Dictionnaire des concepts des arts visuels
Dictionnaire des concepts des arts visuels, du Professeur Sami Ben Ameur
Une œuvre-vie
Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen
À l’invitation de M. Marouen Majed, directeur de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Nabeul (Université de Carthage), nous avons prononcé ce texte dans le cadre d’une journée d’études dédiée au Dictionnaire des concepts des arts visuels, du Professeur Sami Ben Ameur, paru en 2021 aux éditions al-Mokaddima, dirigées par le romancier et chercheur Aziz Cherraj.
Or, nous venons d’apprendre que Dictionnaire des concepts des arts visuels du Professeur Sami Ben Ameur vient de remporter le premier prix Alecso-Sharjah d’études linguistiques et lexicographiques.
Heureux aussi bien pour l’auteur et la maison d’édition que pour l’université et la culture tunisiennes, nous souhaitons, tout en rendant hommage au Professeur Sami Ben Ameur, partager avec les lecteurs de Souffle inédit notre approche de cette prestigieuse et substantielle publication.
La poétique du dictionnaire
Il y a plusieurs façons d’aborder un ouvrage tel que celui que nous propose le Professeur Sami Ben Ameur, intitulé Dictionnaire des concepts des arts visuels, paru en 2021 aux éditions al-Mokaddima (Manouba, Tunisie), composé de 758 pages, préfacé par les Professeurs Habib Sidhom, président de l’Université de Tunis, et Habib Bida, collègue de l’auteur à l’Institut des Beaux-Arts de Tunis.
À vrai dire, nous faisons partie des chercheurs qui commencent la lecture des ouvrages, quels qu’ils soient, par la table des matières, la bibliographie et l’index des noms propres. Ces éléments, que le critique littéraire Gérard Genette appelle « paratexte », sont les « lieux privilégiés de la dimension pragmatique de l’œuvre, c’est-à-dire de son action sur le lecteur − lieu en particulier de ce que l’on nomme volontiers, depuis les études de Philippe Lejeune sur l’autobiographie, le contrat (ou pacte) générique.[1] »
D’emblée, nous pouvons dire qu’il n’est pas vain, dans le contexte qui est le nôtre, de parler de « contrat » ou de « pacte générique », en rapport avec le genre, dans la mesure où le titre proposé par le Professeur Sami Ben Ameur oriente déjà notre approche de l’ouvrage avec cette suite de notions qui se présentent comme des entrées d’alif à waw, précisément de « إبداعيّ » « créativité » à « وحوشيّة » « fauvisme ». Notons également que le Professeur Sami Ben Ameur ne lésine pas sur les moyens, c’est-à-dire que l’enseignant se manifeste d’entrée de jeu, en prenant même le dessus avec notamment un texte liminaire intitulé « تصدير », qui met les points sur les i, s’appuyant sur trois étapes pour justement nous donner un « aperçu historique » à propos de la rédaction du présent dictionnaire, avec ses « environs » et la façon dont il a été élaboré.
Tout cela nous éclaire sur la poétique du dictionnaire adoptée par l’auteur qui nous dit qu’il a travaillé dessus pendant trois décennies, au cours desquelles le Professeur Sami Ben Ameur conjugue ses pratiques d’enseignant à son talent d’artiste. En effet, l’auteur écrit :
Concepts des arts visuels
« Ce dictionnaire encyclopédique des concepts des arts visuels représente le produit d’un travail qui a duré trois décennies et tire ses connaissances de ce que nous avons accompli et rassemblé durant notre carrière universitaire à partir de cours, de recherches, d’études multiples, de conférences et de débats au cours de notre carrière universitaire au sein de nos différents séminaires scientifiques et pédagogiques, ainsi que des acquis de notre parcours artistique qui a engendré des connaissances oscillant entre la pratique artistique et la formulation théorique. »
Et c’est bien le cas, les entrées du Dictionnaire nous semblent à la fois riches et pertinentes, avec notamment des précisions et des diversifications conceptuelles comme pour « l’orientalisme », que l’auteur définit d’une façon générale, pour enfin distinguer entre l’orientalisme du peintre romantique français Eugène Delacroix et l’orientalisme du peintre allemand inclassable (puisqu’il se situe entre l’abstraction et le surréalisme) Paul Klee, et l’orientalisme du peintre français fauviste Henri Matisse.
Ce qui nous a le plus interpellé, c’est qu’à la fin de chaque lettre, d’alif à waw, le professeur Sami Ben Ameur précise les notes, ce qui donne une excellente lisibilité à son propos. De même, les références nationales, à l’instar des écrits sur l’art de son collègue le Professeur Habib Bida, dans le journal tunisien Assabah, par exemple, côtoient des classiques comme les ouvrages de Paul Klee et de Michel Pastoureau, pour ne citer que ces deux-là.
À vrai dire, Dictionnaire des concepts des arts visuels peut se lire comme une œuvre littéraire, et ce n’est pas se hasarder que de prétendre pouvoir le lire comme l’œuvre d’Aragon, Henri Matisse : roman. Oui, avec cette orthographe précise : les deux points après le nom du peintre et le point après le mot roman, où le poète, lui aussi, sur trois décennies, donc comme le Professeur Sami Ben Ameur, médite sur l’œuvre du peintre de 1941 jusqu’à sa publication en 1971.
Conjuguer la pratique effective de l’art et la théorie
Si nous nous référons ici à cette œuvre de Matisse, c’est pour inviter nos étudiants à conjuguer la pratique effective de l’art et la théorie qui, elle, passe avant tout par la lecture. Cet ouvrage, Dictionnaire des concepts des arts visuels du Professeur Sami Ben Ameur est une aubaine pour les jeunes apprenants. Conçu de façon claire et méthodique, écrit avec un mélange de simplicité et de profondeur, avançant certes selon l’ordre alphabétique, l’ouvrage est le fruit d’une vie dans les beaux-arts, que nous pouvons appeler œuvre-vie.
[1] Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Éditions du Seuil, 1982, p. 10.