Jean-Michel Maulpoix invité de Souffle inédit

Poésie
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Entretien avec Jean-Michel Maulpoix : « Voilà une question amusante qui me laisse perplexe ! »

Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen

Né à Montbéliard le 11 novembre 1952, Jean-Michel Maulpoix est poète, professeur émérite (Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle), critique littéraire et directeur de la revue Nouveau Recueil.

Depuis la parution de Locturnes en 1978, il mène une œuvre où prose et poésie, création et critique, se donnent allègrement la main. Lauréat en 2022 du prix Goncourt de poésie, l’essentiel de son œuvre est publié aux Mercure de France. Après Une histoire de bleu, suivi de L’instinct de ciel, avec une préface d’Antoine Émaz (2005), Rue des fleurs précédé de Pas sur la neige a vu le jour le 15 février 2024 dans la prestigieuse collection Poésie/ Gallimard, avec une préface d’Henri Scepi.

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Après le poète Antoine Émaz, c’est votre collègue Henri Scepi qui vous accompagne en préfaçant Rue des fleurs précédé de Pas sur la neige, tous deux parus au Mercure de France en 2004 et en 2022. Pourquoi ce choix du préfacier, dont les travaux sur la poésie française, de Baudelaire à vous désormais, s’inscrivent dans un champ d’investigation rigoureusement académique ?

Jean-Michel Maulpoix. Henri Scepi est à la fois un collègue et un ami. C’est aussi un universitaire à la plume particulièrement alerte et élégante. J’étais heureux qu’il accepte cette occasion de sortir momentanément des travaux universitaires les plus arides pour écrire plus librement une préface sur un poète contemporain : je suis très touché par ce cadeau qu’il m’a fait !

Dix-huit ans séparent Pas sur la neige et Rue des fleurs et c’est également le cas pour Une histoire de bleu (1992) et Un instinct de ciel (2000). Est-ce voulu ? Qu’est-ce qui, dans le premier comme dans le second cas, assure l’unité de ces deux volumes ?

Jean-Michel Maulpoix. Le choix de réunir dans un volume de poche Pas sur la neige et Rue des fleurs est un choix de l’éditeur qui m’a d’abord un peu surpris mais qu’à la réflexion j’ai trouvé très sensé, dans la mesure où il réunit des textes particulièrement représentatifs de la diversité de mes démarches, de leurs tonalités, leurs thématiques, leurs sources d’inspiration, et surtout leurs formes, partagées entre vers et prose… L’écart qui est important entre la date d’écriture et de publication des deux textes permet peut-être de mieux percevoir la continuité de ces démarches.

Vous avez pour ainsi dire renoué avec le vers, cependant que l’essentiel de votre œuvre est en prose. Pourquoi ce retour ?

Jean-Michel Maulpoix. Je dis parfois que le vers est un « tenseur » : j’ai besoin d’y revenir périodiquement pour « retendre » mon écriture, même lorsqu’elle choisit la prose, pour veiller à ses qualités musculaires et musicales, aussi bien qu’à son économie lexicale. Stéphane Mallarmé ne disait-il pas que « le vers est tout dès qu’on écrit » ?

Pas sur la neige s’ouvre par cette citation de Claude Debussy : « Comme un tendre et triste regret », quel rôle la musique joue-t-elle dans votre œuvre poétique ? Beaucoup de poètes mélomanes avouent devoir bannir la musique pour pouvoir écrire. Qu’en est-il pour vous ?

Jean-Michel Maulpoix. La musique est un de mes horizons comme la peinture : je regarde en sa direction comme vers une mesure idéale des tonalités du langage poétique. Elle m’inspire de loin ; elle module des affects, des tonalités et des climats.

Beaucoup de grands poètes sont partis au cours de ces dernières années, dont Serge Sautreau en 2010, Édouard Glissant en 2011, Jean-Claude Pirotte en 2014, Alain Jouffroy en 2015, Yves Bonnefoy en 2016, Lorand Gaspar en 2019, Salah Stétié en 2020, Philippe Jaccottet et Bernard Noël en 2021, Michel Deguy en 2022. Comment la poésie française se portera-t-elle désormais ? De quel œil voyez-vous ce qui se fait aujourd’hui, entre ce qui est écrit et publié, et ce qui répugne au livre et se présente comme performance ou installation ?

Jean-Michel Maulpoix. Toutes ces disparitions m’ont rendu très triste : certains de ces poètes étaient des amis proches, aussi bien que des présences tutélaires rassurantes. Sans exagération, je peux dire que je me sens orphelin de ces grandes ombres, c’est-à-dire désorienté, car ces poètes indiquaient une direction et fixaient une astreinte. Ils étaient pour moi des modèles. Je reste attaché au type de travail exigeant qu’ils ont développé et ne me sens guère concerné par ce qui se fait aujourd’hui du côté de la performance.

Si vous deviez tout recommencer, quels choix feriez-vous ? Si vous deviez incarner ou vous réincarner en un mot, en un arbre, en un animal, lequel seriez-vous à chaque fois ? Enfin, si un seul de vos textes devait être traduit dans d’autres langues, en arabe par exemple, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

Jean-Michel Maulpoix. Voilà une question amusante qui me laisse perplexe ! Si je devais tout recommencer, il me semble que j’essaierais d’aller vers plus de liberté. Je crois que j’aimerais être un oiseau ou un insecte plutôt qu’un arbre. Pour ce qui concerne le texte que j’aimerais voir traduit en arabe, permettez-moi de ne pas choisir, tout simplement parce que je ne connais pas la langue d’accueil et que je ne suis donc pas à même d’imaginer laquelle de mes pages raisonnerait en arabe avec le plus de justesse.

Photo de couverture : Crédit Patrick Bogner

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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