Musique

« Fiat lux » : Hedi Triki !

Fiat lux : Hedi Triki !

Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen

Fiat lux : Hedi Triki !

Prélude

Il vient d’avoir quinze ans. Il est aussi gracieux que fragile. Il chausse souvent ses lunettes et semble être extrêmement timide. Il s’avance vélocement vers le podium, salue chaleureusement le public et, aussitôt installé devant son piano, il s’y met comme possédé par les quatre-vingt-huit touches de son majestueux instrument. La première impression qu’il peut donner est la suivante : il a tout d’un génie authentique. Or, ce génie est vrai et il suffit de voir Hedi Triki vivre son art pour s’en rendre compte.

Pas de partition devant lui. Il y a de quoi penser qu’il a été touché par Euterpe, la Muse de la musique, au berceau. De la Sonate pour piano n° 8, dite Pathétique, de Beethoven (1799), à Malagueña d’Ernesto Lecuona (1928), en passant par La Grande Valse brillante (1833), ainsi que la Ballade n° 1(1835) et le Nocturne n° 21 (1848-1849), de Chopin, sans omettre la valse vénézuélienne Eloísa de Federico Ruiz (1989) et le classique adulé de tous, Asturias d’Isaac Albeniz (1892), il récite, non traduit par cœur ces morceaux aussi difficiles qu’envoûtants.

Nuance piano

Fiat lux : Hedi Triki !

Ainsi, à l’invitation de l’Association Hasdrubal pour la culture et les arts ― Mohamed Amouri, et du Rotary Club Hammamet, le jeune pianiste prodige, Hedi Triki, s’est produit vendredi 30 août devant un public averti. De 8 à 88 ans, les présents ont pu vivre un moment fort en musique et en émotions. Comme nous l’avons annoncé, le programme était copieux et le jeune homme d’assurer comme un grand virtuose du piano. En effet, son instrument semble ne pas avoir de secrets pour lui, non seulement parce qu’il étudie à Londres au sein de la très sélective institution Royal College of Music, mais encore parce qu’il a remporté le premier prix du prestigieux concours de concerto d’Ealing et se produira bientôt avec son orchestre symphonique. Oui, le virtuose tunisien a également gagné le deuxième prix du concours de récital de North London et a décroché l’or au Concerto International Piano Competition. Il a par ailleurs gagné le troisième prix de la renommée London International Chopin Competition, ainsi qu’un prix d’interprétation de Nocturne.

En 1952, le poète-philosophe roumaine, Emil Cioran, écrit, dans Syllogismes de l’amertume : « Chopin a promu le piano au rang de la phtisie. » — Aphorisme provocant, sans doute est-ce bien le cas, mais il rend hommage à ce grand virtuose qu’est Frédéric Chopin (1810-1849), qui a tout pour être un modèle pour le jeune Hedi Triki. Cette filiation est d’autant plus légitime qu’il est lui-même l’élève de la célèbre pianiste vénézuélienne Clara Rodriguez, elle-même élève de Phyllis Sellick, lui-même élève d’IsidorPhilipp, lui-même élève de Geroges Mathias, lui-même disciple de Frédéric Chopin.

Et, comme l’a écrit Charles Baudelaire dans son célèbre poème sur la peinture, « Les Phares » :

C’est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C’est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !

Oui, d’âge en âge, et plus encore de pays en continents et de géographie en histoire, la mappemonde des Arts se déplie pour humaniser l’humanité encline aux guerres et à la barbarie. À ce titre, la nuance piano d’Hedi Triki est à vivre comme un grand moment d’humanité où les émotions l’emportent sur les actions et les réactions les plus violentes, les sensations de bonheur ou même de tristesse sur les néfastes répercussions du quotidien, l’amour et la beauté sur tout ce qui peut noircir les cœurs et les âmes.

Généalogie de l’art

Sans exagération aucune, le récital de piano d’Hedi Triki a été aussi émouvant qu’humanisant. Il fallait voir, dans la salle de conférences archicomble de l’hôtel Hasdrubal Thalassa & Spa (Yasmine Hammamet), toutes ces ovations à l’infini, d’un public varié, composé de jeunes et de moins jeunes, de plusieurs nationalités différentes.

De fait, ces ovations traduisent l’émotion vécue et partagée. C’est la preuve que la musique adoucit les mœurs. Ce proverbe français, qui semble avoir pour origine l’œuvre immortelle de Platon, nous émeut d’autant plus que le prodige Hedi Triki est le petit-fils des philosophes Rachida et Fathi Triki. Cette généalogie est littéralement prodigieuse, parce que l’éminente spécialiste en esthétique et histoire de l’art, ainsi que le penseur du vivre-ensemble nous ont fait don d’un merveilleux enfant.

À vrai dire, cela nous rappelle ce passage, où dans Terre des hommes, Antoine de Saint-Exupéry veille à sa manière sur une famille de réfugiés : « Je m’assis en face d’un couple. Entre l’homme et la femme, l’enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans le sommeil, et son visage m’apparut sous la veilleuse. Ah ! Quel adorable visage ! Il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré. Il était né de ces lourdes hardes cette réussite de charme et de grâce. Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis : voici un visage de musicien, voici Mozart enfant, voici une belle promesse de la vie. Les petits princes des légendes n’étaient point différents de lui : protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ! Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s’émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise. Mais il n’est point de jardinier pour les hommes. Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir. Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés-concerts. Mozart est condamné. » (1939)

L’actualité brûlante, les guerres, les génocides, les réfugiés refoulés, assiégés, affamés, tel est notre lot quotidien. Mais, avec le jeune pianiste prodige, il vaut mieux allumer une bougie que de maudire l’obscurité. La lumière, il l’incarnait lumineusement, lui, de noir vêtu devant son piano à queue noir ; la lumière, elle s’est incarnée en lui, attirant les regards et tous les sens réunis, les cultivant, les enflammant, les ravivant : Fiat lux ! Que la lumière soit ! Merci Hedi Triki !

Acrostiche pour un virtuose

Héros du piano à qui nulle note ne fait défaut

Étudiant à chaque instant l’art la musique

Dionysos et Apollon réunis à la vie à l’amour

Instant précis précieux vin vie la vie mérite d’être vécue

Travail recherche immaculée kaléidoscope intérieur

Résurrection à chaque instant d’une note à l’autre

Inégalable inégalé art et jeunesse dorée

Keyboard dirait-on qui joue de lui-même

Intérieur extérieur franchement supérieur

Hédi Triki et Aymen Hacen
Hédi Triki et Aymen Hacen
Hédi Triki - Réception après récital
Réception après récital de Hédi Triki

BRAVO Hédi Triki !

Aymen Hacen

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