Poésie

« Tirer les ombres » d’Iren Mihaylova

« Tirer les ombres » D’Iren Mihaylova

Chronique de lecture : Tirer les ombres d’Iren Mihaylova  aux éditions Sans crispation par  David le Golvan

« Tirer les ombres « 

Difficile et sans doute présomptueux de vouloir mettre ses propres mots sur une poésie par laquelle la poétesse revendique leur retranchement. Sinon en acceptant l’infortune, le risque de l’intrusion imprudente. Et pourtant, comme chez Beckett, il faut bien passer par là pour ne pas finir au fossé. Puisque Iren Mihaylova le dit pour nous : « Nul espoir de combler : ce manque de mots justes », acceptons la caution.

"Tirer les ombres" - Iren Mihaylova

Le recueil d’Iren Milhaylova se compose en deux sections peut-être distinctes d’un point de vue formel : la première, organisée en chronique, garde un semblant de foi dans le vers (« Ombres d’or ») en dépit de l’achèvement final (« Cinquième année – De l’à-venir ») qui annonce une deuxième section : « Tentations » où les tessons (« -B-R-I-S-E-M-E-N-T -S»), éclats de vers, affirment la radicalité de l’amuïssement poétique où les blancs sont autant d’« embrayage[s] entre les signes, entre les silences ». Et y verrions-nous, comme chez Hugo, qu’« un abîme les sépare, le tombeau » ?

Non, l’appel du deuil ne césure pas l’œuvre ; il relie les deux parties autant qu’il dessine le délitement de la parole et celui des êtres chers.

Le début du recueil est trompeur : l’étreinte, le sommeil, le rêve et l’amour comme un fantôme d’affection dans le tangage du vers du haut vers le Très-bas ; mais bien vite, peut-être dès la « Deuxième année – PEINES en capitales », les lapsus et collapsus du verbe jettent le voile mortuaire :

« Ma douleur de mains vides qui/ au matin où je tourne et je frémis/ le corps qui manque de sa réponse » ou encore : «  dis-moi  l’essence/ de la mort/ pour que je cesse d’étrangler les mots/ et tordre/ le coup au mystère ». 

De cette révélation douloureuse que « la phrase (…) dessert le but antalgique », la deuxième section « Tentations » n’a plus qu’à dresser une carte des limbes dans une sorte de flottement des mots et des âmes.

Comme pour les autres ouvrages des Utopiques, l’indispensable Olivia HB a su à nouveau tirer parti du texte en « diamant noir » et extralucide d’Iren Milhaylova : houppier comme un éclat d’encre, une trouée dans le ciel d’où se tend une corde à épingles sur laquelle flotte une robe diaphane, plutôt chemise de nuit, que ne frôleront plus jamais ces galoches sans propriétaire…

« Tirer les morts du vivant/ pour être sûre/ qu’ils/ s’en/ vont ».

David le Golvan, auteur, romancier, chroniqueur

Juin, 2023

"Tirer les ombres" d'Iren Mihaylova

Iren Mihaylova – poétesse

Philippe Sarr – éditeur

Damien Paisant – poète, quatrième de couverture

Jade Labbe – préfacière, préface

Olivia HB – illustratrice, photo de couverture

Iren Mihaylova

"Tirer les ombres" d'Iren Mihaylova

Iren MIHAYLOVA est une poétesse, écrivaine, psychologue clinicienne et psychanalyste bulgare d’expression française, née à Sofia (Bulgarie) dans les année 90. Elle a une pratique psychanalytique et écrit des livres de poésie, des récits, des nouvelles et des journaux. Ses textes sont publiés dans de nombreuses revues littéraires en France et à l’étranger (« Francopolis », « Florilège », « Pro/prose », « Traction Brabant », « Fragile », « Oupoli », « Les Cosaques des frontières » ; « Au-delà des couvertures », « Nouvelle Poésie Asociale », « Le cahier », etc.)

Son premier recueil de poésie Tirer les ombres (Sans crispation éditions, 2023), son deuxième recueil Ciel de ma mémoire (L’Appeau’Strophe éditions, 2024), ainsi que ses récits et journaux explorent les problématiques du deuil et du cheminement intérieur à travers l’écriture de l’intériorité.

Tirer les ombres, écrit en 2022, pose les bases de ce qui va suivre, à savoir, une œuvre littéraire construite en tant qu’une véritable « Cosmogonie de la perte », « chronique de la douleur », texte poétique qui regroupe plus de 200 poèmes de la poétesse.

En 2019, elle se dirige également vers l’écriture du récit, avec deux prochains textes à venir, parmi lesquels Lettres à mon Autre et une autofiction).

Depuis 2019, Iren Mihaylova traduit des poètes contemporains bulgares en français, ainsi que des poètes contemporains français en bulgare. Ses traductions sont publiées dans plusieurs sites et revues littéraires bulgares (« Au-delà des couvertures », « E-sashtnost » , «  Vedra Ranina », etc.) et français (« Lichen » , « Souffle inédit », «  Vivre en poète » et «  Oupoli ») .

Lien vers le livre à commander sur le site de Sans crispation éditions

David Le Golvan est élu domicile en Forêt de Fontainebleau. Il est l’auteur de six romans avec un septième qui paraîtra à la rentrée. Son écriture qui l’amène souvent dans le domaine du roman noir ne l’empêche pas de goûter la poésie, quand elle emprunte des voies (voix) inhabituelles et audacieuses dont il essaie de restituer la substance à travers des chroniques.

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Magazine d'art et de culture. Une invitation à vivre l'art. Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.

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