Entre éclats d’intime et mémoire collective, la poète Hélène Tyrtoff explore dans Civilement la guerre la fragilité humaine face à la violence et à la perte. Une langue tendue entre effacement et résistance, où chaque mot cherche la lumière sous les ruines.
Hélène Tyrtoff, entre paix et fracture : « Civilement la guerre », un poème de la résilience
Civilement la guerre
Gronde à la fenêtre
un soleil fendu
il niche dans le battant
Laisser passer le fauve
ton oreille fourrée dans la main
tu fais dormant
temps de paix de guerre
Ne pas oublier l’onde longue de l’amour
dans accuser éliminer
et toi quel est ce mot mère
quand enfant de refus
même si chance pour l’heure
il y a des tués
mais pas de morts
Toi dite révolue
enterrée en révoloir
lui si loin plongé dans le pli
de la mer
en coulant le port
lumière du sang
elle tressaille
quand des deux mains
parler noie
et toi décidée
à t’anoyer
faire rien
défaire rien
dans ta coupe
que reconnaître
de l’orange que lamelles d’écorce
sans plus ni chair ni jus
Comme coquilles
écrites dans le sable des mains
désignent la saveur vive de l’absence
dessinent les dents aiguës de l’intime
Au lieu-dit de ton corps
une erreur a fermé ses poings
sur ton visage afin
de ne pas le reconnaître
S’il suffisait de voir
pour comprendre
ce mystère de la tête inclinée
La main regardant la tête
par-dessous
parfois peut saisir
et soutenir le mystère de la pente
naturelle
d’une tête sans regard
Comme mûrir sa graine
sans connaître son plan
et d’un empan de lumière
ajuster les rayons
à tout hasard
Extraits inédits d’un recueil en cours Civilement la guerre, Hélène Tyrtoff, à paraître en 2023 chez Apic Editions, Alger
Hélène Tyrtoff
Née à Rueil-Malmaison en 1964, Hélène Tyrtoff est autrice de poèmes, de dessins-poèmes et de proses poétiques traversés par la mémoire et les blessures du temps. Ses textes interrogent les héritages intimes et historiques, de l’émigration russe des années 1920 aux fractures contemporaines, avec une attention constante à la langue comme lieu de résistance et de réinvention.
Enseignante de français et de tai chi chuan, elle a vécu dix ans au Luxembourg, où le plurilinguisme a profondément nourri son écriture. De retour en région parisienne depuis 2014, elle poursuit une œuvre exigeante et sensible, publiée notamment chez Éditions Phi (Corps Expéditionnaire, 2011 ; Mars, 2014 ; Jonas Luxembourg, 2018) et dans plusieurs anthologies (Le Désir et Lignes de partage – 22 poètes du Luxembourg, Éditions Bruno Doucey, 2021 ; Haute tension, Le Castor Astral, 2022).




