Matisse, L’atelier rouge – Exposition à la Fondation Louis Vuitton
Par Djalila Dechache
Deux expositions sont présentées dans le lieu de la Fondation Louis Vuitton, l’une dédiée à Matisse comme son titre l’indique et une seconde dédiée à Ellsworth Kelly, dont Henri Matisse fut le maître à penser de ce dernier. L’Atelier rouge de Matisse, œuvre centrale qui accueille le visiteur et regroupe les œuvres figurant sur l’affiche.
Cette exposition est le fait d’une collaboration Fondation Louis Vuitton avec le MoMA de New York et le SMK – Statens Museum for Kunst de Copenhague, où une exposition titrée présente « Matisse, L’Atelier rouge ».
Depuis son arrivée à Paris au début des années 1890, Henri Matisse a habité dans différents quartiers jusqu’à occuper une propriété dotée d’un grand jardin et d’un espace pour son atelier. Ce dernier est construit en 1909 en laissant passer la lumière du jour par des verrières de cinq mètres de hauteur. L’ensemble est entouré d’un jardin plein de fleurs, propice à l’inspiration qui ne le quittera pas jusqu’à la fin de sa vie.
L’atelier rouge proprement dit montre onze œuvres, tableaux, sculptures dont six peintures, trois sculptures et des objets de céramique.
D’Issy les Moulineaux à la Fondation Louis Vuitton.
Cette exposition propose un temps d’arrêt sur Henri Matisse (1869-1954). Précisément sur son atelier, l’Atelier rouge – réalisé en 1911 à Issy-les-Moulineaux, il a un fervent mécène, le collectionneur russe Sergueï Chtchoukine(1854-1936) qui le suit et l’aide financièrement.Ce dernier lui passe commande de plusieurs tableaux. Son soutien permet à Henri Matisse la construction concrète de son atelier.
C‘est pour lui que Matisse réalise cette toile rouge en 1911 reproduisant le quotidien du peintre.Cette oeuvre n’a pas totalement plu au collectionneur.
L’Atelier rouge trouvera acquéreur en 1927 chez l’anglais David Tentant, propriétaire du Gargoyle Club, réservé à la bonne société londonienne.
En 1948 le MoMA fait l’acquisition de l’œuvre, elle est présentée au public le 5 avril 1949. C’est le début de l‘aventure moderne de l’Atelier rouge.
L’atelier rouge revient en France en 1993, lors de la rétrospective à Paris que le Centre Pompidou a organisé par le MNAM et le MoMA.
L’origine de l’Atelier rouge
De 1909 à 1917, Henri Matisse vit et travaille à Issy les Moulineaux, dans une villa avec un grand parc où il fit construire son atelier. C’est ce celui-là même qu’il est donné de découvrir dans cette exposition.
Ce qui est à noter est que l’œuvre l’Atelier rouge se définit par sa couleur, ce rouge de Venise qui le recouvre et qui le suivra au cours de ses œuvres. Or ce n’est pas la toute première couleur. Les spécialistes de la conservation et de la restauration du MoMA, ont découvert que ce n’était pas sa couleur d’origine.
Bien sûr, un artiste ne se limite pas à une œuvre tout au long de son parcours. Il ne faudrait pas réduire Henri Matisse à son Atelier rouge, l’artiste a eu maintes fois l’occasion de montrer l’évolution de son œuvre remarquable, y compris lorsqu’à la fin de sa vie, paralysé et ne pouvant plus peindre, il s’adonnait à des découpages mémorables.
Il connaitra, admirera et rivalisera avec son ami Picasso notamment. Gertrud Stein la grande collectionneuse américaine installée à Paris, recevait tout ce qui compte en artistes picturaux notamment. Elle tenait salon comme d’autres faisaient des voyages.
Henri Matisse a découvert la lumière du sud de la France tardivement en compagnie de sa femme. Il découvre la ville de Nice à l’âge de 48 ans. C’est un grand coup de cœur à telle enseigne qu’il va y élire domicile jusqu’à la fin de ses jours.
Une reconnaissance internationale
L’exposition de la Fondation Louis Vuitton constitue-t-elle un événement ? Oui dans la mesure où dès que l’on connait l‘histoire de l’artiste et de son œuvre, le cheminement que cette création a connu et son retour en 2024 par et à la Fondation Louis Vuitton.
D’un autre côté, lorsqu’on expose un seul pan de la vie d’un artiste tel qu’Henri Matisse, on prend le risque d’en présenter une version réductrice. C’est pourquoi sans une vue d‘ensemble de ce grand artiste, le visiteur peut se sentir exclu, frustré de l’aventure générale.
Bien qu’elle ait le mérite d’exister dans ce lieu monumental, et de montrer les liens que la Fondation tisse à l’échelle internationale, cette exposition L’Atelier Matisse, laisse le visiteur à côté de l’artiste, au bord de son art, au bord de sa vie.
Il est vrai que ce lieu hyper présent en bordure du Bois de Boulogne crée un choc avec sa sphère d’aluminium, de transparence et de verre qui vient rompre le regard au sein d’une immense verdure. A lui seul il est événement spectaculaire.
Ou bien, ce lieu a été pensé comme la naissance d’une nouvelle planète dédiée à l’art ?
En quittant ce lieu imaginé et créé par l‘architecte Frank Gehry, lauréat du prestigieux prix Pritzker en 1989, on découvre une étendue de vagues sonores qui viennent s‘éteindre sur un grand espace d’eau. L’ensemble emplit d’une vision impressionnante, inattendue, imposante et reposante.
L’exposition a été conçue par Ann Temkin, conservatrice en chef au MoMA – the Marie- Josée and Henry Kravis Chief Curator of Painting and Sculpture – et Dorthe Aagesen, conservatrice en chef au SMK, avec le concours des Archives Henri Matisse.
Présentation à Paris
Commissaire associé, François Michaud, assisté de Magdalena Gemra.
Commissaire générale, Suzanne Pagé, Directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton.
Un merci particulier à Alix Roché pour son accueil.
Pour aller plus loin je suggère :
Le tableau a notamment été commenté par Michel Butor dans Cantique de Matisse, édité chez Virgile en 2006, et à partir de quelques toiles, il a imaginé ce que pouvait être la vie sensible de Matisse.
Le poète et romancier Louis Aragon a écrit un livre « Roman » sur Henri Matisse édité chez Gallimard en 1998, Il est constitué d’interviewes, de préfaces de catalogues, d’articles et de conférences concernant Henri Matisse et son œuvre.
Matisse, L’atelier rouge Jusqu’au 9 septembre, la Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma-Gandhi, 75116 Paris, du 4 mai au 9 septembre 2024.
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