Sophie Bessis – La civilisation judéo-chrétienne : Anatomie d’un imposture
Par Djalila Dechache
Dans son dernier ouvrage, l’historienne Sophie Bessis, déconstruit cette assertion et c’est une grande première. Personne avant elle n’avait eu le courage de le faire.
Tout le monde, politiques, intellectuels, religieux, citoyens ont validé par l’usage « normalisé » cette expression à fond hégémonique et la donnant comme vraie.
Les concernés c’est-à-dire les Arabes n’ont rien dit, ils ne se sont ni exprimés publiquement sur cet usage qui va au-delà de la langue, ni ont contesté quoi que ce soit .
Un jour qui a duré des siècles, il a été décrété que la civilisation arabo-musulmane du VII au XV ème siècle n‘existe pas !
« L’avènement d’un « judéo-chrétien » indifférencié fait apparaitre l‘Occident comme l’inventeur unique de l’universel, toutes ses racines y ayant été rapatriées ». Et d’ajouter que cet appareil fonctionne comme une machine à expulser (…) de la révélation abrahamique » p30-33.
« Anatomie d’une imposture »
Et touts ces emprunts, spoliations, ces réalisations, ces ouvrages, ces peuples, ces sciences, mathématiques, astronomie, philosophie, littérature, traductions du grec vers l‘arabe, la musique, l‘architecture, n‘existent pas ? Et l’influence exercée sur les universités du monde. Alors pourquoi les copier, les spolier ?
Mais bien sûr, c’est l’islam le grand coupable ! On veut bien spolier votre culture et civilisation mais votre religion on n’en veut pas ! Tel pourrait être entre les lignes le message de l’appellation « civilisation judéo-chrétienne ».
Comment expliquer que la civilisation arabe-musulmane soit absente non seulement d’un monde érigé par des chrétiens et de plus, qui n’ont pas accepté l’existence de la troisième religion du Livre ? Il faut une violente volonté pour asseoir cette assertion.
De plus pourquoi opposer Islam à Occident ? Comme l’ont fait des organisateurs de colloques en France ? Une religion opposée à une région du monde ? C’est tout aussi étonnant et c’est très clair.
Si comme le soutient Sophie Bessis, d’après l’histoire des religions, la civilisation arabe-musulmane n’a jamais existé, il n’empêche que le monde a fonctionné sur cette contre-vérité ! « Cette thèse a été créée pour « masquer des siècles d’antisémitisme chrétien et pour exclure l’islam du triptyque monothéiste ».
Comme il est important de lire ce livre ! Enfin quelqu’un en l’occurrence quelqu’une Sophis Bessis, historienne, s’attache à démonter l’origine de cette expression admise par tous, banalisée, est une imposture, une construction tacite à travers les siècles.
Expression transformée en concept qui a mis au ban des accusés l’arabo-musulman, tandis que je judéo-chrétien était légitime d’exister.
Si on comprend bien cela signifie que les humains de la terre ont adhéré à un mensonge de tout côté que l’on soit !
« Le sionisme puis l’Etat d’Israël à partir de sa création ont eu besoin d’affirmer leur ancrage exclusif à l’Occident, se proclamant aujourd’hui comme le « bastion avancé de la civilisation judéo-chrétienne » face à « l’ennemi arabo-musulman », tandis que les nationalismes arabes ont vu dans cette expression un instrument commode pour nier la dimension juive de l’histoire de leurs propres pays ».
On comprend tellement mieux l’origine des guerres de religion, de territoire, de langue, tout devient politique entre les mains des nations. Alors, tous coupables ?
Tout s’est joué au tournant de la seconde guerre mondiale dit Sophie Bessis, « il faut reconstruire une identité déculpabilisée, L’Occident a besoin de se racheter après la Shoah. L’État d’Israël devient alors un élément central de cette nouvelle narration ».
A ce compte là c’est l’humanité toute entière qui a payé et qui paie encore !
Quand on entend, en France par exemple, à longueur d’année que l’antisémitisme et le racisme progressent, une bonne leçon d’histoire apportée par ce livre précieux est nécéssaire et vitale.
Les colloques et séminaires sont là pour se donner bonne conscience, ils ne résolvent rien et n‘apportent aucune solution tangible, au contraire ils confortent l’existant.
Dans ce livre où l’autrice rapporte des dates et des faits, ajoute que « ce binôme est utilisé partout pour rendre impossibles des convergences culturelles et politiques qui pourraient être autant de chemins vers la paix ».
La paix, dans ces conditions, n’a pas sa place, ne peut pas exister, c’est un mot, un leurre un concept abstrait.Et que d’illusions perdues !