Avec Ces lignes qui tracent mon corps, Mansoureh Kamari signe une bande dessinée autobiographique saisissante. À travers des dessins d’une grande délicatesse et un récit intime, l’autrice iranienne témoigne des humiliations et violences subies par les femmes dans son pays, tout en affirmant sa propre émancipation.
Ces lignes qui tracent mon corps : la BD qui rend visibles les blessures de l’Iranienne Mansoureh Kamari
Mansoureh Kamari, entre mémoire et liberté, raconte l’oppression des femmes en Iran
Une BD autobiographique au trait délicat
Dans Ces lignes qui tracent mon corps, Mansoureh Kamari raconte son enfance et son adolescence à Téhéran, où la vie des femmes est régie par des lois strictes et oppressives. À neuf ans, elle découvre que l’âge de la majorité pour les filles implique le port obligatoire du voile, la responsabilité légale de ses actes et la possibilité d’un mariage arrangé avec le consentement paternel. Le récit décrit avec sobriété et justesse les humiliations institutionnelles, verbales et sexuelles auxquelles elle a été confrontée, ainsi que la peur constante d’un père autoritaire et du regard masculin omniprésent.
Dessinatrice de formation et spécialiste du cinéma d’animation, Mansoureh Kamari transpose ses souvenirs en images avec des tons doux et des lignes épurées, utilisant le gris pour le passé iranien et le rose pour son présent en France. Les décors sont souvent esquissés, concentrant l’attention sur les visages et les émotions, ce qui accentue l’intimité du récit.

Une quête de dignité et de liberté
Exilée en France depuis 2011, Mansoureh Kamari poursuit sa formation à l’école des Gobelins et enseigne elle-même le dessin. Dans sa BD, elle oppose l’expérience traumatisante de Téhéran à celle des cours de dessin en France, où elle pose nue sans éprouver le moindre malaise. Cette confrontation symbolise sa métamorphose et la conquête progressive d’une liberté corporelle et émotionnelle longtemps réprimée.
L’album n’est pas seulement un témoignage personnel, mais un acte de solidarité avec toutes celles qui restent soumises à l’oppression. À travers son récit, Mansoureh manifeste la force de résister et la volonté de se reconstruire malgré les séquelles du passé.
Des dessins comme révélateurs d’émotions
L’écriture graphique de Mansoureh Kamari se distingue par sa poésie et sa simplicité. Les traits précis et délicats du fusain traduisent autant la douleur que l’espoir. L’éditeur Angèle Pacary souligne la maîtrise artistique de l’autrice, dont le récit, pensé en séquences visuelles, réduit le texte au minimum nécessaire pour renforcer l’impact émotionnel.
La BD évoque également la cruauté du régime iranien, notamment dans le passage où des cousines de l’autrice sont exécutées pour possession de tracts politiques, un épisode qui illustre la brutalité institutionnelle et la privation des droits fondamentaux des femmes.
Une œuvre qui ouvre des perspectives
Ces lignes qui tracent mon corps est une œuvre de mémoire, mais aussi un acte de résistance et de libération. Mansoureh Kamari projette déjà de poursuivre sa narration pour évoquer ceux et celles qui défient le régime iranien de l’intérieur. Son travail témoigne d’une conscience politique et d’une sensibilité artistique rares, et ses dessins deviennent le véhicule d’une quête de justice et de dignité pour toutes les femmes iraniennes.
Ces lignes qui tracent mon corps, par Mansoureh Kamari, 199 pages, éditions Casterman, 24 euros.





