Luc Baba – Mercredi en Poésie
Mercredi en Poésie avec Luc Baba
La colère est une saison
La colère est une saison
Je me souviens
Le lendemain
On peut s’inventer une chair qui danse
Un sanglot tropical
Avec des violettes
Et des mots élastiques
On peut s’asseoir
A côté de soi-même
Et se chuchoter des histoires
D’abord
On peut rassembler ses doigts
Sur la table
Au milieu des lueurs de la lampe
On peut les supplier d’arrêter d’être vieux
Souffler comme poussière
D’usine
Les gouffres et les pierres
Du fond de la poitrine
Goûter des goémons
Par les oreilles
Et par les yeux
Etre un sentiment
De huit ans à peine
°°°
Je suis l’enfant d’où j’ai fleuri
Je suis une tache de fruit
Sur les luttes
Et sur le brouillard
La timidité du Monde
Des éclats de jais
Sur la plage anglaise
Roulent, petits yeux noirs
Chahutés par les doigts enfantins du ressac
Depuis des millénaires.
Je voudrais les compter,
Compter les cailloux et les millénaires
Avec mes pas
Mais il recommence à pleuvoir
Et je l’aime bien cette pluie
Sur la verrière
Ses pattes d’oie, et puis
Ses trains de marchandise
Je ne fuis que la bruine
Elle sent le chien qui pleure
Et certaines averses
Roulant, gorgées
De toute la bêtise des tambourins
Ce soir je bois
La bonne pluie des gouttières
Il faut du talent pour se taire
Ou de l’ennui
Mais quand on entend battre le ventre d’un désert
Sous ses pas
On voit les mots ramper vers le terrier des langues
Soudain
Les six mille langues du monde
Ton enfant s’est coupé le bord du rêve
En cherchant son ballon
Dans un gros brouillard à couteaux
Tango du nord de l’âme
Ici
Les cloches de l’école
Battent
Comme têtes de morts
Quand ses vieilles oreilles rouges
Tètent les bruits de la ville
Il porte un regard en panier
Une main vaste ouverte
Et le bras tremblant
Un chemin coupé où l’on ne va plus
La tendresse est une araignée
Aux chélicères de soie
Ça n’empêchera pas mon pied de s’abattre
Du vin que je buvais sur ta langue
J’ai gardé ce goût de verre brisé
Mandarine
Chair à vif
Rencontre de lame et de fruit
L’orange sanguinaire
Et son goût d’amertume
Oh, ma petite épouse de table
Le temps soufflera
Sur le fer du lit
Et nous aurons froid
Je mange
La croûte noire
Du pain des noces
Et cette confiture d’adieu
Luc Baba
Luc Baba est un écrivain belge, né à Liège en 1970. Il est également comédien, chanteur, dramaturge, animateur d’ateliers d’écriture et professeur d’anglais à l’École prévoyante des femmes socialistes de promotion sociale, à Liège.
Luc Baba a remporté le Prix Page d’Or en 2001 avec son premier roman, « La Cage aux cris ». Il a reçu également le Prix Delaby-Mourmaux en 2014 pour « Tango du nord de l’âme », et le Prix Gauchez-Philippot en 2016 pour « Eléphant Island ». Il fut au préalable Lauréat du prix Liège Jeunes auteurs.
Luc Baba écrit également pour le théâtre et la chanson : on l’a vu jouer la comédie, le drame, l’opérette, chanter Léo Ferré, Jacques Brel et Georges Brassens.
Il a interprété en 2000 un monologue de sa plume – « Pauvre diable ». L’une de ses pièces de théâtre « Le jardin des fous » a été jouée au Théâtre du Colombier. En 2002, il a mis en scène son monologue « Vierge des pauvres, merci ! », et signé en 2015 un hommage aux langues du monde dans le spectacle « Tu Parles », qu’il a interprété en Belgique et à Paris en compagnie du musicien Quentin Léonard.
Pour les plus jeunes, il a publié trois biographies, sur Jacques Brel (2012), Charlie Chaplin (2013), et Léo Ferré (2017), aux éditions A dos d’âne, à Paris.
Enfin, il est l’auteur d’œuvres engagées, dont « Mon ami Paco » (2011), illustré par Marion Dionnet, ouvrage condamnant les centres fermés.
Le blogue du poète
Christophe Condello
Poésie