Philippe Halsman, l’homme qui fit sauter les stars

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Philippe Halsman par Irène Halsman

De Paris à New York, Philippe Halsman a réinventé l’art du portrait. Avec son concept audacieux de « Jumpology », il fit bondir les plus grandes célébrités du XXᵉ siècle, révélant, en un instant suspendu, la vérité cachée derrière le masque des visages célèbres.

Philippe Halsman, l’inventeur de « Jumpology » 

Philippe Halsman

Un destin forgé par l’image et l’exil

Philippe Halsman naît le 2 mai 1906 à Riga, en Lettonie. Très jeune, il découvre la photographie : à quinze ans, il capture sa sœur près d’une fenêtre, une image fondatrice d’une vocation qui ne le quittera plus. Pourtant, son parcours sera marqué par une épreuve : accusé à tort de la mort de son père, il est emprisonné deux ans en Autriche. Ce drame intime le pousse à quitter l’Europe centrale pour Paris, où commence véritablement sa carrière.

Dans la capitale française des années trente, il s’inscrit au registre des métiers comme « photographe artisan ». Ses portraits raffinés séduisent le milieu de l’édition et de la publicité. Grâce à sa formation d’ingénieur, il invente un appareil photographique à double lentille, conçu pour perfectionner la capture des visages. Son regard précis et inventif attire l’attention : Halsman devient l’un des portraitistes les plus recherchés de Paris.

De l’Europe à l’Amérique

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Philippe Halsman doit fuir à nouveau. Grâce à l’aide précieuse d’Albert Einstein et du Comité de sauvetage d’urgence, il obtient un visa pour les États-Unis et rejoint sa famille installée à New York. Dans ses bagages, il n’emporte qu’un appareil photo et une douzaine de tirages : le strict nécessaire pour recommencer.

À New York, il se fait rapidement une place dans le milieu photographique. Ses portraits paraissent dans les grands magazines, notamment LIFE, pour lequel il réalisera plus d’une centaine de couvertures. Sa rencontre avec Salvador Dalí, en 1941, marque le début d’une collaboration exceptionnelle de trente-sept ans. Ensemble, ils inventent des images mêlant surréalisme et technique, où la créativité jaillit du cadre.

Halsman perfectionne alors son appareil à double lentille, désormais produit par la société Fairchild, lui permettant de mieux maîtriser la lumière et la netteté. Son approche expérimentale, nourrie des techniques surréalistes – montage, collage, surimpression – le distingue de ses contemporains. En 1945, il devient le premier président de l’American Society of Media Photographers, reconnaissance de son influence dans le monde de l’image.

Philippe Halsman, l’inventeur de "Jumpology" 

La naissance de la « Jumpology »

Dans les années cinquante, Philippe Halsman met au point une idée singulière : la Jumpology. Il demande à ses modèles de sauter au moment de la prise de vue, saisissant ainsi l’instant où, concentrés sur leur élan, ils abandonnent toute pose et toute retenue.
« Lorsque vous demandez à une personne de sauter, expliquait-il, son attention est essentiellement portée sur l’action et le masque tombe, révélant sa vraie personnalité. »

Ce procédé devient sa signature. Le photographe y voit une forme de vérité : un moyen de libérer ses sujets de la contrainte du portrait traditionnel. « Assez vite, ajoutait-il, j’ai découvert que le saut avait aussi une valeur thérapeutique. Quand mes modèles étaient gênés et tendus, je leur demandais de sauter. Et le masque tombait, ils étaient plus détendus, plus photogéniques. »

De Marilyn Monroe à Brigitte Bardot, de Fernandel à la famille Ford, tous se prêtent au jeu. Ces images aériennes, à la fois drôles et poétiques, traduisent la vivacité et la confiance que Halsman inspirait à ses modèles. Elles font de lui un maître du portrait en mouvement.

Philippe Halsman, l’inventeur de "Jumpology" 

Philippe Halsman, l’inventeur de "Jumpology" 

Un héritage vivant

En 1959, Philippe Halsman rassemble ses clichés de sauts dans un ouvrage devenu mythique : Jump Book. Loin d’être un simple recueil d’images amusantes, ce livre témoigne d’une philosophie de la photographie : celle d’un art qui capte la vérité dans la spontanéité.

Philippe Halsman s’éteint à New York le 25 juin 1979, laissant derrière lui un regard vif, humaniste et inventif. Sa Jumpology reste l’un des gestes les plus emblématiques du portrait moderne : un instant de liberté suspendu, où l’humour et la vérité se rejoignent dans un simple bond.

Wikipédia
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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