La National Portrait Gallery inaugure la première grande exposition muséale au Royaume-Uni consacrée à l’artiste contemporaine Jenny Saville : L’anatomie de la peinture.
Peindre jusqu’à l’os : l’intensité viscérale de Jenny Saville s’expose à la National Portrait Gallery Londres
Une rétrospective monumentale
C’est l’un des rendez-vous artistiques les plus attendus de l’été londonien. Du 20 juin au 27 octobre 2025, la National Portrait Gallery accueille Jenny Saville : L’anatomie de la peinture, la première grande exposition institutionnelle britannique consacrée à l’œuvre de cette figure emblématique de la peinture contemporaine. Réunissant près de cinquante œuvres majeures, cette rétrospective inédite rend hommage à une artiste dont l’exploration du corps, du geste et de la matière a redéfini les contours de la figuration depuis plus de trois décennies.
Dès ses débuts fulgurants à la Glasgow School of Art, où son projet de fin d’études attire l’attention du collectionneur Charles Saatchi, Jenny Saville impose une vision radicale, frontale, presque brutale de la représentation humaine. L’autoportrait Propped (1992), l’un des jalons de l’exposition, en témoigne avec force : l’artiste y est assise sur un tabouret, le corps imposant, les mains enfoncées dans la chair de ses cuisses, regard tourné vers le spectateur dans un face-à-face aussi dérangeant qu’hypnotique.
Saville peint la chair comme un champ de bataille esthétique et existentiel. Dans ses grands formats à l’huile, viscéraux, sensuels, elle ausculte le corps comme un territoire complexe, morcelé, traversé par les tensions de l’identité, du genre, de la transformation. Une obsession anatomique nourrie par ses observations en salle d’opération et ses recherches en imagerie médicale, mais aussi par son profond dialogue avec l’histoire de l’art : Rembrandt, Bacon, Freud, de Kooning et Twombly hantent ses compositions, auxquels elle emprunte tour à tour la tension expressive, la brutalité du trait ou l’abstraction charnelle.
La scénographie chronologique orchestrée par Sarah Howgate – conservatrice principale des collections contemporaines de la National Portrait Gallery – permet de saisir l’évolution subtile mais décisive de sa pratique. Des premières toiles massives des années 1990 aux dessins intimes explorant la maternité et la grossesse, réalisés au fusain ou au pastel, Saville ne cesse d’interroger la matière picturale comme prolongement du corps humain. Le dessin, pour elle, n’est pas un simple support préparatoire mais un espace d’expérimentation plastique et émotionnelle, où l’influence de Michel-Ange affleure.
L’exposition se conclut sur une série de portraits récents, véritables ponts entre figuration et abstraction. Peints dans des tonalités saturées et vibrantes, ces visages déconstruits semblent surgir de la toile en strates mouvantes, à la manière d’avatars d’un monde numérique. Dans cette nouvelle ère, Saville continue de creuser la chair de la peinture, y cherchant non plus seulement le corps, mais son incarnation contemporaine, fluide, éclatée.
Cette rétrospective, accompagnée d’un riche catalogue incluant des textes d’auteurs comme Roxane Gay, Emanuele Coccia et John Elderfield, sera également présentée au Modern de Fort Worth (Texas) à l’automne. Un événement muséal d’envergure, soutenu par la galerie Gagosian et plusieurs mécènes, qui affirme plus que jamais la place centrale de Jenny Saville dans le paysage de l’art contemporain mondial.
Agenda
National Portrait Gallery
Du 20 juin au 27 octobre 2025
Les visiteurs de 25 ans et moins peuvent bénéficier de billets gratuits, disponibles en ligne ou sur place (réservation recommandée).