Poèmes de Sibylle Bolli
Mercredi en poésie avec Sibylle Bolli
Ce qui t’espère
I
Anonnement
jours recuits
tu enjambes les mots gris
accumulés aux fissures
tu sais les roses
qui gémissent à la nudité du désert
il suffirait de prendre forme
puiser aux chaumes
aux ventres des futaies
il suffirait de tirer naissance
du brin oublieux
frémissant
sous le dais du grand ciel.
II
Sous tes pas défleuris
que le temps essaime
cette couleur sombre
qui estompe les feux
affamé d’été
aux joues de mûres
soif de ces eaux
où musait ton reflet
tu écoutes s’assoupir
la vague du premier jour
trembles au passage
amoureux de l’aile
redevenu seul.
III
Quel crépuscule
grisaille à pas de loup ?
tu cherches
dans l’ossuaire des mots
éclairs de sang de sève
offre ta chair
à la morsure
le chemin s’effrite
sous ta main
tu restes ainsi
fendillé de silence
comme arbre
traversé d’orage.
IV
Il s’agira
d’ébranler la pierre
à la seule buée des mots
comme un roi découronné
rendu aux bouches de la nuit
le goût du ciel vivra
aux lèvres veuves
ton cœur
assailli de neige
évidera le tombeau.
V
Ou l’enfant
ou la promesse
rassemble l’horizon
à tes bras d’argile
tu décages l’oiseau
qui bouleverse le poème
transparence d’un ciel
qui t’advient
rien n’est plus
que ce chemin sans traces
où rosée pèse sur les os
où ton empreinte délivre.
*
Ce n’est pas venu
l’absolue bonté du soir là-bas
sous le front digne de la falaise
Les corbeaux les grands corbeaux de soif
ont emporté les mots d’été
je suis resté avec l’ombre
de plomb et de pierre
*
Mère le ciel est parti
ton corps au souffle absenté
sur l’aile du cygne
en crosse de fougère
ta main sans caresse
fenaison des ombres
Ici rien
*
Petite blessure chérie
que j’enrobe de mots
ô mon frisson d’épine
abruti de caresses
tu me laboures l’échine
visage de plaie contre ciel
quand moi je ravaude
toutes cendres fumantes
Le temps d’auparavant
Sibylle Bolli
Sibylle Bolli naît en 1970, dans la région francophone de la Suisse, où elle vit, écrit et travaille actuellement. Plusieurs poètes dans la famille l’initient très jeune au bonheur de l’écriture. Après une maturité classique, elle obtient une licence en biologie, puis en médecine s’orientant vers la psychiatrie et la psychothérapie. Elle explore les sentiers d’écriture en prose et en poésie. Elle ne conçoit pas la vie sans écriture ni l’écriture sans la vie. Elle a publié dans différentes revues francophones, au Canada, en France et en Suisse et a reçu plusieurs prix, dont le Premier prix de poésie Geneviève Amyot en 2022.
Poésie