Restée inachevée à la mort de Jacques Offenbach, Belle Lurette est aujourd’hui révélée dans sa version authentique. Présentée au Théâtre du Gymnase par Les Tréteaux Lyriques, cette création inédite restitue l’œuvre telle que le compositeur l’avait conçue, entre réalisme social, modernité féminine et engagement solidaire.
Une première en France : Belle Lurette retrouve la voix authentique de Jacques Offenbach
Dernière promesse lyrique de Jacques Offenbach, Belle Lurette revient à la scène dans une version que le public français n’avait encore jamais entendue. À partir du 9 janvier 2026, le Théâtre du Gymnase à Paris accueille une création inédite des Tréteaux Lyriques : la première restitution en France de l’opéra-comique dans sa version authentique, telle que le compositeur l’avait laissée avant sa mort en 1880.
Belle Lurette est une œuvre suspendue. Offenbach en avait achevé le livret et le piano-chant, mais n’avait pas eu le temps d’en écrire l’orchestration complète. Après sa disparition, l’opéra fut profondément remanié par Léo Delibes : transformations dramaturgiques, ajouts étrangers à la partition originale, altérations structurelles. Pendant plus d’un siècle, c’est cette version modifiée qui fut donnée, reléguant l’intention première du compositeur dans l’ombre.
Pour la première fois, le chef d’orchestre Laurent Goossaert est revenu aux sources. À partir du matériau original, il a entrepris une réorchestration intégrale de l’œuvre, restituant les numéros disparus, corrigeant les incohérences et retrouvant les couleurs orchestrales du XIXᵉ siècle. L’orchestre réuni pour cette production — dix-neuf musiciens — respecte les effectifs et les équilibres sonores des fosses parisiennes de l’époque, redonnant à Belle Lurette sa respiration d’origine.
Cette restitution musicale s’accompagne d’une vision dramaturgique rigoureusement fidèle à l’esprit d’Offenbach. Le metteur en scène Yves Coudray, spécialiste reconnu du compositeur, replace l’ouvrage dans son véritable genre : l’opéra-comique, loin des codes de l’opéra-bouffe auxquels il fut longtemps assimilé. Son approche s’ancre dans le réalisme social du Paris de 1880, un monde populaire traversé par des tensions sociales, des solidarités concrètes et des figures féminines affirmées.
Au centre de l’œuvre, Belle Lurette apparaît comme une héroïne étonnamment moderne. Blanchisseuse parmi les blanchisseuses, elle revendique sa dignité, affirme son consentement, inverse les rapports de force et entraîne tout un régiment dans une scène aussi saisissante qu’historiquement documentée : celle où les soldats se retrouvent à repasser du linge. Loin de la caricature, Offenbach esquisse ici un portrait profondément humain, où la comédie révèle une réflexion sur les rapports sociaux, la solidarité féminine et la place des femmes dans l’espace public.
La scénographie imaginée par Yves Coudray donne corps à cet univers populaire, rendant hommage à ces femmes qui faisaient battre le cœur de Paris. En choisissant de replacer Belle Lurette dans son contexte social et historique, la mise en scène éclaire la portée contemporaine de l’œuvre, sans la surcharger de discours, laissant la musique et le texte parler d’eux-mêmes.
Cette création s’inscrit pleinement dans l’ADN des Tréteaux Lyriques, compagnie fondée sur une exigence artistique indissociable d’un engagement solidaire. Depuis 1968, chanteurs bénévoles et artistes professionnels y travaillent ensemble, dans une démarche collective où l’excellence se construit dans le partage. Chaque production attire plusieurs milliers de spectateurs, et l’intégralité des bénéfices est reversée à des associations.
Pour Belle Lurette, les recettes soutiendront deux structures engagées : ANAK-TNK, qui œuvre à la protection et à l’éducation des enfants des rues à Manille, et La Salle à Manger – La Défense, restaurant solidaire venant en aide aux personnes en situation de grande précarité. Ici, chaque billet devient à la fois un geste artistique et un acte de solidarité.
Distribution
Musique : Jacques Offenbach
Mise en scène : Yves Coudray
Direction musicale : Laurent Goossaert
Orchestre : Orchestre du Théâtre de Rungis
Avec : Béatrice Grinfeld, Hippolyte Bruneau, Marie-Charlotte Nantas, Adrien Le Doré, Didier Chalu, Jean-Philippe Monnatte, Sébastien Ferri, Lauris Stéphani, Myriam Berthieu, Noisette Narboni
Chœur : Les Tréteaux Lyriques
Présentée du 9 janvier au 1er février 2026 au Théâtre du Gymnase, pour douze représentations, Belle Lurette s’annonce comme un événement musical et patrimonial rare. Une œuvre retrouvée, un Offenbach plus intime, et la redécouverte d’un opéra-comique qui, loin d’appartenir au passé, résonne avec une acuité singulière dans notre présent.




