Vigée Le Brun entre à Versailles : Un pastel royal pour l’histoire

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@ Château de Versailles

Le château de Versailles enrichit ses collections avec un portrait rare du comte de Provence, réalisé en 1776 par Élisabeth Vigée Le Brun. Cette œuvre emblématique marque l’entrée de la jeune artiste dans le cercle très fermé de la famille royale.

Acquisition d’un pastel de Vigée Le Brun : Le portrait du comte de Provence en 1776

Le 16 juin 2025, le château de Versailles a préempté avec succès, lors d’une vente publique, un pastel de toute première importance : le portrait du comte de Provence, futur Louis XVIII, réalisé par Élisabeth Vigée Le Brun en 1776. Ce pastel représente bien plus qu’un simple portrait princier. Il constitue le premier jalon d’une carrière fulgurante au sein des sphères du pouvoir monarchique, révélant dès ses débuts le génie pictural de l’artiste.

Vigée Le Brun entre à Versailles : Un pastel royal pour l’histoire
@ Château de Versailles

C’est grâce à Cromot du Bourg, surintendant des Maisons et Domaines du comte de Provence, que Vigée Le Brun se voit confier cette commande officielle. Douze portraits sont alors requis. Le pastel récemment acquis pourrait bien être l’original de cette série, fruit d’une rapide séance de pose, rémunérée à hauteur de 2 320 livres – somme notable pour l’époque.

En s’attaquant au visage du frère du roi Louis XVI, Élisabeth Vigée Le Brun inaugure une série de représentations royales qui définiront sa carrière, culminant avec les portraits célèbres de Marie-Antoinette. Dès ce premier contact avec la noblesse, elle impose un style nerveux, expressif, et une technique de pastel audacieuse, inspirée notamment de Jean-Baptiste Perronneau.

L’œuvre, exécutée sur papier collé sur toile, est remarquable par l’intensité de sa palette. Les couleurs de l’habit, éclatantes pour un pastel de Vigée Le Brun, sont rehaussées de traits noirs affirmés et d’ombres brunies qui soulignent le relief. Le bleu du cordon et de la croix de l’Ordre du Saint-Esprit tranche avec vigueur. Le visage du comte, arrondi et lumineux, exprime autant la personnalité que le statut, tandis que les hachures colorées animent la carnation de subtiles vibrations. L’ensemble traduit cette virtuosité du geste qui rend les chairs presque vivantes.

Déjà membre de l’Académie de Saint-Luc depuis 1774, Vigée Le Brun manie le pastel avec une rare assurance. Elle le travaille au doigt ou à l’estompe, puis juxtapose hachures chaudes et froides, parfois proches d’un rendu impressionniste avant l’heure. Sa méthode, à la fois sensible et rigoureuse, cherche à révéler le caractère tout en adoucissant les marques du temps.

Ce pastel rejoint le prestigieux cabinet des arts graphiques du château de Versailles, fort de plus de 30 000 œuvres. Depuis les années 2000, ce département s’attache à acquérir des pièces exceptionnelles illustrant les figures de l’Ancien Régime. Ce portrait vient ainsi compléter une série d’acquisitions majeures : le portrait de La Borde par Carmontelle (2022), celui de la Grande Mademoiselle par Simon Vouet (2024) ou encore celui de Louis XV enfant par Rosalba Carriera (2024).

Dans ses Souvenirs, Vigée Le Brun décrit Monsieur – nom de cour du comte de Provence – comme un homme aimable, loquace, parfois trivial, mais toujours curieux d’art. À travers ses anecdotes, elle livre le portrait d’un prince libéral, à la fois apprécié du public et politiquement à part à la Cour. Ce pastel, au-delà de sa valeur esthétique, incarne ainsi un moment fondateur d’une double reconnaissance : celle d’un artiste appelé à dominer son époque, et celle d’un prince dont l’histoire allait s’écrire dans les bouleversements de la Révolution.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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