Image – Isam Alsadi
Image – Poème du poète jordanien Isam Alsadi
A propos d’un enfant qu’on peut appeler Mohamed Al-Dorra
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Visible est son sang
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Visible l’était aussi
L’innocence près de ses frêles genoux
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Il n’était pas encore prêt
Pour soutenir sa mère lorsqu’elle pleurerait.
Il ne s’est pas excusé auprès des rues
Lorsqu’elles s’interrogèrent sur les sillons
que ses pas avaient laissés dans le trottoir.
Il n’a rendu à la fille des voisins,
qui dormait la veille dans ses rêves,
Ni sa mèche de cheveux ni son jouet.
Il n’a pas tracé son cahier de dictée
Pour faire écrire sur la ligne le « ‘î » de « Fidâ’î »,
ni pour épeler les lettres de Gaza des noms,
Ce nom qui sera l’emblème de la carte.
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Il était encore dans les bas de son père…
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Il bouchait l’artère de son sang
Contre le fleuve des balles
Pendant que ses rêves pourchassaient
les papillons et un avion en papier.
Comme une petite colombe,
Il s’endormait sur les paumes de ses mains
puis se réveillait paisible, tout paisible
Mais il était pris de panique
Lorsque la colonne de soldats
se mettait à briser les miroirs du crépuscule
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C’était un enfant comme nous l’avons vu
Et comme nous l’avons tous vu
Il fut un amas de lambeaux.
Mohamed Al-Dorra : enfant de 12 ans tué à GAZA le 30 septembre 2000 alors qu’il se cachait derrière son père
Poème publié dans le recueil Nostalgies suffocantes , aux éditions EDILIVRE PARIS 2015, traduit par Monia Boulila,
Isam Alsadi
Isam Alsadi est un poète contemporain, Jordanien, d’origine palestinienne, natif du village Arbouna, près de Jenine (Palestine). Un poète tourmenté, pour qui l’écriture « est une eau avec laquelle on se lave pour être digne de la vie ». Une vie pas toujours conciliante, où le sentiment d’impuissance nous guette, impuissance qu’il a essayé de combler par un amour sincère. Amour pour sa mère, son père, sa bien-aimée et sa terre ! Tout cela est dit avec un « alphabet » riche, souvent sobre et une rime pleine de musicalité.