Le recueil de Claude Luezior SUR LES FRANGES DE L’ESSENTIEL suivi de
ÉCRITURES
Par Nicole Hardouin
On retrouve, dans les textes de Claude Luezior, les thèmes favoris de l’auteur : l’essentiel du vivre, l’humour, la tendresse, l’amour, l’écoute attentive, la misère de l’autre, l’admiration du spectacle qu’offre la nature, car le poète peint ses fleurs dans les failles de l’aube.
L’auteur est un amoureux des mots, chaque page est un nid de diamants, un graal des mots. Il ponce, élargit, virevolte, jongle avec les virgules qui sont les cigales de la phrase, ose réveiller les termes d’antan, si loin de nos textos souvent incompréhensibles : et si l’on faisait de nouveau danser cornegidouille, ventrebleu ? Mais tout cela s’en est allé, faisant place à un franglais de pacotille.
Ecrire pour garder une trace
Au lieu de se perdre dans les réseaux sociaux, égouts de la République, dont il ne restera rien dans quelques décennies, au lieu d’honorer le dieu ordinateur et ses mails en pagaille, écrivons pour garder une trace. Quels seront les sédiments de tout ce fatras de phonétique, de cette bouillie d’anglicismes et d’écriture inclusi.ve ?
Que restera-t-il de nos langages dans les années à venir, alors que les dessins des cavernes ou ceux des pyramides ont survécu durant des millénaires, les volumes du codex, quelques siècles durant ? Médite, lecteur, sur la dématérialisation de la pensée, sur l’évanescence de nos supports…
Même si écrire est parfois un sacrifice, l’amour s’y infiltre, infuse dans ses lunes d’insomnie ; la géographie d’un désir y déroule sa carte du Tendre. La vestale désormais hante mes nuits : feu de mes entrailles.
Une ode à l’écriture
Ce recueil est une ode à l’écriture, au pouvoir des mots, à leur force : écris, écris mon frère, car écrire est une prière, c’est soulever un coin de la foi, jubilation et blessure secrète, c’est palper un pli de la robe christique.
Il est temps d’écailler les mots aux ombres indolentes : les mouettes chères au poète passent, elles scandent quelques jacqueries à la face des bourrasques, c’est le temps du rêve, de la semaison de tendresse. Tiens ! Voici la première abeille du matin, qui va goûter son pollen, car faire du miel n’est en rien facile !
Lecteur burine ta page, écris avec le sang des roses, peut-être le désir du poète s’y réalisera-t-il ? J’aimerais tellement qu’un jour, des amoureux esquissent une ou deux de mes lignes sur la tombe qui sera mienne : superbe, mais désir à réaliser le plus tard possible.
Appel à la vie
La poésie de Claude Luezior est une caresse, des pensées qui s’échangent dans les carrefours de la vie, des lèvres qui s’enlierrent, qui transforment les ténèbres en aube, des étoiles pour éclairer les jours sombres, des barques pour dériver.
Les mots de ce recueil sont des îles où s’ouvrent les tabernacles, où vit le dire et où s’enlumine l’essentiel. Comme l’écrit P. Emmanuel : dire c’est aimer, aimer non seulement le langage mais l’esprit qui se manifeste en lui. C’est ce que nous trouvons dans les lignes de Luezior.
Grâce au poète, peut-être nos yeux verront-ils / au-delà de nos convoitises / l’appel vigoureux de la vie ?
Nicole Hardouin respire en poésie. D’après certains critiques, elle fut, dans une vie antérieure, fille de feu. Chercheur, alchimiste du verbe, elle aime également allier le trait et la plume en participant à des monographies pour divers peintres. La richesse de son langage a la force du plomb en fusion, ses images sont flammes et sources. Elle participe à diverses revues, sites et anthologies et a publié une quinzaines de recueils de poésie.
SUR LES FRANGES DE L’ESSENTIEL suivi de ÉCRITURES; Éditions Traversées, 128 p., Virton, Belgique, 2022
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