Poésie

Sophie d’Arbouville

Sophie d’Arbouville

Sophie d’Arbouville, poétesse et nouvelliste française

Sophie d’Arbouville, née le  29 Octobre 1810  et morte le 22 mars 1850 à Paris, est une poète et nouvelliste française.

À 22 ans elle épouse le général   François d’Arbouville. Pour des raisons de santé elle ne peut suivre le général en mission en Afrique elle retourne à Paris.

Elle tient un salon à Paris, dont le principal sujet est la poésie : Sainte-Beuve lui dédie des poèmes et entretient une correspondance avec elle. Mérimée et Chateaubriand lui rendent visite.

Mercredi en poésie avec Sophie d’Arbouville 

Sophie d'ArbouvillePoème l'hirondelle

L’hirondelle

Ô petite hirondelle

Qui bats de l’aile,

Et viens contre mon mur,

Comme abri sûr,

Bâtir d’un bec agile

Un nid fragile,

Dis-moi, pour vivre ainsi

Sans nul souci,

Comment fait l’hirondelle

Qui bat de l’aile ?

 

Moi, sous le même toit, je trouve tour à tour

Trop prompt, trop long, le temps que peut durer un jour.

J’ai l’heure des regrets et l’heure du sourire,

J’ai des rêves divers que je ne puis redire ;

Et, roseau qui se courbe aux caprices du vent,

L’esprit calme ou troublé, je marche en hésitant.

Mais, du chemin je prends moins la fleur que l’épine,

Mon front se lève moins, hélas ! qu’il ne s’incline ;

Mon cœur, pesant la vie à des poids différents,

Souffre plus des hivers qu’il ne rit des printemps.

Ô petite hirondelle

Qui bats de l’aile,

Et viens contre mon mur,

Comme abri sûr,

Bâtir d’un bec agile

Un nid fragile,

Dis-moi, pour vivre ainsi

Sans nul souci,

Comment fait l’hirondelle

Qui bat de l’aile ?

 

J’évoque du passé le lointain souvenir ;

Aux jours qui ne sont plus je voudrais revenir.

De mes bonheurs enfuis, il me semble au jeune agi

N’avoir pas à loisir savouré le passage,

Car la jeunesse croit qu’elle est un long trésor,

Et, si l’on a reçu, l’on attend plus encor.

L’avenir nous parait l’espérance éternelle,

Promettant, et restant aux promesses fidèle ;

On gaspille des biens que l’on rêve sans fin…

Mais, qu’on voudrait, le soir, revenir au matin !

 

Ô petite hirondelle

Qui bats de l’aile,

Et viens contre mon mur,

Comme abri sûr,

Bâtir d’un bec agile

Un nid fragile,

Dis-moi, pour vivre ainsi

Sans nul souci,

Comment fait l’hirondelle

Qui bat de l’aile ?

De mes jours les plus doux je crains le lendemain,

Je pose sur mes yeux une tremblante main.

L’avenir est pour nous un mensonge, un mystère ;

N’y jetons pas trop tôt un regard téméraire.

Quand le soleil est pur, sur les épis fauchés

Dormons, et reposons longtemps nos fronts penchés ;

Et ne demandons pas si les moissons futures

Auront des champs féconds, des gerbes aussi mûres.

Bornons notre horizon…. Mais l’esprit insoumis

Repousse et rompt le frein que lui-même avait mis.

 

Ô petite hirondelle

Qui bats de l’aile,

Et viens contre mon mur,

Comme abri sûr,

Bâtir d’un bec agile

Un nid fragile,

Dis-moi, pour vivre ainsi

Sans nul souci,

Comment fait l’hirondelle

Qui bat de l’aile ?

 

Souvent de mes amis j’imagine l’oubli :

C’est le soir, au printemps, quand le jour affaibli

Jette l’ombre en mon cœur ainsi que sur la terre ;

Emportant avec lui l’espoir et la lumière ;

Rêveuse, je me dis : « Pourquoi m’aimeraient-ils ?

De nos affections les invisibles fils

Se brisent chaque jour au moindre vent qui passe,

Comme on voit que la brise enlève au loin et casse

Ces fils blancs de la Vierge, errants au sein des cieux ;

Tout amour sur la terre est incertain comme eux ! »

 

Ô petite hirondelle

Qui bats de l’aile,

Et viens contre mon mur,

Comme abri sûr,

Bâtir d’un bec agile

Un nid fragile,

Dis-moi, pour vivre ainsi

Sans nul souci,

Comment fait l’hirondelle

Qui bat de l’aile ?

 

C’est que, petit oiseau, tu voles loin de nous ;

L’air qu’on respire au ciel est plus pur et plus doux.

Ce n’est qu’avec regret que ton aile légère,

Lorsque les cieux sont noirs, vient effleurer la terre.

Ah ! que ne pouvons-nous, te suivant dans ton vol,

Oubliant que nos pieds sont attachés au sol,

Élever notre cœur vers la voûte éternelle,

Y chercher le printemps comme fait l’hirondelle,

Détourner nos regards d’un monde malheureux,

Et, vivant ici-bas, donner notre âme aux cieux !

 

Ô petite hirondelle

Qui bats de l’aile,

Et viens contre mon mur,

Comme abri sûr,

Bâtir d’un bec agile

Un nid fragile,

Dis-moi, pour vivre ainsi

Sans nul souci,

Comment fait l’hirondelle

Qui bat de l’aile ?

Sophie d'Arbouville

Recueil : Poésies et nouvelles (1840)

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