Damien Paisant – Mercredi en Poésie

Poésie
Lecture de 9 min

Mercredi en Poésie avec Damien Paisant

Damien Paisant par Vanina Tachdjian
Damien Paisant par Vanina Tachdjian

SE VIVRE – Extraits 

Il s’était résolu à ne plus

Multiplier ses problèmes

D’être qui manque d’Être

Car c’est s’inventer

Au lieu de Se Vivre

S’inventer des solutions

Pour jouer à ne plus être

Tout en sachant qu’il n’y en a pas

Or    l’être est une solution donnée d’avance

À condition de se donner tel qu’il est

***

Dans cette impasse

Il décidait de ne pas choisir

Refusait d’y entrer pour en sortir

(Admettait qu’on la refuse)

Par peur d’y rester

Par peur de rester là

Où s’était-il toujours trouvé

C’est alors que…

 

IMPASSE

C’est alors que j’entre

Pas tout à fait

Parce qu’elle est encore

Dans ma tête

 

Cette impasse

Dans ma tête

Ça veut dire que

Je ne la traverse pas

Physiquement

Ça veut dire

Que mon corps

N’est pas prêt

Mais je rentre quand même

Un cœur dans la tête

Un cœur dans le corps

(Paradoxe cordial)

Le cœur bat de ne pas se battre

Et de vouloir se battre

***

Je veux nommer l’impasse

Elle me prive (m’a privé)

De langue

Elle est ce souvenir

Du devenir manquant

Elle me fait oublier

Que je suis un être

De manque

Je commence par

Me nommer         Impasse

 

L’impasse que je suis

C’est un début

Pour vous dire que je ne vais

Pas finir tout de suite

(le travail de ma disparition)

(C’est ici que réapparaît l’amour)

***

L’impasse que je suis

Est entre ma disparition

Et ce qui réapparaît

C’est un amour en travail

Si vous préférez

Car si l’amour a toujours existé

Il m’a fait douter de son existence

(Le doute des créateurs)

***

L’impasse des créateurs

Dans ce qu’ils ont transmis

« La création leur a échappé »

(Je me transmets moi-même

Aujourd’hui un au-delà

De la création)

                                 échappé

Car ils ont échappés

À leur propre transmission

 

J’avance à l’intérieur de l’impasse

La tragédie du sens

Est une absence de signification

Donnée à l’histoire individuelle et commune

Un déni devant l’inconscient des évidences

(Un délit du psychisme)

***

A l’extérieur de l’impasse

Il y a le vouloir volontaire

D’un grand chemin mais

D’un petit cheminement

Ce qu’ils font subir à leur corps

L’âme le leur fera subir

Le grand chemin est une

Idée de toute puissance

Le cheminement est une

Intériorité de la toute puissance

« L’homme est quelque chose qui

doit être surmonté » (F.N.)

***

L’impasse comme puissance contrariée

Ou l’égarement vers une mortalité maîtrisée :

immaturité de l’esprit qui ne peut concevoir

le naissant et le redevenir-poussière

Ou la course effrénée vers une soif de l’impossible

(ce qui est possible ne sera jamais possible)

 

Ce qui est possible ne sera jamais possible dans l’impasse

Dès qu’on se rapprochera d’une possible possibilité

Dans ma soif pour l’impossible         je me permets

De croire à l’idée d’un oasis     mais quand celle-ci

Devient une réalité   je n’y crois plus et je me

Mets en situation d’échec

***

L’impasse comme processus

À l’humble endurance des « guerriers sans combat » (I.M.)

Qui placent leur prouesse dans une gloire noble

Mon être est supérieur à la reconnaissance qu’on lui attribue

Car il se reconnaît d’abord lui-même par son désir de créer

(L’œuvre dépasse souvent la mort de son auteur)

***

Lenteur dans l’impasse

Marathon organique et spirituel où

Je questionne ce contre quoi je butte

Dans un temps autre que celui du réel brut

Parfois je ne vois pas ce contre quoi

Je butte car je ne veux pas voir

***

Souffrance & impasse 

Ce que je peux voir est synonyme de bravoure

L’épreuve d’un œil ouvert sur son monde interne

Où je contemple le miroir de ma haine soutenue par l’amour

 

Faire l’impasse sur la haine

Et croire qu’elle est antagoniste

À l’amour est une erreur car

Pour haïr faut-il encore avoir aimé

Pour pouvoir en douter par la suite

 

Faire l’impasse sur sa propre haine

Revient à tromper l’authenticité

De sa vérité et c’est prétendre

Une certaine imperfectibilité

***

L’émotion d’une impasse

Dans ce qu’elle fait vivre

Au moment où je tombe

(Qui appelle à se relever)

Parce qu’il est nécessaire

De vivre pour mieux

Se connaître         Se connaître

Étant une entreprise secrète où

J’apprends l’oublie de ce que

Je ne disais jamais                  où

J’oublie ce que j’ai appris

À ne pas dire

***

Souplesse dans l’impasse

Où ce qui aliène — le fantasme —

Demande qu’on s’y attache pour

S’en détacher : la peur de ne pas

Pouvoir sauver par exemple —

Le fantasme de sauver — exige

Une gymnastique mentale

Avant de renoncer     faut-il reconnaître

La source de cette souffrance

 

Source de l’impasse

Où la perte me fait

Aveugle d’une infaisabilité

Apparente

Où ce que je sais faire

À l’état de penseur embryonnaire

***

Enfant de l’impasse

Ce vers quoi je me

Risque si je tends

Vers la tendresse

Aventureuse d’aller

Rencontrer cet autre

Qui m’arrache à moi-même

***

L’arrachement de cette impasse

Nous rappelle un départ

Comment quitter « soi » et tout

Ce que ce mot recouvre :

Son attachement à la douleur

Son goût pour la convoitise

Sa hantise, ses obsessions,

Ses limites etc.

 

L’égo — dans cette impasse

Ne se fie pas à ce qu’il a

Traversé mais traversera

Identifie son être non à ce qu’

Il est devenu mais deviendra

Ne défie pas son existence

Au détriment d’un autre

Ne se méfie pas de l’impasse

Car il passe par elle

Pour la dépasser.

 

Damien Paisant

Mercredi en Poésie avec Damien Paisant

Poète & comédien, Damien Paisant est né à Paris en 1984. Il vit et travaille à Paris.

Damien Paisant explore le poème comme un journal du creusement pensif inspiré des questionnements de Charles Juliet & Samuel Beckett. En 2016, il démarre un projet d’écriture autour du deuil. Il verra bon nombre de ses textes dans plusieurs revues (Arpa, Recours au poème, L’Intranquille, L’Etrangère…) et la publication de trois livres, « Absent Présent » aux Éditions Abordo en 2017, « Cri » aux Éditions Bruno Doucey en 2020 et « Cogne » aux Éditions Sans Crispation en 2023. Parallèlement, il réalise des lectures et des performances publiques dans des cafés littéraires, des librairies et d’autres lieux culturels.

Le comédien met régulièrement en voix ses propres textes qu’il compose en musique. Il vient de créer une performance visuelle et sonore, « Paradoxes », incarnant pour la première fois ses propres textes. Création qu’il a présenté à l’Université Paris 8 et la Médiathèque Aimé Césaire (Paris 14e) cette année. Il est invité pour l’édition 2024 au Festival Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée et publiera dans l’Anthologie officielle (Éditions Bruno Doucey). Il vient de créer avec sa complice, poète, écrivaine et psychanalyste, Iren Mihaylova, Peau Électrique, une revue de création contemporaine.

Photos : crédits @ Vanina Tachdjian

Sa chaîne Youtube 

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