Dans son livre Mi Vida, Kendji Girac se livre sans détour. Entre drames, paternité et vérité médiatique, l’artiste nous invite à découvrir l’homme derrière la célébrité et à réfléchir sur la frontière entre vie privée et publique.
Mi Vida : quand Kendji Girac écrit sa vérité
“Je n’ai jamais pensé mettre fin à mes jours. Je veux raconter ma vie, la vraie, celle où il n’y a pas de détour.” Ce sont les insufflations qui ouvrent Mi Vida, l’autobiographie que Kendji Girac publie chez Flammarion le 1ᵉʳ octobre 2025. Plus qu’une mise au clair, un seuil : celui d’un artiste qui se fait auteur de son propre récit, au-delà des projecteurs, des rumeurs, des silences.
Le drame reproduit, la blessure partagée
C’était une nuit d’avril : une fête, l’alcool, la joie mêlée d’imprudence. Un objet ancien, une arme de collection, beaucoup d’ombre — et le tir qui part. Un coup de feu dans la poitrine. Un accident, insiste Kendji, dans les pages de Mi Vida comme dans ses interviews. Non pas la recherche de la mort, mais le fracas d’une vérité qui se libère enfin.
Dans ce livre, il ne se contente pas de raconter ce qui lui est arrivé ; il montre ce que cet “incident” a révélé : sa vulnérabilité, sa relation fluctuante avec l’alcool, la peur latente, le désir de paix.
Le récit comme œuvre de réappropriation
Depuis sa victoire à The Voice en 2014, tout est attendu, tout est pesé. L’artiste gitane, la voix, la ferveur populaire. Mais derrière la scène, l’enfant de caravane, les rires dans la poussière, le silence des peurs, l’attente de reconnaissance. Dans Mi Vida, Kendji Girac conjugue ces deux mondes : celui du visible, des concerts, de la célébrité — et celui, moins glamour, du doute, de la culpabilité, de la honte, parfois.
Ce passage de l’ombre à la lumière ne vise pas simplement l’apitoiement ou la confession cathartique. Il est acte, médian, un pont jeté entre un public souvent consumériste — on attend le hit, la frappe — et la personne qui vit, moisit, s’extirpe. Kendji ne « fait pas de détour » : il déplace le récit, le rythme, le regard.
L’angle médiatique : le droit à la vérité dans la sphère publique
Les rumeurs, les procès d’intention, le bruit des médias alternatifs : dans Mi Vida comme sur les plateaux télé, Kendji Girac s’attaque aux faux-semblants. De “tentative de suicide” à “simulation”… les mots pèsent lourd. Sur Quotidien, il dément, avec gravité, ce que certains avaient imposé comme vérité.
Ce n’est pas simplement l’artiste qui parle ; c’est un citoyen qui rappelle : dans l’espace public, la vérité doit appartenir à celui dont on parle. Quand on glisse vers la légende, vers l’hypothèse sensationnelle, on vole à la personne son humanité. Kendji revendique ce droit : être entendu tel qu’il est, non tel que certains veulent le croire.
Devenir père, retrouver l’équilibre
À travers Mi Vida, la paternité refait surface comme un jalon essentiel. Eva (née en 2021) puis son petit garçon, leur présence stabilisent, apaisent, et recentrent l’homme que Kendji veut être. La sobriété — un an et demi — n’est pas simplement une ligne de vie, mais un “redressement”, un pacte avec lui-même.
C’est aussi dans ce rôle de père que Kendji révèle ce qu’il a dû renoncer, ce qu’il a combattu : les soirées, l’excès, les attentes, le besoin de justifier chaque silence. Et dans son récit, il y a la leçon : on ne guérit pas tout, mais on peut choisir de se connaître mieux, et d’être plus juste envers les autres, envers ceux qui aiment.
L’enjeu de Mi Vida : de l’individuel au collectif
Ce témoignage ne touche pas seulement ceux qui suivent Kendji depuis ses débuts. Il rappelle l’expérience de beaucoup : grandir dans un milieu “de l’ombre”, subir le regard des autres, voir l’erreur se transformer en calomnie, se battre pour exister autrement que par la performance.
Le livre ouvre un débat : sur l’alcoolisme ordinaire, sur les normes de réussite, sur ce que signifie être gitane et français, sur la frontière entre vie privée et vie publique. Kendji invite à repenser la responsabilité : des médias, des fans, des plateformes, dans la manière dont elles participent à construire ou à briser une image.
Plus qu’une autobiographie
Mi Vida n’est pas un simple récit de star. C’est un partage sincère, une manière de redonner sens aux mots “vulnérabilité” et “force”. Kendji Girac raconte pour comprendre, pour faire tomber les jugements, et peut-être pour rappeler que derrière chaque image publique, il y a une vie en quête d’équilibre.
Dans ce livre, Kendji Girac ne cherche pas à se réinventer, mais à se retrouver — simplement, sincèrement, comme on revient à soi après un long silence.
Photo de couverture @ Wikimédia