« The Return. Le retour d’Ulysse » : Une épopée au cœur du mythe

Cinéma
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Photo : Gennaro Leonardi / Shutterstock

Dans The Return. Le retour d’Ulysse, sorti en salles le 18 juin 2025, Uberto Pasolini livre une adaptation rare et audacieuse de l’Odyssée : celle qui se n’attarde non pas sur les monstres et les tempêtes, mais sur les silences, les blessures intérieures, et la lente reconquête des siens. Porté par Ralph Fiennes et Juliette Binoche, le film condense en une œuvre sobre et intense la charge émotionnelle d’un retour attendu pendant vingt ans.

« The Return. Le retour d’Ulysse » avec Juliette Binoche et Ralph Fiennes : Et si le véritable voyage commençait au retour ?

Sur les plages d’Ithaque, un homme nu et marqué par l’exil émerge. Ce n’est plus un héros, c’est un revenant. Ulysse revient, mais il ne rentre pas : il doit d’abord se frayer un chemin parmi les souvenirs, les rancunes, les doutes. Le choix de Ralph Fiennes, barbu, amaigri, usé, s’impose avec évidence : son Ulysse est un homme désenchanté, un roi sans royaume intérieur, incapable de trouver sa place dans une maison qui ne l’a pas attendu, ou du moins pas de la manière qu’il imaginait.

Face à lui, Juliette Binoche campe une Pénélope de chair et de lutte. Plus qu’une épouse fidèle, elle est une femme harcelée par les prétendants, écartelée entre la loyauté au passé et les exigences du présent. Son combat quotidien — se protéger, protéger son fils Télémaque, maintenir un semblant d’ordre dans le chaos domestique — est filmé avec une gravité retenue. La douleur est palpable, mais contenue dans les gestes, les regards, les silences.

Pasolini, que l’on connaissait pour The Full Monty, signe ici une œuvre d’une toute autre teneur : dépouillée, grave, presque cérémonielle. La direction d’acteurs s’apparente à une mise en scène de théâtre : Binoche et Fiennes se donnent la réplique comme s’ils foulaient une scène antique, dans une économie de mots et une richesse de non-dits.

Les gros plans abondent, scrutant les visages comme des paysages intérieurs. Peu de musique, peu d’effets. Chaque image est composée avec soin, comme un tableau : un drap rouge sur un métier à tisser, la lumière d’un soleil couchant sur la peau burinée d’Ulysse, l’immobilité altière de Pénélope au milieu du tumulte. La mise en scène, lente et maîtrisée, refuse la tentation spectaculaire pour mieux révéler les tensions humaines.

The Return n’est pas une illustration de l’Odyssée, mais un prolongement méditatif. Il ne s’agit plus de savoir comment Ulysse a survécu aux sirènes, mais comment il survit à son retour. La guerre de Troie est finie, mais une autre guerre commence : celle de la réintégration, de la reconnaissance, de la vérité.

Les prétendants, menés par Antinoos (interprété avec justesse par Marwan Kenzari), ne sont pas de simples antagonistes : ils incarnent un ordre nouveau face auquel Ulysse n’a plus d’autorité. Télémaque, quant à lui, est un adolescent élevé dans l’absence paternelle, tiraillé entre admiration et colère.

Pasolini parvient à évoquer, sans jamais les souligner, des thèmes contemporains : le traumatisme du retour de guerre, le délitement des liens familiaux, la place des femmes face à la domination masculine. L’épreuve de l’arc, moment culminant du récit homérique, devient ici un test symbolique : non de force, mais de légitimité.

The Return. Le retour d’Ulysse n’est pas un film qui cherche à plaire. Il impose son rythme lent, sa gravité, sa retenue. Il se mérite, comme ces œuvres littéraires auxquelles il rend hommage : Homère, bien sûr, mais aussi Jean-Paul Kauffmann, dont l’expérience du retour hante en filigrane le propos du film. Le film épouse cette idée : que rentrer, ce n’est pas simplement revenir, mais affronter ce que l’on a laissé derrière soi — et ce que l’on est devenu.

En choisissant l’ellipse, l’intime et le regard intérieur, Pasolini comble un vide dans la représentation du mythe. The Return ne rivalise pas avec les blockbusters antiques ; il s’en écarte avec élégance et humilité, pour mieux toucher à l’universel.

Avec The Return. Le retour d’Ulysse, Uberto Pasolini signe un drame épuré et poignant, servi par deux acteurs en état de grâce. Juliette Binoche et Ralph Fiennes y incarnent l’amour, l’usure du temps, et la difficulté de se retrouver après l’épreuve. Un film rare, exigeant et profondément humain, qui nous rappelle que les plus grandes aventures se vivent parfois à l’intérieur des murs d’un foyer.

La fiche

Genre : Drame
Cinéaste : Uberto Pasolini
Avec : Ralph Fiennes, Juliette Binoche, Charlie Plummer
Pays : Grande-Bretagne, Italie
Durée : 1h58
Sortie : 18 juin 2025
Distributeur : Maverick Distribution

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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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