John Singer Sargent, Éblouir Paris : Le musée d’Orsay révèle un maître américain

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John Singer Sargent (1856-1925) Portrait de Mme ***, dit aussi Madame X, 1883-1884 © photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. GrandPalaisRmn / image Art Resource

Du 23 septembre 2025 au 11 janvier 2026, le musée d’Orsay consacre une rétrospective exceptionnelle à John Singer Sargent. Intitulée Éblouir Paris, l’exposition, conçue en partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York, rassemble plus de 90 œuvres pour retracer l’ascension fulgurante d’un peintre américain qui fit de Paris son tremplin.

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John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d’Orsay à Paris 

John Singer Sargent, Éblouir Paris
Autoportrait, 1886
Aberdeen City Council (Aberdeen Archives, Gallery & Museums)
Photo © Aberdeen City Council (Archives, Gallery & Museums Collection)

Né à Florence en 1856 de parents américains, John Singer Sargent mène une enfance itinérante entre l’Italie, l’Allemagne et la France. Polyglotte et musicien, il développe très tôt un goût affirmé pour le dessin et l’aquarelle. En 1874, il s’installe à Paris pour intégrer l’atelier du peintre Carolus-Duran et réussit le concours de l’École des Beaux-Arts. Le jeune homme de dix-huit ans attire rapidement l’attention par sa maîtrise technique et son audace.

John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris 
Dans le jardin du Luxembourg, 1879
Collection John G. Johnson Collection, 1917, The Philadelphia Museum of Art
Photo © The Philadelphia Museum of Art

A Paris de la Troisième République, alors capitale mondiale de l’art, Sargent trouve un terrain d’expérimentation idéal. Entre 1877 et 1885, il expose régulièrement au Salon, vitrine incontournable pour les jeunes peintres. Ses toiles séduisent par leur virtuosité et leur singularité, au point que l’écrivain Henry James écrira en 1883 que son talent semble « déjà complet, au seuil même de sa carrière ».

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Le triomphe du portrait

Bien que voyageur insatiable, parcourant la Bretagne, Venise, l’Espagne ou le Maroc, Sargent s’impose avant tout comme portraitiste. Ses œuvres reflètent une société cosmopolite où se croisent aristocratie européenne et fortunes du Nouveau Monde. Les femmes jouent un rôle central dans sa trajectoire – modèles, critiques, mécènes ou amies – et contribuent à façonner son succès.

John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris
La Carmencita, Vers 1890
Collection Musée d’Orsay
Achat à John Singer Sargent, 1892
Photo © musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris 

Un portrait, dit aussi Le Docteur Pozzi dans son intérieur, 1881
Los Angeles, Hammer Museum, Collection Armand Hammer, don de la Fondation Armand
Hammer
Photo © courtesy of the Hammer Museum

Entre réalisme et modernité, ses portraits frappent par leur puissance expressive, leur sensualité et leur étrangeté. Sargent sait flatter ses modèles tout en s’affranchissant des conventions. C’est cette liberté qui lui permet de signer certains des chefs-d’œuvre du genre à la fin du XIXe siècle.

Madame X : le scandale et la consécration

En 1884, son portrait de Virginie Gautreau, mondaine américaine installée à Paris, bouleverse le Salon. La pose de profil, le maquillage accentué et surtout une bretelle glissant de l’épaule suffisent à déclencher un tollé. Jugée immorale, l’œuvre choque autant qu’elle fascine. Rebaptisée Madame X, elle sera plus tard considérée par l’artiste comme « la meilleure chose qu’il ait faite ».

John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris 
Portrait de Mme ***, dit aussi Madame X, 1883-1884 New York, The Metropolitan Museum of Art, Fonds Arthur Hoppock Hearn 1916, 16.53 Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. GrandPalaisRmn / image Art Resource
John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris 
Étude de Madame Gautreau (copie inachevée de Madame X), vers 1884 Londres, Tate, offert par Lord Duveen via le Art Fund, 1925, N04102 Photo © Tate

Ce scandale, qui pousse Sargent à s’installer à Londres en 1886, marque un tournant dans sa carrière. Loin de l’écarter de la scène française, il continue d’y exposer et de cultiver des amitiés artistiques, notamment avec Claude Monet, qu’il peint en 1885 à Giverny.

Après Paris, la reconnaissance

La rupture avec la capitale n’efface pas les liens durables de Sargent avec la France. En 1890, il milite pour que l’État acquière l’Olympia de Manet. Deux ans plus tard, son flamboyant portrait de la danseuse espagnole Carmencita est acheté par le musée du Luxembourg, honneur rare pour un peintre américain. L’Exposition universelle de 1889 le consacre également chevalier de la Légion d’honneur.

John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris 
En route pour la pêche, 1878
Washington, National Gallery of Art, Collection Corcoran (achat du musée, Fonds de la
National Gallery)
Photo © The National Gallery of Art, Washington
John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris 
Jeune Capriote sur un toit, 1878
Bentonville (Arkansas), Crystal Bridges Museum of American Art

Sargent poursuit ensuite sa carrière à Londres et aux États-Unis, multipliant portraits et paysages. À sa mort en 1925, il est célébré comme l’un des plus grands portraitistes de son temps, bien que son œuvre soit alors quelque peu oubliée en France.

John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris 
Claude Monet peignant à la lisière d’un bois, vers 1885
Londres, Tate, offert par Mlle Emily Sargent et Mme Ormond via le Art Fund, 1925
Photo © Tate

Éblouir Paris : une redécouverte

L’exposition du musée d’Orsay entend réparer cet oubli en réunissant des œuvres majeures, dont certaines présentées pour la première fois en France depuis leur création. Peintures de voyages, portraits intimes ou mondains, études audacieuses et chefs-d’œuvre scandaleux composent un parcours thématique en six sections, de l’élève prodige au « succès de scandale » et à la revanche éclatante.

Un riche programme accompagne l’événement : conférences, colloque international, concerts et visites guidées. Un documentaire inédit, John Singer Sargent, portraitiste de l’ambiguïté, sera projeté et diffusé en ligne. Enfin, un catalogue coédité avec Gallimard revient en détail sur les années parisiennes de l’artiste.

Une revanche cent ans après sa mort

Un siècle après sa disparition, Sargent retrouve enfin la lumière à Paris. L’exposition montre combien la capitale fut pour lui un creuset décisif : un lieu d’apprentissage, de scandale et de triomphe. De la virtuosité technique à l’audace des portraits, tout concourt à rappeler pourquoi John Singer Sargent demeure, encore aujourd’hui, l’un des peintres les plus fascinants de la Belle Époque.

John Singer Sargent, Éblouir Paris : une exposition inédite au Musée d'Orsay à Paris 
Portraits de M. É[douard] P[ailleron] et de Mlle [Marie-] L[ouise] P[ailleron], 1880-1881
Des Moines Art Center Permanent Collections (Iowa), achat avec le Fonds du legs Edith M.
Usry, à la mémoire de ses parents M. et Mme George Franklin Usry, du Fonds Dr et Mme Peder
T. Madsen, et du Fonds de dotation Anna K. Meredith
Photo © Rich Sanders, Des Moines
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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