Anna Christie d’O’Neill renaît à Brooklyn avec Michelle Williams

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Michelle Williams 2023 - Photo : Kathy Hutchins / Shutterstock

Au St. Ann’s Warehouse de Brooklyn, Michelle Williams interprète Anna Christie, l’héroïne tourmentée imaginée par Eugene O’Neill. Mise en scène par Thomas Kail, cette nouvelle adaptation du drame de 1921 explore les thèmes de la rédemption, de la liberté et de la vérité avec une sobriété contemporaine.

Anna Christie, sous la direction de Thomas Kail, le chef-d’œuvre d’Eugene O’Neill retrouve sa force tragique et son humanité au St. Ann’s Warehouse

Après plusieurs années consacrées au cinéma et à la télévision, Michelle Williams revient sur scène avec Anna Christie. La pièce, écrite en 1921 par Eugene O’Neill, marque un tournant dans l’histoire du théâtre américain. Elle offre à son autrice principale un rôle d’une rare intensité : celui d’une femme cherchant à se réconcilier avec son passé dans un monde d’hommes, rude et sans fard.

Sous la direction de Thomas Kail, connu pour son travail sur Hamilton, cette nouvelle production s’installe du 25 novembre au 1er février au St. Ann’s Warehouse, à Brooklyn. Kail et Williams, couple dans la vie, forment ici un tandem artistique solide. Ensemble, ils revisitent le drame d’O’Neill à la lumière des préoccupations actuelles : l’autonomie féminine, le poids de la mémoire et la quête d’un espace à soi.

L’intrigue se déroule sur les quais de New York, dans un décor de péniche et de brouillard, là où les destins se croisent et s’effilochent. Anna, ancienne prostituée, retrouve son père après des années de séparation. Leur relation hésite entre tendresse et incompréhension. L’arrivée d’un marin, Mat Burke, joué par Tom Sturridge, bouleverse cet équilibre fragile. Le père, incarné par Brian d’Arcy James, s’accroche à une image idéalisée de sa fille, tandis qu’Anna tente de dire la vérité sur elle-même, refusant la pitié comme le mensonge.

Dans cette version, Thomas Kail privilégie une mise en scène épurée. Les décors de Christine Jones et Brett Banakis évoquent la mer et ses zones d’ombre. La musique originale de Nicholas Britell ajoute une dimension intérieure, presque cinématographique, à cette histoire de survie et de pardon. Chaque geste, chaque silence semble peser plus lourd que les mots.

Pour Michelle Williams, ce rôle marque un retour attendu. Huit ans après Blackbird, pour lequel elle avait été nommée aux Tony Awards, l’actrice retrouve le contact direct avec le public. Elle incarne une Anna lucide et vulnérable, consciente de la dureté du monde mais refusant d’en être victime. Son jeu, à la fois précis et contenu, rejoint l’esprit d’O’Neill : celui d’une humanité blessée mais encore debout.

La pièce conserve sa force d’origine, tout en trouvant un nouvel écho dans le présent. Anna Christie interroge la capacité à se reconstruire après la honte et la perte. En mettant en avant une héroïne qui s’affirme malgré les jugements, Williams et Kail font résonner la parole d’O’Neill avec une clarté nouvelle.

Ce drame centenaire, écrit dans l’Amérique d’après-guerre, retrouve ainsi un souffle contemporain. Sous le regard de Thomas Kail, la mer devient symbole de liberté et d’effacement, un lieu où tout peut recommencer. Dans ce mouvement de retour et de départ, Anna Christie rappelle que la vérité, même douloureuse, reste la seule voie vers la paix intérieure.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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