Touchée par les fées

Théâtre
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Crédit @ LA SCALA PARIS

« Touchée par les fées » : Ariane Ascaride entre mémoire et enchantement

Touchée par les fées, ultima verba, Ariane Ascaride : Théâtre de la Scala, Paris

Par Djalila Dechache

"Touchée par les fées" : Ariane Ascaride entre mémoire et enchantement
Credit @ LA SCALA PARIS

Ariane Ascaride sait tout faire : elle joue, danse, rit , sourit beaucoup, saute, enjambe, porte des derbys aux pieds et des escarpins dorés, étend des photos sur un fil rouge et des vêtements, ouvre son album de famille, prend l‘accent de la canebière si chère à son coeur, elle chante aussi, tient tendrement un Pinocchio articulé dans les bras, bouge beaucoup dans son petit tailleur pantalon noir ajusté, elle évoque son père et sa mère, le feu et l’eau réunis et tant de choses encore….
C’est cela « Touchée par les fées », spectacle seule en scène de la carte blanche que le théâtre de la Scala lui a donné pour la saison 2024-2025.
Alors elle s’amuse et garde une tonalité grave en évoquant ses parents, son père coiffeur de métier et commercial pour les produits cosmétiques. Comme il aime chanter, il connait le répertoire des grandes voix d’opéra qu’il impose aux siens.

Dans cette petite salle du théâtre quasiment située au sous-sol, la scène circulaire, sans décor permet à l’artiste d’évoluer à son aise et assure un rapport scène-salle des plus saisissants.
En avançant le bras on pourrait la toucher, comme on toucherait une étoile, c’est elle qui nous touche avec sa présence, son sourire, son savoir-faire pour créer une sensation de proximité sans pareille.
Elle arrive à grand bruit portant de grosses valises de souvenirs, d’histoires, de photos, de vécus..
Et annonce tout de go : «J’aime bien l’idée de faire le ménage avant de partir ».
Son agent l’avait prévenue : tu sais Ariane, cela va devenir difficile, tu es à un âge ….
Elle dit que pour sa biographie, elle a préparé ses valises pour ne pas finir à la casse. Elle a préparé quelque chose de sobre pour les générations suivantes…
Voyons ce qu’il en est.

Une Shirley Temple de la canebière

Je suis née dans le sérail dit-elle, dans une illustre famille napolitaine par mon père, parti avec ses parents, faire fortune à New-York comme tant d’autres.Sauf qu‘ils ont repris le bateau dans l‘autre sens pour descendre dès la première escale, à Marseille.
Sa mère est française, elle apprend à danser en 1936, la famille vit dans la dèche, la maison était très mal tenue, ma mère était fatiguée ajoute-t-elle, mais Ariane pudique n’en dira pas plus.
Sur cet aspect, je me suis demandée si c’est la vie de cette famille qui fatiguait la mère dans sa quotidien vouloir joindre les deux bouts sans arrêt.
Ariane arrive sur terre, après ses frères, comme si elle était tombée de la lune ! Une enfant pas tout à fait finie ! Touchée par les fées !
Propos accompagnés de la gestuelle et du visage changeant d’Ariane Ascaride, c’est toute la force du spectacle vivant.

Lorsqu’elle a six ans, son père, se lance dans la mise en scène, elle débute ainsi sur les planches, une Shirley Temple à la française. Un jour, celui qui écoute le choeur de l’Armée Rouge se présente à l’opéra de Marseille.
Sa mère l’emmène au cinéma, à l’opéra, Ariane se constitue son capital culturel, ouvre des horizons nouveaux, devient une artiste en herbe et confirmée plus tard.
Elle se souvient du bruit des talons de sa mère sur les pavés. La mémoire est sonore aussi c’est ce qui rend ce souvenir poétique et réel.Cette mère qui n ‘a pas su montré sa tendresse ! Que c’est difficile et pour elle et pour sa famille.
De son père elle dit aussi joliment que c’est lui qui lui a donné les mots pour se comprendre, il est aussi celui qui a le sens du rebondissement et de l’artifice.
Celle qui aura été l’elfe et le Puck de son père, le verra une dernière fois dans son lit d’hôpital.

Un voyage immobile intense

Le spectacle prend des allures de voyage immobile dans la vie d’Ariane Ascaride, il s’égrène avec son énergie, sa fantaisie, son caractère jovial, en conteuse, en comédienne accomplie, sachant regarder le public, s’adressant tantôt à lui tantôt à ses fantômes sympathiques.
Arrive le moment où Ariane entre au conservatoire. Elle y élit domicile : « au théâtre c’est ma maison, ma langue, ma place, la vie sans le théâtre n’est pas la vie, c’est l’ombre de la vie ».

C’est le moment aussi où elle est demandé en mariage un jeune à moto, celui qui deviendra le cinéaste militant et engagé Robert Guediguian dont elle sera la muse dans sa filmographie, reconnue comme une grande actrice.
Tout ce qu’elle touche se transforme en or, c’est l’avantage d’être touchée par les fées.
Elle conclut en disant qu‘elle aime cette famille qu‘elle a créé, davantage que celle dont elle a hérité.

Facile de dire que l’on ne sent pas le temps passer, on est surpris lorsque le noir se fait, salve d’applaudissement, rappels, dernière pirouette, la toute fin en chanson, italienne de préférence, Ariane Ascaride fait chanter le public sous la houlette comme une cheffe d’orchestre.

Distribution

Texte Marie Desplechin
Avec Ariane Ascaride
Mise en scène et chorégraphie Thierry Thieû Xiang
Création lumière Alexis Beyer
Durée 1h
Touchée par les fées, ultima verba, Ariane Ascaride Théâtre de la Scala, Paris, jusqu’au 9 mai 2025.

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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