quand tous nos plans seront étroitement nivelés
Quand tous les angles tomberont dans un plan
Quand le cœur des perles coulera du coin des yeux
Et apparaitra l’invisible qui éclaircit le plus évident.

Alors adviendra l’adieu aux sens
Le cerveau sentira sans toucher
Notre appétit des sens s’étiolera lentement,

Mais restera une blessure sanglante
Où donc s’en va cette créature absolue
En perdant le sens de la solitude
Est-ce que l’UNIQUE est suffisant ?

Le secret du secret était si simple :
La vie de la balle dans la visée de l’objectif orientée par
la direction.

Où donc pars-tu, étoile, homme réuni,
Avec ton cyber sourire ?

Souviens-toi que tout bouge tandis que tu bouges
L’objectif est décevant, car il se déplace.

La Perte vient avec le Temps
La Victoire avec l’Espace

Mais tout sera avalé, digéré jusqu’à disparition et renaîtra.
Le Désir existe au-delà
Tout comme Dieu.

Victoire

S’il avait mis la victoire dans un lieu secret,
afin que personne ne
la voie,

afin que personne ne le
sache…

C’était le plus grand mal
qui lui soit jamais arrivé…

Quelqu’un s’est perdu,
pour qu’il puisse vaincre,
fut mortellement blessé par sa victoire,
diminué, défiguré…

Il a fui la victoire,
quand elle l’a attrapé,
Il l’a cachée dans le plus vieux coffre
comme le plus nouveau danger…

Mimoza Ahmeti
Crédit photo : Ornela Vorpsi

La poétesse

Mimoza Ahmeti est une écrivaine et poétesse albanaise.
Elle fait des études de lettres à l’Université de Tirana. Elle obtient un MBA, à l’Institut universitaire Kurt Bosch, de Sion, en Suisse et un PhD à l’université Sigmund Freud de Vienne, ainsi qu’un post-doctorat à la SFU de Paris. Elle travaille comme enseignante-chercheuse à l’université dans différents domaines.

Sa poésie a reçu la palme d’or au Festival de poésie de San Remo en 1998, remise entre ses mains par le grand poète Adonis. Depuis 2019, elle anime, à la télévision nationale, à Tirana, une émission culturelle. Elle est qualifiée d’enfant terrible par l’Albanologue Robert Elsie.

Christophe Condello est poète, blogueur (Christophe Condello | « Les arbres sont des êtres qui rêvent » Aristote), chroniqueur et directeur littéraire de la collection Magma Poésie chez Pierre Turcotte Éditeur.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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