No Other Land : Un Oscar pour un documentaire de résistance
La 97e cérémonie des Oscars a consacré No Other Land, documentaire réalisé par Basel Adra et Yuval Abraham, qui remporte l’Oscar du meilleur documentaire. Ce film, fruit d’une collaboration entre un Palestinien et un Israélien, est bien plus qu’une simple production cinématographique : il est un acte de résistance, un témoignage poignant sur la destruction progressive des villages palestiniens de Masafer Yatta en Cisjordanie occupée.
Un tournage sous tension
Le documentaire est le résultat de cinq années de captation sur le terrain, une immersion totale dans la vie d’une communauté menacée. Basel Adra, activiste palestinien, filme depuis des années les expulsions et la démolition des maisons de sa région natale par l’armée israélienne et des colons. C’est en documentant ces injustices qu’il rencontre Yuval Abraham, journaliste israélien, qui se joint à lui pour donner une voix à cette réalité brutale. Leur amitié improbable est au cœur du film, qui alterne entre colère, impuissance et espoir.
Tourner un tel documentaire était un défi permanent. L’équipe a été confrontée à l’hostilité de l’armée israélienne et des colons, rendant chaque prise de vue périlleuse. Les menaces, les arrestations et la destruction de matériel ont jalonné la production. Basel Adra et son entourage ont été pris pour cible, subissant des intimidations de plus en plus fortes à mesure que le film gagnait en notoriété.
Un documentaire reconnu mais censuré
Depuis sa première projection en février 2024, No Other Land a été récompensé par de nombreux prix, notamment à la Berlinale et aux European Film Awards. Il a reçu des critiques unanimes et affiche un score parfait sur Rotten Tomatoes. Pourtant, sa diffusion reste entravée. Aux États-Unis, aucun grand distributeur n’a osé s’en emparer, obligeant les réalisateurs à louer eux-mêmes des salles pour présenter leur film.
Cette censure implicite est symptomatique du climat de tension autour du sujet qu’il aborde. En France, le film a pu sortir en salles à l’automne 2024, trouvant un public sensibilisé à la question palestinienne. Mais la reconnaissance critique et publique ne suffit pas toujours à assurer une large diffusion.
Une victoire aux Oscars sous le signe de l’engagement
Lors de la remise du prix, Basel Adra et Yuval Abraham ont livré un discours marquant. Basel Adra a déclaré : « Je souhaite à ma fille de ne jamais avoir à vivre la vie que je vis, avec tant de violence, tant de destructions de maisons. » De son côté, Yuval Abraham a appelé à la fin des destructions à Gaza et à la libération des otages israéliens. Ce moment fort a souligné le message du film : la nécessité d’un changement politique et d’une justice équitable pour les deux peuples.
Un Oscar controversé
Si cette victoire est un immense accomplissement pour le documentaire et ses réalisateurs, elle est loin d’être accueillie favorablement par l’État israélien. Le gouvernement a vivement critiqué l’Oscar décerné à No Other Land, refusant de le reconnaitre comme une représentation légitime de la situation en Cisjordanie. Ce rejet souligne la portée politique du film et la difficulté de faire entendre une vérité qui dérange.
No Other Land s’impose ainsi comme un film essentiel, à la fois témoignage poignant et acte de résistance artistique. Son Oscar est une reconnaissance majeure, mais son combat pour exister et être diffusé montre que la bataille pour la justice, elle, est loin d’être gagnée.