La dernière lettre du journaliste palestinien Hossam Shabat (né le 10 octobre 2001 et mort le 24 mars 2025), correspondant de la chaîne Al Jazeera En direct à Gaza, dont il a demandé la publication après son assassinat
La dernière lettre du journaliste Hossam Shabat : « …Je vous demande maintenant : n’arrêtez pas de parler de Gaza… »
« Si vous lisez cette lettre, cela veut dire que j’ai été tué, ciblé probablement, par les forces d’occupation israélienne. Quand tout ceci a commencé, j’avais seulement vingt et un ans. Etudiant universitaire qui avait des rêves comme tout le monde.
Tout au long des dix-huit mois passés, j’ai consacré chaque seconde de ma vie à mon peuple. J’ai couvert les atrocités au nord de Gaza minute par minute. Déterminé à dévoiler la vérité qu’ils ont essayé d’enterrer. J’ai dormi sur les trottoirs, dans des écoles, sous des tentes, là où ç’a été possible. Chaque jour était une bataille pour survivre. J’ai enduré la faim des mois durant et pourtant, je n’ai jamais abandonné mon peuple.
Je vous demande maintenant : n’arrêtez pas de parler de Gaza. Ne laissez pas le monde en détourner le regard. Continuez de militer et continuer de raconter nos histoires jusqu’à la libération de la Palestine »[1].
Traduit de l’arabe par Radhia Toumi.

Hossam Shabat (2001–2025)
Shabat était un journaliste palestinien, reconnu pour sa couverture du conflit Israël-Hamas depuis le nord de la bande de Gaza. Né le 10 octobre 2001, il est tué le 24 mars 2025 par une frappe de drone israélienne, alors qu’il exerçait encore sur le terrain.
Avant le déclenchement de la guerre en octobre 2023, Hossam Shabat s’apprêtait à entamer sa troisième année d’études en « média et technologies de la communication ». Engagé dans sa communauté, il siégeait également au conseil municipal des jeunes de Beit Hanoun, selon le journal Le Soir.
Dès les premières semaines du conflit, il se fait remarquer par sa couverture en tant que photojournaliste indépendant, relayant sur Instagram — où il rassemble près de 600 000 abonnés — les conséquences des bombardements israéliens dans le nord de Gaza. Il rejoint ensuite la chaîne Al Jazeera Mubasher. Au fil des mois, il perd sa maison, le restaurant familial et de nombreux proches dans les frappes israéliennes. Sa famille trouve refuge dans le sud de l’enclave, mais lui choisit de rester sur place pour continuer à témoigner.
En octobre 2024, l’armée israélienne l’accuse, ainsi que cinq autres journalistes d’Al Jazeera, d’être affiliés au Hamas et au Jihad islamique, l’identifiant comme tireur d’élite. Des accusations fermement démenties par la chaîne et par Shabat lui-même, qui dénonce dans un message public une tentative « de justifier préventivement notre meurtre ».
Le 24 mars 2025, alors qu’il est l’un des derniers reporters encore présents dans le nord de Gaza, Hossam Shabat est tué dans une frappe ciblée menée par drone près de Beit Lahia. Tsahal affirme qu’il aurait participé à des actions terroristes aux côtés du Hamas, ce que démentent les organisations de défense de la liberté de la presse. Le Syndicat des journalistes palestiniens, le CPJ et Reporters sans frontières (RSF) condamnent son assassinat. RSF rappelle que les documents publiés par l’armée israélienne ne permettent en rien d’établir une quelconque affiliation militaire de Shabat, et ne sauraient justifier son élimination.
Hossam Shabat est le 206e journaliste palestinien tué par l’armée israélienne depuis le début de la guerre à Gaza. Les accusations de terrorisme visant des journalistes palestiniens sont régulièrement dénoncées par les ONG comme un moyen de restreindre la couverture indépendante du conflit.
[1] Lettre publié sur la page facebook de la chaîne Al Jazeera (الجزيرة – فلسطين) le 24 mars 2025.
Crédits photos : @ Page FB du journaliste / @ WIKIMEDIA