Marc-Louis Questin invité de Souffle inédit

Poésie
Lecture de 8 min

 Marc-Louis Questin 

« La poésie est éternelle »

Par Grégory Rateau

Poète peintre, magnétiseur, conférencier et comédien

Le poète Marc-Louis Questin dirige les éditions Éleusis spécialisées dans les littératures de l’imaginaire. Fondateur du Cercle Dionysos, du Cénacle du Cygne et de la revue gothique La Salamandre, auteur de nombreux essais et anthologies ésotériques et fantastiques, il participe à différents projets musicaux, chorégraphiques (danse butô) et cinématographiques. Marc-Louis Questin est aussi peintre, magnétiseur, conférencier et comédien.

Marc-Louis Questin invité de Souffle inédit

Rencontre 

GR : J’aimerais revenir sur votre recueil La Fulgurance des équinoxes, chez Unicité. On pense immédiatement à Lautréamont, un chant, un long poème, un seul souffle, des imprécations. Comment vous êtes-vous lancé dans la conception de ce recueil ?
Marc-Louis Questin
: De manière tout à fait naturelle et spontanée. Comme un long souffle justement. J’ai voulu faire l’expérience d’un long récitatif de 100 pages que l’on pourrait aussi bien lire à haute voix sur scène.

Marc-Louis Questin invité de Souffle inédit             Marc-Louis Questin invité de Souffle inédit

GR : Vous soignez votre mise, dandy, gothique, thaumaturge, sorcier, vous flirtez avec les sciences occultes à la manière des Phrères du Grand Jeu. Pensez-vous que la poésie soit une porte qui permet d’accéder à d’autres mondes, du moins invisibles pour la plupart des gens ?
Marc-Louis Questin
: N’exagérons pas ! Un poète n’est pas nécessairement un médium, un chamane ou un sorcier. Il faut savoir raison garder. L’écriture poétique est déjà quelque peu magique par essence. Il me paraît inutile d’en rajouter. La lecture attentive de Joë Bousquet, René Daumal, Germain Nouveau, Raymond Roussel, Georg Trakl ou Renée Vivien se suffit à elle-même. Elle permet surtout d’accéder à soi-même, ce vaste continent dont nous ignorons tout.

GR : Malgré vos coups de gueule sur les réseaux sociaux (invisibilité proclamée de votre poésie, tendance des grands médias à mettre en avant des imposteurs, des poseurs…), vous continuez à publier, à hurler au monde que vous existez, que votre chant mérite que l’on s’y attache. Pourquoi écrivez-vous et pour qui ?
Marc-Louis Questin
: J’écris d’abord pour moi, pour me maintenir en vie. Ce qu’il y a de plus intime en l’être devient parfois universel. Si d’autres personnes prennent plaisir à me lire, je n’aurai pas œuvré en vain.

GR : Le poète est-il un éternel inadapté ?
Marc-Louis Questin : Absolument pas ! Ce cliché ringard, véhiculé par la grande bourgeoisie au 19ème siècle, est inadmissible. On peut être banquier, médecin, notaire ou architecte… et écrire de la poésie. Vouloir à tout prix enfermer le « poète » dans un rôle misérable de laissé pour compte permet de minimiser la portée politique et philosophique du discours poétique.

GR : Votre écriture jaillit, un long parchemin, comme chez les surréalistes, une écriture automatique, par associations, vos références se confondent parfois, se répondent souvent. Sans avoir une boussole particulière, comment vous lire ?
Marc-Louis Questin
: Mon écriture est tout sauf automatique ! Le moindre mot est rigoureusement choisi. Je conçois ma poésie comme un yoga et une ascèse. Rien n’est laissé au hasard. Il faudrait plutôt chercher du côté des procédés hypnotiques et répétitifs de Raymond Roussel ou de Jean-Luc Parant pour « expliquer » mon écriture. Je me sens plus proche de certains auteurs en rupture de ban du surréalisme, des symbolistes décadents du 19ème siècle ou des écrivains de la Beat Generation. J’ai aussi un lien très fort avec la littérature fantastique, la science-fiction, le roman policier.

GR : On décèle chez vous un goût certain pour la musique, des images fulgurantes, un vocabulaire soigné, la musicalité est là comme chez les poètes de la Beat Generation précisément, dans les brisures, les répétitions, les silences, les battements. Est-ce finalement du côté de ces mystiques rimbaldiens que se situe votre recherche formelle ?
Marc-Louis Questin
: Il est indéniable que je fus fortement marqué et donc influencé par William S. Burroughs, Allen Ginsberg, Claude Pélieu, pour ne citer que ces trois éminentes figures de la Beat. Mais aussi par des sources beaucoup plus anciennes, voire antiques, comme les philosophes présocratiques et taoïstes, la poésie baroque du 17ème siècle, le romantisme allemand, les écrivains de la mer, les romanciers sudistes, des auteurs comme Jacques Audiberti, Léon Bloy, Lewis Carroll, Malcolm de Chazal, Michel de Ghelderode, Julien Gracq, Stanislas Rodanski, Claude Seignolle, Georges Simenon.

GR : Comme les poètes de la Beat Generation, aviez-vous recours parfois à des substances pour atteindre à cet état de basculement, de dérèglement des sens ?
Marc-Louis Questin
: À vrai dire je n’ai besoin de rien pour peindre, écrire ou jouer de la musique. Du thé ou du café me suffisent. Désolé de décevoir certains lecteurs avides de sensationnel ou de transe chamanique à deux balles mais je suis parfaitement clean quand j’écris. Même si je connais bien, pour les avoir longuement expérimentés, les fulgurances et les bienfaits de certains produits.

GR : Croyez-vous en un avenir pour la poésie ?
Marc-Louis Questin
: Oui bien sûr. La poésie est éternelle, elle survivra même à la disparition du dernier homme.

Marc-Louis Questin

Texte inédit de Marc-Louis Questin 

La Mort magique transfigurée

Minérale poésie décimée par les nymphes
Couleurs fractales solidifiées
Tourbillon des phonèmes au-dessus des abîmes
La mort magique et vulnérable
Affûte les ombres du lac de Côme
D’un cœur transi comme en hiver
Tremblent chaumières aux murs de paille
Activant les neurones au sommet du cratère
La clarté se dissout dans un verre de cristal
La volcanique fusion des pôles
Rejoint la nuit des étoiles fixes
Comme si les cygnes soudain glissaient
Sur le miroir des eaux du ciel
Hamadryades et walkyries
Le long des rives du fleuve sacré
Quand le corps se dissout dans la vaste lumière
Les statues ouvragées par le bleu du printemps
Reconnaissent la vertu des guerriers intrépides
Comme on ouvre une porte
Un cerf-volant accroche le ciel
Le train sifflant dans la campagne
Les blés murmurent la transition
Des âmes issues du monde antique.

Derniers ouvrages parus

La Fulgurance des équinoxes, Unicité, 2024.
La Nostalgie des libellules, RAZ éditions, 2023.

Le poète 
Grégory Rateau
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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