Valérie Dréville – L’Art du débutant

Coup de coeur Théâtre
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Valérie Dréville – L’Art du débutant, le travail de l’actrice sur elle-même

Par Djalila Dechache

Valérie Dréville - L’Art du débutant
Photo de couverture par Jean-Louis Fernandez.

L’Art du débutant, le travail de l’actrice sur elle-même, de Valérie Dréville, préface de Thomas Ostermeier, éditions. Actes Sud, collection Le temps du théâtre, 176 p, 2024. Photos en cahier central de Brigitte Enguérand.

Dès le départ, la préface du metteur en scène et directeur de de la Shaubühne de Berlin, Thomas Ostermeier, ouvre avec le portrait de la comédienne Valérie Dréville : « Elle est sans aucun doute une comédienne d‘exception. Elle est l ‘une des rares à allier un talent inné et une personnalité particulière à un grand intérêt pour les fondements méthodiques du théâtre ».(…) Il ajoute plus loin qu‘elle a fait preuve d’une grande disponibilité et une grande curiosité en se confrontant à des méthodes différentes ».

Une belle entrée en matière qui oblige à garder ce cap.

Le titre de ce livre résonne comme un appel. Le nom de la comédienne retentit des rôles de pièces de théâtre où elle a joué. Les deux ensembles se présentent comme une invitation à découvrir l’ouvrage, son contenu et son autrice.

Un récit aussi précis que l’exigence théâtrale de maitres.

C’est un récit étonnant, présenté en cinq parties qui s’imbriquent entre elles, correspondant aux étapes de sa formation au théâtre et donnant lieu à l’ alchimie prodigieuse dont est faite la comédienne.

A commencer par le contexte familial, son père était cinéaste de films franco-russes dans les années 60, sa mère élève de Tania Balachova, la grande prêtresse qui formait à l’art théâtral une génération d’élèves qui deviendront plus tard des maitres à leur tour, tel que Claude Régy, Mickaël Londsale, Laurent Terzieff et la grande Delphine Seyrig. Tous se réclament de la méthode Constantin Stanislavski.

Bien sûr c’est déjà énorme mais cela ne suffit pas pour devenir une grande comédienne comme Valérie Dréville. Mais on peut déjà dire quel bagage de départ ! Et quel talent puissant de Valérie Dréville !
Des rencontres et du travail avec Antoine Vitez créateur de l’ Ecole de Chaillot en 1981 et son Cercle de l’attention, après qu‘elle se soit formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, et quatre années pensionnaires à la Comédie Française. Sa rencontre en 1992 avec Anatoli Vassiliev et sera décisive, avec sa méthode de l’analyse par l‘action. Ces éléments complètent sa vision, sa formation, son expérience, son désir de théâtre. Voilà du bagage comme il en est peu doublé d’une reconnaissance par ceux qui l ‘ont formée.

Anatoli Vassiliev héritier de Constantin Stanislavki

Ce dernier, sensible à sa formation aux côtés d’Antoine Vitez, voulait monter Bal Masqué de Lermontov, où les bals étaient considérés comme « des bordels fréquentés par la famille royale »; il voulait travailler avec elle pour le rôle de Nina.

Il a organisé un stage de théâtre à Bruxelles sous le thème de « La question de la liberté dans un texte en vers », il l’invite en tant qu’observatrice. Elle prend des notre, apprend beaucoup et transforme ses connaissances pour elle-même, actrice, femme et être humain.

Valérie Dréville décrit avec soin et précision toutes les étapes de ce stage de dix jours et constate qu‘elle n‘a jamais appris à faire « des études » qui interviennent après le dialogue du groupe de stagiaires sur une scène avant de la jouer. Tout au long de ce livre elle évoque aussi ses doutes et ses questionnements. Son récit est sobre dans un style clair.

Plus tard elle passera plusieurs années chez Vassiliev, dans son studio moscovite.

Mieux encore, elle apportera Vassiliev sur un plateau français à Stanislas Nordey alors directeur du Théâtre National de Strasbourg pour « Le récit d’un homme inconnu » d’Anton Tchekhov.

Pour elle, chaque rôle est un commencement

Au total, Valérie Dréville a un répertoire de pièces de Théâtre, de rôles au Cinéma et à la Télévision, plus long que les deux bras réunis. Sa carrière, commencée en 1981 est loin d‘être achevée, elle se poursuit au gré de ses rencontres et de ses désirs de rôles.

On se dit qu’elle est la seule comédienne française de service public dans sa catégorie à jouer constamment avec les plus grands metteurs en scène. Sa facilité apparente à endosser des rôles aussi variés que puissants vient d‘elle et d‘elle seule, son talent, son regard, sa sensibilité, son travail sur elle-même, sa capacité de transformation ce qu’elle apprend, font d’elle une grande comédienne.

Il n’est pas facile de résumer un tel ouvrage, tout fait sens, c’est le récit d’une expérience de théâtre et de vie. Le lire est aussi expérience parce qu‘il questionne sur la société, le théâtre et l’humain.

Tout ceci pour dire que ce livre ne laisse pas indifférent, bien au contraire, il fait davantage aimer le théâtre et Valérie Dréville qui le sert corps et âme comme on entre en spiritualité, c’est-à-dire en se débarrassant de tous les oripeaux que le monde impose et nous entrave.

Le titre est d’emblée du registre de la transmission, c’est aussi le souci de Valérie Dréville qui a emmagasiné beaucoup de savoir et d’expérience ajoutant que tout apprentissage est en devenir. Elle le dit si bien en conclusion :

« Ce qui me reste des maîtres n’est pas contenu dans ma biographie, ou dans mon passé, mais en avant, en chemin ».

Jolie manière de signaler que tout est dans l’advenir de l’apprentissage permanent pour peu que l’on reste en éveil comme le demande le théâtre.

Valérie Dréveille parle de son livre 

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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