Formatrice devenue poète, Myriam Eck explore, à travers une écriture sensorielle et dépouillée, les lieux du corps, du souffle et de la perte. Son œuvre, ancrée dans le réel mais tendue vers l’invisible, fait entendre une parole qui cherche le présent au plus près de la peau et du vent.
Petite mise en lumière – Myriam Eck
Par Christophe Condello
MAINS
Tu ouvres tes mains
Et dans le même mouvement tu m’as ouverte
Le geste inattendu du toucher
À quoi bon se tendre ?
La peau vient
D’elle-même
Sous la main
Le corps respire
Plus fort
Par la peau
CALANQUES
Je marche dans ma faim
Tendue
De tous côtés
Les moments d’y renoncer comme
Repris
Marquer la distance
Jamais vidée
Le proche lointain perdu
Tout ça laisse une trace
De doigts
J’attends
Sans pas
Le présent de face
Reste une tête peuplée
Comme de pierres
Écarter la salive
Disperser les parois
L’étreinte dont on se relève
Le corps en soif
Toute la place encore
Frémissante
Qu’est-ce qui reste ?
Me le dire
Sans voix
Ce qui reste après la faim
La perte a un bruit
De sol
Deux mains reculées
Sans vis-à-vis
On ne choisit pas l’endroit où l’on s’arrête
À la limite du saut
Le regard sans pied
Tandis que l’ombre revient
Ouverte
Libre d’emporter un cri
Au hasard
Je ne devrais pas regarder au sol
Fuir mes pas
Peut-on croiser le vent
La vue légère ?
Toute tentative
Me plaque à terre
Les traits
Sans ombre
Remuent doucement la chair
Ce qui reste sans se souvenir
J’ai des yeux sans repos
Le pied pâle
Si peu de main
Accrochée
Sous le soleil
À l’endroit où l’on s’arrête
La chute inscrite dans les pas
La chair tombe
Sans choisir
De crier
Juste pas vue
Les pieds n’ont pas besoin de tant de place
Le présent rentre sans retour
Marcher
Pour que ça appuie
Dedans
Ne pas penser
Au moment
Où le sol deviendra vent
L’étreinte libre du vent
Ici même au large
La poétesse
Née en 1972 à Digne les bains, Myriam Eck a exercé le métier de formatrice spécialisée pendant près de 20 ans à Paris avant de revenir s’installer à Marseille où elle anime des ateliers d’écriture auprès d’adultes ayant des fragilités psychiques. La pratique créative de l’écriture au quotidien lui permet de rendre sensible son vécu, tout en vivant, par la poésie, une expérience de déplacement. Elle a publié ses poèmes dans cinq livres (Éditions Æncrages & Co, Éditions Po&psy, …), une dizaine d’anthologies, une quinzaine de livres d’artistes, des monographies d’artistes et une trentaine de revues de poésie (Triages, Europe, L’Étrangère, Serta, …). Un dossier présente son travail dans le n°180 de la revue Décharge et le n°29 de la revue N47.
Son site : Myriam Eck – poésie contemporaine
Christophe Condello est poète, blogueur (Christophe Condello | « Les arbres sont des êtres qui rêvent » Aristote), chroniqueur et directeur littéraire de la collection Magma Poésie chez Pierre Turcotte Éditeur.




