Paris en lettres arabes de Coline Houssais
Par Djalila Dechache
Présentation
Paris en lettres arabes de Coline Houssais, Sindbad Actes Sud, 245 p, 2024.
A première vue ce livre documenté et intéressant, à la lecture agréable, arrive au bon moment en France.
La préface ressemble à un curriculum vitae de 11 pages où l’autrice s’étend sur « sa vie son œuvre ».
Native de Bretagne, elle narre son arrivée à Paris, son attrait pour le monde arabe levantin, fait une recension des lieux, personnes, dates, événements politiques, culturels, réalisés à Paris et cela depuis treize siècles à partir du VIIème siècle, se concentrant sur les deux cents dernières années. Un bien long moment !
Composé en 5 parties divisées en 12 chapitres, le livre développe le long cheminement des relations franco-levantines dans la Ville Lumière, concept répété à l’envi mais qui reste davantage un lieu commun, un stéréotype pour touristes.
Le fond du livre
A y regarder de plus près, l’autrice évoque « la vingtaine de pays formant la région sur les rives méridionales et orientales de la Méditerranée ».
Elle aurait pu faire figurer une carte géographique pour désigner les pays concernés, mais il n’en est rien.
Elle a consacré deux pauvres petits chapitres de 10 pages au total au Maghreb, et encore pas pour l’ensemble de celui-ci, au chapitre III « Préparer les indépendances, dans la gueule du loup colonial 1870-1962 ».
Dans le premier texte , elle évoque péniblement la résistance algérienne avec Ferhat Abbas ou encore celle de l’Egypte.
Dans le second, elle fait appel à la portion congrue de la littérature algérienne avec la poésie kabyle, lors de de l’entre deux -guerres avec un nombre d’étudiants croissant fuyant un contexte de soulèvement. On a envie de dire De qui se moque -t-on ?
L’ensemble donne l’apparence à une énumération de personnes disparates.
Aucune trace de Kateb Yacine et son œuvre maîtresse Nedjma, premier auteur algérien édité en 1956 en France aux éditions du Seuil à Paris, pendant la guerre de libération algérienne après une colonisation de peuplement française de 132 ans.
D’autres auteurs et autrices algériens ont suivi, pour ne citer que ceux -la : Malek Haddad, Assia Djebar première algérienne à être inscrite à l’Ecole Nationale Supérieure de la rue d’Ulm, radiée puis réintégrée dans cette école par le Général de Gaulle en 1959 suite à sa participation aux manifestations d’étudiants à Paris, contre la répression en Algérie.
Pas davantage de trace sur le Manifeste des 121, signatures du manifeste pour dénoncer la guerre d’Algérie et le droit à l’insoumission, publié le 6 septembre 1960, signé par des pointures du monde intellectuel, universitaire et artistique parisien et français. ( voir liste sur Le Maitron).
C’est une grossière erreur que d’avoir omis d’évoquer ces deux faits majeurs à Paris. De ce fait, apparaît une scission de taille dans le livre de l’autrice, entre le Moyen-Orient qui prie, lit, grave dans la pierre de taille, écrit, majoritairement présent et le Maghreb avec l’Algérie seule, qui se révolte et se rebelle et de plus sans que cela soit mentionné ! Deux poids deux mesures dans la « Ville lumière » qui a ses zones d’ombre voire noires.
En attendant, cette rébellion par la littérature algérienne et le manifeste des 121, ont été le modèle absolu pour la libération de pays encore sous un joug colonial et a donné lieu à la première conférence du mouvement des non-alignés en 1961, qui a permis de constituer un blog de pays dits du tiers-monde face aux super-puissances de l’époque.
Livre complaisant
Ce livre reste complaisant et fait l’apologie des lettres levantines. Il fait une compilation des lieux et personnages intellectuels et religieux dédiés aux chrétiens d’Orient. C’est un choix de l’autrice qui ne l’assume pas clairement avec un titre ambigu. Tout monde savait déjà que ces lieux existent, quelque peu cachés, dans le quartier de la rue d’Ulm.
En réalité, il aurait été plus approprié de l’intituler : Paris en lettres moyen-orientales.
De plus qui est arabe pour l’autrice ? Qui ne l’est pas ? La précision mériterait d’être faite mieux que cela !
Cela créé un leurre de laisser croire à une approche plus large englobant véritablement les 22 pays arabes pour être précise, tels que définis par la Ligue arabe depuis 1945.
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