Poème de Louise Dupré
Mercredi en poésie avec Louise Dupré
Tu accueilles l’espérance dans ta paume, Poème de Louise Dupré
Tu refais ta joie
Telle une gymnastique
En levant la main
Vers les branches d’un érable
Derrière la fenêtre
Où une hirondelle veut faire
Le printemps
*
Le matin se lève toujours trop tôt
Car le cœur ne vibre
Que la nuit, dans le noir
Recouvrant les rêves
Un doux velours tendu
À la fenêtre, le verbe aimer
Conjugué au futur
Le contour d’une silhouette
Encore inconnue
Mais qui viendra un jour
Dans ma vie
Je la reconnaîtrai à ses lèvres
Suspendues à la mer
Ou à sa passion
Pour les langues laissant chanter
Leurs voyelles
Il faudra me fier à ces antennes
Qu’on sent parfois sous la peau
Ces frêles antennes
De papillon en éveil
*
Le poème est une prière
Secrète
Une nuit qui désire
Faire entendre
Les opéras du passé
Tu chantes faux
Et mal et misère
Mais tu chantes
*
Ta douleur ne te borde pas
Elle ne s’échange pas
Contre des denrées rares
Elle n’est pas périssable
Elle poursuit son chemin
À côté de toi
Et de l’enfant
Qui ne veut pas apprendre
L’arithmétique
Du mourir
L’enfant a une fenêtre
Ouverte dans la poitrine
Avec vue
Sur le courage
Des espèces qui croissent
Et se multiplient encore
Sous l’œil affamé
Des prédateurs
L’enfant ne veut pas
Installer en lui
La douleur
Comme elle s’est installée
Dans tes cellules
Avec sa lumière froide
Et tu cherches à la contenir
En la couvrant d’un drap
De soie
Ou d’une volonté
Chaque fois naissante
Chaque fois survivante
Car elle ne prend pitié
De personne, la douleur
Elle se présente arme
Au poing
Elle vise le battement
De l’amour
Elle t’a forcée à errer
Les yeux crevés, l’âme
Crevée
*
Tu reviens
Au verbe VOULOIR
Tu le répètes
Comme s’il pouvait se montrer
Assez bienveillant
Pour apaiser tes pleurs
Et sans attendre
Le moindre secours
Tu lèves le regard
Vers l’espérance
Et tu l’accueilles
Dans ta paume
Louise Dupré (1949)
La poète, romancière et professeure québécoise Louise Dupré a enseigné pendant vingt ans la création littéraire à l’Université du Québec à Montréal. Membre de l’Académie des lettres du Québec, de la Société royale du Canada et de l’Ordre du Canada, elle a reçu à deux reprises le Grand Prix Québecor du Festival International de la Poésie et le Prix de poésie du Gouverneur général. Sa poésie révèle un souffle et un lyrisme hors du commun, témoins d’une pensée féconde. Dupré nous montre que même dans l’abîme de l’horreur, il est possible de trouver une voix réparatrice. Son recueil La main hantée a remporté le Prix du Gouverneur général 2017.
Photo de couverture : Louise Dupré par André Pichette, La Presse
Poésie