Louis Blin – Lamartine passeur d’islam

Essai
Lecture de 10 min

Essai de Louis Blin : Découvrir en profondeur Lamartine (1790-1869) l’écrivain romantique qui fut le défenseur de l’islam ne peut laisser quiconque indifférent.

Par Djalila Dechache

Lamartine passeur d’islam de Louis Blin

Le nom d’Alphonse de Lamartine (1790-1869) est connu ainsi quelques une de ses poèmes étudiés au collège et au lycée. Savoir qu’il a été un fervent défenseur de l’islam laisse pantois ! Tous les professeurs qui se sont succédés durant les années d’apprentissage se sont bien gardés de le dire ou même de le signaler !
De même que Wikipédia s’est bien appliqué à effacer cette partie de la vie de cet illustre auteur et homme politique.
Pour ma part, j’ai découvert Lamartine lors de son engagement vis-à-vis de l’émir Abdelkader lorsque ce dernier a dû quitter l’Algérie pour la France en ce 23 décembre 1847 suite à la dénonciation de la position de la smala par l’un des siens. Après Toulon et Pau, il arrive enfin, en prisonnier, sur une terre plus hospitalière, au château d’Amboise sur proposition de Lamartine alors député.

Louis Blin essai, Lamartine passeur d’islam,
Dans son livre, Louis Blin développe la vie, l’œuvre et les engagements de cet homme de lettres, croyant, qui rêvait d’une union Orient / Occident. C’est le seul intellectuel français qui se soit vraiment intéressé à l’islam en montrant la grandeur de cette religion et de son prophète Mohammed dont il a écrit une biographie.
Alors pourquoi avoir placé aux oubliettes le rôle de cet éminent intellectuel défenseur de l’islam?

Aujourd’hui, les questions de société agitent encore et toujours une certaine partie de la France avec ses aficionados en faisant croire que le mal et tous les maux viennent des musulmans.
Louis Blin vient à notre secours en analysant que la question est religieuse et rien d ‘autre. (c’est moi qui souligne).
C’est la grande peur du remplacement des chrétiens par les musulmans.
C’est pourquoi Mahomet, comme on nommait à l’époque le Prophète Mohammed, a été traité de « faux prophète et que l‘islam est une hérésie chrétienne ».
On peu lire en page 18 que « Les Européens stigmatisent le despotisme ottoman et fait des arabes un peuple déchu abandonné par les sciences comme il était tour à tour advenu de l’Orient antique, des Grecs et des Romains ».
Chateaubriand, défenseur absolu du christianisme, en rajoute en disant que « Tout indique chez l’Arabe, l‘homme civilisé retombé dans l’état sauvage ».
Cette idée du sauvage va devenir le ferment de la colonisation à outrance, de pays considérés sans Histoire, sans civilisation.
En fait la religion de l’islam, pourtant religion du Livre, n’a pas été acceptée, ni reconnue par le christianisme.

Il vient de là le rejet, le malaise colporté de siècle en siècle jusqu’à nos jours où les Immigrés sont devenus un enjeu numérique de parti politique très orienté à droite parce qu‘ils viennent de pays musulmans pour la plupart. (C’est moi qui souligne).
Seuls les Chrétiens d’Orient, qui sont pourtant des arabes, sont accueillis à bras ouverts en France et bénéficient de conditions favorables sur tous les plans.

Cet ouvrage est écrit dans un esprit encyclopédique, fourmille de détails et de chapitres sur le travail colossal entrepris par Lamartine, des illustrations et ses écrits.
Lamartine est un homme universaliste qui a passé sa vie à écrire, à défendre, à illustrer la grandeur de l’Islam au même titre que le Christianisme et le Judaïsme, c’est assez énorme pour omettre de le faire savoir, de le faire lire aux politiques de tous bords pour enfin que cesse cette querelle de clochers. Nul n’est dupe désormais et chaque citoyen peut débusquer les manipulations et les interprétations fallacieuses d’aujourd’hui.

Alphonse de Lamartine, citoyen universel.

L’historien Louis Blin présente le parcours de Lamartine depuis « le despotisme ottoman » (et souvenons-nous aussi des Lettres Persanes de Montesquieu apportant l‘image d’un orient fantasmé et qui critiquait le système de la monarchie absolue de droit divin incarnée par Louis XIV, apportant un vent de fraicheur dans une France somme toute décadente : comment peut-on être persan ?).
Cependant il ne s ‘arrête pas là, il cherche autre chose, il veut aller plus loin, il étudie en profondeur la foi monothéiste de l’Islam qui correspond à sa quête du divin.
Lamartine effectue un « Voyage en Orient » qui durera deux ans, il en fera un livre édité 1835. Ce sera le prétexte à écrire ses propres pensées. Il visite la Syrie, le Liban, la Palestine, la Turquie et l’Europe orientale.
Dès son retour il est élu député, il joue un rôle important dans la révolution de 1848, qui a proclamé la seconde République avec la chute du roi Louis Philippe.

Lors de ce voyage, il met en lumière l’apport des musulmans en France, il écrit que « le mahométisme peut entrer, sans effort et sans peine, dans un système de liberté religieuse et civile… il a l’habitude de vivre en paix et en harmonie, avec les cultes chrétiens… » Pour lui, c’est « le génie et la gloire de la France » d’avoir une population diversifiée. « La diversité est le caractère essentiel et fondamental de la France nationale », affirme-t-il.

Il y a de quoi réfléchir aujourd’hui à ce qu‘est devenue cette assertion qui a fonctionné aux Etats-Unis par exemple, jamais en France.

Après ce voyage, il a écrit une biographie du prophète de l‘islam afin de restaurer son image fortement déviée de son sens comme nous l‘avons vu plus haut. Aujourd’hui elle est passée aux oubliettes de l’Histoire. Aurait-il été ostracisé sur ce plan là également ?
De plus, dans ses « Mémoires politiques » Lamartine affirme que les convictions qu’il a vu naitre en lui durant son Voyage en Orient, l’ont transformé, devenant plus proche de dieu et des hommes de tous horizons.
Là encore on salue la démarche de l’auteur Louis Blin qui a su restituer avec une grande pédagogie, la complexité d’une société française pleine d’incompréhensions et de contradictions complexes. Lamartine en arrive à penser que l’Islam a de nombreux points communs avec le Christianisme dont il considère, ce dernier en une « source pure du Coran », et y voit une correspondance avec les Lumières.
L’approche de Lamartine est théorique et pratique, il a beaucoup lu et outre ses voyages en Orient, il fréquente des musulmans en qui il voit la pratique d’une foi remarquable

Certains écrivains n’ont pas tendres, plutôt insultants avec lui : Alexis de Tocqueville estime qu’il « est un penseur et un homme d’action incohérent et inconsistant », tandis que Flaubert, assassin, le qualifie d’ « esprit eunuque ».

Tandis qu’Alphonse de Lamartine de laisser cette admirable citation : « Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute, sans aimer, sans haïr les drapeaux différents, partout où l‘homme souffre, il me voit dans ses rangs, plus une race humaine est vaincue et flétrie, plus elle m‘est sacrée et devient ma patrie » citée par Toussaint Louverture.
Cette profession de foi illustre à merveille la pensée d’un homme universaliste qui ouvre son esprit vers des horizons plus larges et plus diversifiés.

Lamartine a été oublié comme a été oubliée avec lui la civilisation arabo – musulmane pour ne garder qu‘un seul oripeau celui d’une population envahissante et non-désirée. Pourtant cette dernière est la conséquence d’années de spoliations, laissant les hommes sans leur terre, sans moyen de subsistance, recrutés sur place ou venus offrir leur force de travail pour remettre debout un pays exsangue après deux guerres mondiales.

Combien de temps encore cette situation va -t-elle durer ?
Lamartine, ce « Passeur d’islam » a bien changé le monde avec son ouverture de cœur et d’esprit !

Louis Blin est docteur en Histoire, arabisant, il est l’auteur de nombreux livres sur le monde arabe contemporain. On lui sait gré d’avoir exhumé l’histoire complète d’Alphonse de Lamartine qui est non seulement un grand auteur mais également un homme d’une profonde loyauté, à découvrir sans attendre dans une très belle édition chez Erick Bonnier.

Louis Blin essai, Lamartine passeur d’islam, éditions Erick Bonnier, collection Encre d’0rient, 2024, 492 p.

Photo de couverture du livre : Alphonse de LAMARTINE par le baron GÉRARD en 1831 © Château de Versailles - RMN Grand Palais - Christophe Fouin

Lire aussi
Essai
Flash
Souffle inédit
Magazine d’art et de culture  

Partager cet article
Suivre :
Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
Laisser un commentaire