Poésie

Vincent Calvet, Présence et poésie

Vincent Calvet, Présence et poésie

Les lundis d’Hyacinthe

 

« Le jeune Calvet »

Heureux qui, comme Vincent Calvet, jouit de la reconnaissance de ses aînés. Non, ce n’est pas une boutade et c’est encore moins une marque de jalousie. Loin de là. Vincent Calvet, né à Carcassonne en 1980, est appelé « le jeune Calvet » par des poètes et des créateurs authentiques dont nous pouvons citer André Robèr, le maître d’œuvre des éditions Paraules et de la revue Nuire ; Paul Sanda, qui dirige les éditions Rafael de Surtis, avec qui il a fondé, en 2010, la revue Mange Monde ; Bruno Geneste, qui dirige la Maison de la poésie du pays de Quimperlé, auprès de laquelle Vincent Calvet occupe la fonction de rédacteur en chef de la revue Sémaphore ; Andrea Iacovella, qui dirige La Rumeur libres éditions, où a paru, en juillet dernier Six solitudes.

Calvet 2 Calvet 2 Six solitudes de Vincent Calvet

Honneurs et reconnaissance

Nous pouvons également citer Serge Pey que Vincent Calvet a beaucoup fréquenté à Toulouse, ainsi que Jacques Gasc, à qui est dédié ce nouveau-né, Six solitudes, et dont on lit en fin de volume dans la rubrique des « Remerciements » : « La Première Solitude a été remarquée et primée par l’association Arcadia de Jacques Bonicel, à Béziers, Jacques Gasc étant président du jury à l’époque. Il est décédé en 2010. Ce fut un discret et franc poète. Il fut le premier à remarquer mon écriture. Ce recueil est dédié à sa mémoire. »

Il en va ainsi dans les quatre derniers recueils publiés par le jeune Calvet : Prière pour ne pas être enterré avec les chiens, chez Rafael de Surtis, en 2020 ; Insectographie, avec des dessins de Cyrille Hurel, chez Kyrilos éditions, en 2021 ; Naître au Mystère chez Sémaphore, ainsi que Six solitudes à La Rumeur libre, en 2022.

Si différents soient-ils, ces quatre recueils nous font déjà remarquer la maturité à laquelle peut aujourd’hui prétendre Vincent Calvet : en prose saccadée comme dans Six solitudes ou en vers libres, adoptant un ton lyrique, contemplatif quasi-philosophique ou élégiaque, la voix de Vincent Calvet cherche à s’extraire du silence : « J’entends qu’on frappe dans le ciel au-dessus des falaises immaculées des plaies des nuages des flocons de neige qui suis-je ma langue fourrage dans le ciel et rumine des perles noires celles les plus rares que j’ai arrachées aux rêves du soleil où es-tu

parle parle parle-moi doucement dans l’oreille des conques que des mots-tuiles qui luisent me fassent un toit de leur beauté ». (Six solitudes, p. 47.)

Ainsi les italiques, qui soulignant la question philosophique « qui suis-je » et la question à la fois spatiale et érotique « où es-tu », annoncent-elles la chute finale avec cet impératif répété, comme si la parole devait infiniment être secouée, interrogée, ordonnée pour être.

L’âge adulte

Trois sur les quatre derniers recueils sont marqués par le passage à l’âge adulte. Le mot « enfant » est omniprésent aussi bien dans Naître au Mystère :

L’enfant est comme un perpétuel matin

le monde est remis à neuf

lavé séché recousu

il se confond avec sa forme

il correspond à lui-même

sans excès

avec délicatesse

le Monde est clairement énoncé

il n’est pas en-deçà des mots

ni au-delà

il commence et finit dans les vers

il constitue une harmonie sporadique. (p. 45)

 

Que dans Prière pour ne pas être enterré avec les chiens :

de cette prison naîtra l’enfant qui fend la Nuit &

le Malheur

déchire le voile de l’incompréhensible

des ruines de ce corps naîtront

les jardins suspendus de Babylone (p. 84)

 

Beaucoup d’éléments retiennent notre attention, du point de vue de la forme et du fond, à l’instar de l’emploi régulier de l’esperluette « & », laquelle est récurrente sous la plume de Vincent Calvet qui peut-être s’en sert comme d’un dessin d’enfant, un signe, une image pour garder contact avec l’enfance. Mais le lecteur avisé ne peut pas rater le coche. À ce titre, la dédicace de Naître au Mystère : « À Rémi et Martin, mes neveux/ À ma sœur Marie ».

Sans entrer dans les détails de la vie familiale et privée des poètes, sans vouloir non plus surenchérir avec l’interprétation, nous pouvons déjà apprécier la beauté des noms, celui de la Vierge, Marie, qui est là pourvue de deux enfants, Rémi et Martin.

Les premières pages de Naître au Mystère en disent long sur ces naissances, ces renaissances, qui sont peut-être vécues par le jeune Calvet comme des résurrections à part entière :

La naissance d’un enfant

dans la lueur de l’été

comme une arche qui enjambe la rivière

sphère belle

sphère d’Amour

enchevêtrée au Ciel (p. 14)

 

Insectographie de Vincent Calvet

Multiples et inconditionnelles…

Ou bien s’agit-il d’une épiphanie ? Oui, assurément, mais une épiphanie laïque, voire athée. C’est ce que précise l’excellent Serge Pey dans sa belle préface de Prière pour ne pas être enterré avec les chiens, publié chez Rafael de Surtis, en 2020 : « Écrire la préface d’un livre de prière demande pour un poète athée une justification, et sûrement une réflexion sur les relations entretenues entre la prière et la poésie. […] En sachant que la religion n’aime pas la poésie et vice versa, car elle ne considère comme littérature digne de ce nom que la sienne. Contre les autres, sous l’œil aigu de la dictature des théologiens. Mais un poète n’est ni athée ni croyant./ J’ai toujours voulu établir une parenté entre prière et poème, ou plutôt entre un acte magique mental, un sortilège, une parole d’ensorcellement et un chant d’adoration et d’espérance. »

Voilà, le ton est de nouveau donné et il faut désormais tout relire car la poésie, du moins cette poésie-là se refuse à toute fermeture, à tout confinement, à tout silence si éloquent soit-il. C’est ce que nous appelons, avec ou à partir du jeune Vincent Calvet, présence et poésie, lesquelles seront naissance et renaissances multiples et inconditionnelles. À la Vie, à l’Amour, à la Poésie.

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