Surréalisme 1924-2024 au Centre Pompidou Paris
Exposition Surréalisme 1924-2024 au Centre Georges Pompidou Paris
Par Djalila Dechache
Il y a 100 ans naissait à Paris le mouvement artistique du Surréalisme. Organisée en labyrinthe l’exposition préparée par le Centre Pompidou se déploie à partir d’une entrée monumentale à tête d’animal, puis le visiteur longe un corridor noir avec des autoportraits par photomaton individuels, de nombreux artistes et écrivains ont posé, des photos de groupes, Luis Bunel, André Bouaffard, Max Ernst, Louis Aragon, Yves Tanguy, Pierre et Jacques Prévert, Jean Aurenche, André Breton, Raymond Queneau, René Magritte et Salvatore Dali, ainsi que quelques femmes dont Suzanne Muzard et Marie-Berthe Aurench aux cheveux très en bataille.
Puis on accède à une salle circulaire impressionnante dans la pénombre qui accueille le visiteur par l’image, le son et des documents autographes écrits de la main de surréalistes placés sous verre, d’une écriture fine, serrée, raturée parfois, utilisant l’encre violette.
Extraordinaire tambour central se dédoublant comme un œil qui voit tout. Tout cela est déroutant et oblige à se tourner de toutes parts pour capter l’image qui défile très vite. Cela est vain parce que d’où que le soin on voit et entend distinctement.
A l’écran taillé comme une géode incomplète, un Module Manifeste ébouriffant en forme de diaporama très dynamique se déroule et se diffuse en permanence. De telle sorte qu’il faut le voir plusieurs fois pour absorber l’essentiel des informations historiques, des visages, des yeux, des nez en série, des couvertures du livre manifeste du surréalisme signé d’André Breton, de collages, de visages de surréalistes, tous très beaux, jeunes et impatients de vivre, à voir leurs yeux pétillants.
Un Slogan LÂCHEZ TOUT : vos femmes, maîtresses, vos espérances et vos craintes, lâchez DADA, lâchez la proie pour l’ombre, lâchez vos enfants au coin d’un bois …
Puis plus loin la voix dit :
Sade est un surréaliste dans le sadisme
Hugo est surréaliste s’il n’était pas bête
Baudelaire est surréaliste dans la morale
Marceline Desbordes-Valmore est surréaliste dans l’amour
« Un nouveau vice vient de naître, le Surréalisme fils de la frénésie et de l’ombre ».
Une voix masculine dit aussi, sous un ciel constellé de petits points lumineux, Les portes sont toujours ouvertes, la nuit des éclairs et l ‘existence est ailleurs?
De quoi se munir d’éléments de réflexion et de sourire de plaisir à ces idées que l’on n’entend pas aujourd’hui.
Ce que l’on retient est que le mouvement du Surréalisme est un mouvement très fort, très pensé, surgit peu de temps après la première guerre mondiale pour engendrer une autre pensée, un autre monde.
Il a touché tous les arts visuels, les arts écrits y compris le cinéma. Un écran géant diffuse le film d’Alfred Hitchcock de 1940 « La maison du Docteur Edwards » qui aborde les travaux psychanalytiques de Sigmund Freud (1856 -1939) et sa méthode du parler très rapide, recueillie auprès de patients. Les Surréalistes ont utilisé et pratiqué ce procédé lors de séances entre rêve et réalité pour atteindre la réalité absolue soit le surréalisme.
C’est cela le Surréalisme, tel que défini par André Breton qui avait, parait-il, un exemplaire du manifeste fixé au mur par un tire-bouchon : « C’est un automatisme psychique par lequel on se propose d’exprimer soit par écrit soit par le verbal, soit par tout autre moyen le fonctionnement réel de la pensée ». (André Breton, Œuvres complètes, t. I, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988, p. 328).
Aujourd’hui le Surréalisme n’est plus depuis sa dissolution en 1969, mais est-il vraiment dissout ? N’a -t-il pas échappé à son fondateur pour vivre sa vie un peu partout dans le monde comme il l’entend ? La révolution de 1968 en France l’a oublié, toutefois il renait de ses cendres un peu partout et touche le spectre de l’artistique.
C’est le signe de son succès, de sa longévité, il fait partie de la création mondiale, il s’est affranchi des interdits et des tabous pour exister tout simplement.
Pour accéder à l’exposition, le visiteur se laisse guider parmi les 13 parties de l’expositions aux titres évocateurs : Entrée des médiums, Trajectoire du rêve, Machines à coudre et parapluies, Chimères, Alice, Monstres politiques, Le royaume des mères, Mélusine, Forêts, La pierre philosophale, Hymnes à la nuit, Les Larmes d’Eros, et Cosmos.
A chaque halte, grands et petits tableaux, dessins, textes, sculptures, photographies, installations, audios, vidéos dont les archives de Jean Painlevé sur la germination de l‘ovule humaine ; à chaque fois des informations textuelles peu connues telles que « Pour un Art révolutionnaire indépendant » de 1938 le tract rédigé par André Breton et Léon Trotski, ou encore l’Affaire Aragon, texte de 1932 signant la rupture des surréalistes avec le poète.
Pendant la même période, le surréalisme s’expose aussi dans dix galeries parisiennes avec Le projet « Paris surréaliste » réunit en un Comité Professionnel des Galeries d’Art, avec une cinquantaine de galeries et librairies parisiennes pour des expositions qui accompagnent et complètent sur plusieurs points cet événement. Deux d’entre elles s’imposent par leur qualité historique et la rareté des pièces présentées. « Provenance André Breton », à la Galerie 1900-2000, réunit, comme son nom l’indique, des œuvres ayant appartenu au poète de façon plus ou moins durable.
Salvador Dali Visage du grand masturbateur, 1929 Museo Reina Sofia Photographic Archives Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía – Salvador Dalí, Fundación Gala-Salvador Dali Adagp, Paris 2024
Max Ernst L’ange du foyer (Le triomphe du surréalisme), 1937 Vincent Everarts Photographie – Adagp, Paris 2024, affiche de l ‘exposition Centre Pompidou.
L’innovation est que l’on découvre un certain nombre de femmes telles que Leonora Carrington, Dora Maar, Remedios Varo, Ithell Colquhoun et Dorothea Tanning, ainsi que des artistes internationaux étrangers qui se sont ralliés au mouvement, Helen Lundeberg (États-Unis), Tatsuo Ikeda (Japon), Wilhelm Freddie (Danemark), Rufino Tamayo (Mexique) ainsi que d’autres.
Leonora Carrington Green tea (La Dame ovale) 1942 Museum of modern art, New York – Adagp, Paris 2023 © Digital image The Museum of Modern Art, New York Sea « Au Palais des beaux-arts/Bozar, et « Imagine ! 100 ans de surréalisme international »en Belgique, a été commémoré en juillet 2024, les 100 ans du surréalisme en partenariat avec le Centre Pompidou, une exposition consacrée au célèbre mouvement d’avant-garde né en 1924 : comme à Paris, les activités surréalistes commencent avec des pamphlets audacieux du poète Paul Nougé, entre autres ».
Claude CAHUN (Lucy SCHWOB, dite) Le Coeur de Pic 1936 Epreuve gélatino-argentique Achat 1995 – Centre Pompidou, MNAM-CCIGeorges Meguerditchian Dist. RMN-GP droit réservé.
L’exposition parisienne Surréalisme nécessite vraiment plusieurs visites, le visiteur sort de là difficilement, c’est un labyrinthe à la sortie cachée, la tête très pleine après avoir plongé dans une atmosphère époustouflante et très attractive, un peu aveuglé par la lumière du jour criarde. Une très belle scénographie pour une exposition remarquable.
Commissariat :
- Didier Ottinger, directeur adjoint du Musée national d’art moderne,
- Marie Sarré, attachée de conservation au service des collections modernes, Centre Pompidou
- Thierry Dufrêne et Marie Carré. pour le très réussi Module manifeste
Exposition Surréalisme (1924-2024) Galerie 1 niveau 6 Centre Georges Pompidou, Paris jusqu‘au 13 janvier 2025.
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