Frédéric Dumont : la poésie du quotidien renversé

Lecture de 4 min

Avec Une journée universelle, Frédéric Dumont explore les failles et les vertiges de l’existence ordinaire. Dans une langue à la fois crue et lumineuse, le poète québécois transforme les gestes les plus simples en éclats d’ironie et de tendresse, révélant la fragilité du monde et la puissance du dérisoire.

- Publicité -

Frédéric Dumont : Une journée universelle 

Ma demeure est cette cible
courte et cyclique
où je continue le visage
L’abeille minable, répétée, cognée
Six fois contre la vitre
Termine son trajet à ma tête
Ma tête roule dehors comme les autres

Cette journée est beaucoup trop universelle pour moi
Cette histoire me rend modeste
Je ne peux pas sortir du lit dans ces conditions
Je ne peux pas ouvrir les yeux dans ces conditions
Comment parvenez-vous à faire autant de choses ?
En suçant mon pouce j’ai découvert
Le parfait outil de développement personnel
Petite graine sincère
Je panique en crachant des morceaux de cellules
Ils appellent ça une maladie
J’appelle ça un moyen de transport

- Publicité -

Une chose est sûre
je peux retenir mon souffle
jusqu’à la lune
et partir d’un gros
rire gras juste après
parce que
j’ai peur d’être
trop lourd pour tout l’monde.

Pardon le jour tombe.
Les derniers cheveux
du soleil bégaient.
J’ai encore le temps pour le dépanneur.
J’ai envie d’y aller.
Je me suis promis quelque chose.
Je ne me souviens plus trop.
Ça me revient peut-être.

Frédéric Dumont

Une journée universelle, poème de Frédéric Dumont

Né à Montréal en 1986, Frédéric Dumont appartient à cette génération d’auteurs québécois qui façonnent une poésie du réel, ancrée dans le quotidien mais traversée de fulgurances métaphysiques. Lauréat du prix Félix-Antoine-Savard et finaliste au prix Émile-Nelligan, il s’est imposé depuis 2009 comme une voix singulière de la poésie contemporaine.
Sa démarche consiste à saisir le monde dans sa banalité apparente pour en extraire un sens plus vaste, une vérité à la fois tendre, drôle et désespérée. Chez Dumont, chaque image, chaque objet devient une métaphore de l’existence — un souffle entre l’ironie et la lucidité. Son écriture, empreinte d’un humour discret, éclaire la part d’absurde et de beauté qui réside dans la routine humaine.

Dans Une journée universelle, le poète capte ce sentiment d’étouffement et de fatigue qui habite l’époque. Entre dérision et fragilité, il observe la mécanique de la vie — l’abeille contre la vitre, le corps qui peine à se lever, les pensées qui bégayent — pour en faire jaillir une parole à la fois intime et universelle.

« Cette journée est beaucoup trop universelle pour moi », écrit-il, comme une confession à la fois simple et abyssale. Sa poésie, qui semble parfois surgir du silence, interroge nos gestes les plus anodins pour en révéler la dimension tragique et poétique.

Frédéric Dumont continue ainsi de tracer un sillon discret mais essentiel dans la littérature francophone : celui d’une parole qui ne cherche pas l’éclat, mais la justesse.

Site du poète
Lire aussi
Partager cet article
Suivre :
Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
Aucun commentaire