Martial Sinda : « Premier chant du départ »

Poésie
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Thierry Sinda présente à la Société des poètes français Paris, « Premier chant du départ » de Martial Sinda, Editions Orphie 2025, 204 p.

De père en fils : Thierry Sinda ressuscite l’œuvre de Martial Sinda

Par Djalila Dechache

A la faveur de l’invitation à la société des poètes français, par mon amie poète Monia Boulila, j’ai assisté au lancement de la réédition du recueil poétique de l’auteur Martial Sinda. Son fils, l’universitaire, maître de conférence et auteur Thierry Sinda a pris l’initiative de redonner vie au recueil de son père, édité une première fois en 1955 aux éditions Seghers sous un format de 60 pages.

Matial Sinda

Ce texte, édité il y a 70 ans, reste d’une modernité remarquable. Il n’a pas pris une seule ride, il reste toujours intéressant et passionnant dans les thèmes abordés, tel que Pour ma mère, Tam-Tam, Tam-Tam Toi, Poivre, Chant pour une congolaise et Congo pour ne citer que les grands chapitres, des textes militants ancrés dans la terre natale, des textes qui résonnent de musique, de couleurs, de battements de cœur, de senteurs .…La préface intitulée « Un poète aéfien » est signée de René Maran, lauréat du Prix Goncourt de 1921 à 34 ans pour son premier roman Batouala. Il a été réédité par les éditions Albin Michel en septembre 2021.

 Martial Sinda : "Premier chant du départ"
Nicole Randon et Thierry Sinda – Société des Poètes Français
Crédit @ Guy GOUTERMAN

René Maran, précurseur de la négritude

En appendice, des précisions sur des faits, des noms, des événements et surtout quelques sigles développés dont l’AEF, la fédération des quatre colonies françaises de l‘Afrique équatoriale fondée en 1910 par Pierre Savorgnan de Brazza avec le concours entre autres du Guyanais Léon Maran, le père de l‘écrivain René Maran, « le précurseur de la négritude ».
Cette assertion est très importante, elle permet de mettre à jour le véritable novateur dans la reconnaissance de ce nouveau concept de négritude. Et comme l’a dit Thierry Sinda, en toutes choses il faut un pape c’est à dire un leader, sauf que l’histoire n’avait retenu le nom de René Maran auquel Thierry Sinda redonne la place de choix et la légitimité qui lui reviennent.

En annexes mais non des moindres parties, des extraits de revues, des pages dédiées à Martial Sinda sur ses textes dont Berceuse noire, et des lettres y compris une en provenance de Gaston Bachelard, des dédicaces d’Aimé Césaire, de L.S.Senghor.

Le fils, Thierry Sinda a réorganisé la conception de l’ouvrage en l’étoffant, en l’actualisant, en y adjoignant un prologue dédié à Léopold Sédar Senghor, afin de la rendre accessible aux nouvelles générations. Et c’est une réussite, très agréable à découvrir et à lire.

L’ensemble de l’ouvrage forme une édition bien plus complète et bien plus riche que la précédente.

De plus, Thierry sinda a écrit un texte sur son père intitulé Martial Sinda un des psychanalystes de la Négritude.
Et l‘on peut dire qu’il a bien fait. Ce livre est chargé d’un pan de l’histoire des peuples noirs, leur organisation, leurs luttes, leurs résistance et leurs revendications en France et dans le monde, traduits en textes poétiques saisissants d’émotions et en prise avec le réel.

Un héritage intellectuel de père en fils

Thierry Sinda a l’amabilité de nous faire un rapide cours de géographie politique avec Le royaume du Congo au XVIème siècle à la tête duquel il y avait un roi élu par douze notables, qui après sa radicale transformation avec la colonisation au XIXème siècle devient réparti en quatre parties : Congo Brazzaville, Congo Kinshasa, Congo Angola et Congo Gabon. Les écrivains écrivaient en langues française, ils étaient nommés francographes.
Martial Sinda né en 1935 n’a cessé de lutter en créant La Revue du monde noir, Il fait des études universitaires en France dès 1948.

Il soutient une thèse à la Sorbonne sur le kimbanguisme, (Mouvement religieux fondé par Simon Kimbangu (1889-1951), messie venu délivrer le peuple noir et réaliser l’unité des Kongos). Elle sera publiée en 1972 aux éditions Payot. Il reçoit le Prix Georges Bruel de l‘Académie des sciences d’outre-mer en 1974.

Il est élu sénateur de la république du Congo en 2011, lauréat du Prix Honoris Causa de l’université Simon Kimbangu de Kinshasa.

Martial Sinda : "Premier chant du départ"
Thierry Sinda – Société des poètes français paris lundi 26 mai 2025. Crédit @ Guy GOUTERMAN

Une activité militante humaniste

Thierry Sinda est intarissable sur l‘histoire de l’Afrique et de sa région, de son père et des poètes, il est une encyclopédie vivante de savoirs et de connaissances. Son père, Martial Sinda a été le premier poète de l’Afrique Équatoriale Française et historien de renom.

Thierry Sinda n’a pas été en reste, il est bien le fils de son père en suivant le même cheminement intellectuel et artistique : il a créé une web radio (référence en bas de texte), il est fondateur du Printemps des Poètes des Afriques et d’ailleurs, première revue panafricaine de cinéma en France, critique de cinéma au magazine Amina, cofondateur avec Michel de Breteuil de La revue littéraire du monde noir.

Il est l’auteur d’une thèse sur la Négritude et de très nombreux articles et ouvrages. Il a publié entre autres Voyage en Afrique à la recherche de mon Moi enivré (Atlantica-Séguier, 2003) et Anthologie des poèmes d’amour des Afriques et d’Ailleurs (éditions Orphie, 2023).

L’après-midi se poursuit avec une lecture de quelques textes du recueil tous aussi beaux les uns que les autres face à un public nombreux et attentif, puis la partie signature et dédicaces avec le pot de l‘amitié aux couleurs africaines clôturent ce moment magnifique.

Ces rencontres aux Poètes Français à Paris permettent aussi de découvrir le continent africain sans frontières dans ses dimensions poétiques, fraternelles et humaines.

Quelques vers du poète Martial Sinda, avec le texte page 116 :

Dans un coin

J’aimerais être apprécié
Dans un coin du monde
J‘aimerais être apprécié
Pour le bien que je ferais à tous
Hommes, Femmes, enfants…à la race humaine
Ma tendresse, ma tendresse, ma tendresse,
N’est pas réservée exclusivement aux Congolais
Non, j ‘aime la race humaine.

Editions Orphie
Web Radio de Thierry Sinda : globe-radio.org
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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