Poésie

Poèmes de Stefano Lorefice

Poèmes du poète italien Stefano Lorefice

Extraits de Passeggeri solitari, éditions La gru, février 2023.

Choix de poèmes et traduction française d’Irène Duboeuf.

 

Passagers solitaires, extraits de « Hypothèse sur le retour »

 Poèmes du poète italien Stefano Lorefice

Sur la photo de l’année 42, ils étaient six, les conscrits de la classe 24 ; torse bombé, « fiers comme Artaban » si l’on peut dire. Mon grand-père se tenait à gauche, il portait déjà en lui le silence et quelque incertitude étant donné l’étrangeté de l’époque. On a la certitude qu’ils ne sont pas partis ensemble. Ils furent appelés à diverses reprises. Deux ne sont pas revenus, trois ont fini prisonniers, mon grand-père, partisan. On ne sait rien du photographe : disparu, caché, déserteur parmi les déserteurs. On dit qu’il hante encore le studio, parmi les photos les plus belles, avec plusieurs de ses petits-enfants.

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Il faut une base suffisante de papier et de petits bois… puis du hêtre pour donner de la chaleur : un bon feu consume et restitue ce qui fut du bois et de l’homme. Toute cette bénédiction de l’âme m’apparaît en même temps que mon grand-père, qui explique que la façon de l’allumer est une question de matins d’hiver, de mains à réchauffer et de la forme étrange de certains nuages qui passent au-dessus des montagnes.

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C’est un arbre errant que le mien. Qui bouge au sein même de ses racines. Il n’a pas de but, pas de lieu. Et reste plutôt en lisière, dans les zones marginales. Il semble ne pas bouger et pourtant son principe de base est la fuite.

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Le désir sauvage d’exister au-delà

de ces amalgames de sentiers et de mauvaises routes,

de retrouver un paysage nouveau

qu’on remarque à peine entre les départs pour où ne sait où

et les milliers de pas répétés chaque jour.

Quatre syllabes sur mes lèvres

sèches et mon visage creusé par les ans

toujours aussi irréductible.

 

Stefano Lorefice

 Poèmes du poète italien Stefano Lorefice

Le poète italien Stefano Lorefice est né et vit au bout du lac de Côme. Il a publié les recueils Passeggeri solitari (Edizioni La gru, 2023), Frontenotte (Transeuropa, 2011), L’esperienza della pioggia (Campanotto, 2006), Budapest Swing Lovers (Edizioni Clandestine, 2004) et Prossima fermata Nostalgiaplatz (Clinamen, 2002). Il est également auteur d’un recueil de nouvelles intitulé Cosmo Blues Hotel (Edizioni Clandestine, 2004) et d’un roman Il giorno della Iena (Giraldi, 2014). Il fait aussi de la photo mais, dit-il, cela est une autre histoire.

Le poète

Irène Duboeuf 

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