Leila Bennini invitée de Souffle inédit

Poésie
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Leila Bennini, originaire de Kabylie et née à Tissemsilt, est fille d’un forestier poète et d’une enseignante. Elle a obtenu un baccalauréat en mathématiques en 1989, une licence en chimie en 1994, un magister en chimie de l’environnement en 2014, puis un doctorat dans le même domaine en 2022.

Leila Bennini : « la musique adoucit les mœurs, la poésie aussi »

POÈTES SUR TOUS LES FRONTS

Par Lazhari LABTER

Originaire du village Taguemount-Azzouz, commune At Mahmoud dans la daïra des At Douala de la wilaya de Tizi-Ouzou (Kabylie), née à Tissemsilt, dans l’est algérien, de père forestier et poète et de mère enseignante, Leila Bennini obtient son Bac maths en 1989, sa Licence de chimie en 1994, son Magister de chimie de l’environnement en 2014 et son Doctorat sciences en chimie de l’environnement en 2022.

Enseignante de sciences physiques dans un lycée de Tizi Ouzou depuis 1994, Leila Bennini qui taquine la muse depuis ses années de collège a décidé de sortir de ses tiroirs ses écrits qu’elle pensait « impubliables » après avoir obtenu son Doctorat. Après son premier recueil intitulé Bribes automnales, publié en 2023, elle prépare la publication de son deuxième recueil sous le titre Chrysanthèmes où elle met en exergue cette belle citation de l’écrivain français Christian Bobin (1), extraite de son roman La part manquante : « Ce n’est pas pour devenir écrivain qu’on écrit. C’est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour. » Et ce choix n’est pas le fait du hasard car ce noble sentiment imprègne toute sa poésie, l’amour de l’Humain, de la Nature et de tout le Vivant.

Leila Bennini invitée de Souffle inédit

Lazhari Labter : Poétesse polyglotte, écrivant essentiellement en français, tu as publié ton premier recueil de poèmes Bribes automnales en 2023, la cinquantaine passée. Pourquoi si tard ?

Leila Bennini : J’ai publié sur le tard certes, mais c’est très tôt que j’ai commencé à écrire, au collège. Au fait, je n’avais nullement l’intention de sortir mes écrits du domaine privé, je ne savais même pas que ce que je gribouillais était « publiable ». Une fois soutenu mon doctorat, encouragée par mes proches et mes amis, j’ai sauté le pas.

Lazhari Labter : Née à Tissemsilt, originaire du village de Taguemount Azzouz, en Kabylie, élevée et éduquée dans une famille de lettrés francophones amoureux des livres, lectrice insatiable, docteure en chimie de l’environnement, tu enseignes les sciences physiques à Tizi dans un lycée tout en t’adonnant à l’écriture. Que t’a apporté cet itinéraire riche dans le domaine de la poésie.

Leila Bennini : Je pense que tout ce que nous écrivons est marqué par notre vécu ; notre enfance, notre milieu, nos rencontres, nos études, notre travail…L’enseignement est un métier d’interaction humaine enrichissant surtout sur le plan émotionnel ; on y rencontre des vies toutes différentes les unes des autres. Certaines vous arrachent des larmes, des mots. Quant à la science, elle nous apprend à rechercher notre vérité et à pousser nos limites. N’est-ce pas ce que fait la poésie ? Je vous avoue pourtant que malgré un bac maths, j’ai fui les mathématiques que je trouvais trop rigides et en inadéquation avec mes ressentis. La chimie, mon autre passion, est plus proche de la vie donc de la poésie.

Lazhari Labter : Tu dis que tu n’aimes pas qu’on dise poétesse de toi et que ce « statut » se mérite ? Qu’entends-tu par-là ?

Leila Bennini : Oui, je soutiens qu’être poète n’est pas seulement écrire de la poésie ; sinon dans quelle catégorie classer toutes les belles personnes qui laissent sur nos âmes des parfums de fleurs, non pas avec des mots mais avec leur façon d’être, de regarder, d’être solidaires, avenants, terriblement humains, caressant de la même manière un brin d’herbe, le poil d’un chat et la tête d’un enfant ! La poésie est partout et ce n’est pas parce que j’ai publié un recueil de poésie que je suis poétesse. La poésie est une attitude avant tout.

LEILA BENNINI

Lazhari Labter : Tu écris des poèmes en français, en arabe et en tamazight. Qu’est-ce qui te pousses à écrire tantôt dans telle langue et tantôt dans telle autre ? L’humeur de l’instant, le thème ou autre chose ?

Leila Bennini : Je ne peux clairement expliquer le choix de la langue dans mon écriture même si j’écris plus en français. Le thème peut-être. Par exemple la langue arabe se prête divinement au thème de l’amour. Mahmoud Darwich (2) et Nizar Kabbani (3) ont une grande influence sur moi dans cette langue. Mais je tiens à dire quand même que l’oralité a une grande part dans ce qui a forgé ma fibre poétique et cette oralité fait que même si j’écris peu en tamazight, c’est dans cette langue que je vie intérieurement mes mots.

Lazhari Labter : Tu dois l’apprentissage des mots et l’amour des mots à tes parents, écris-tu dans la dédicace de ton recueil. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette transmission de leur passion pour les mots ?

Leila Bennini : J’ai ouvert les yeux dans un monde de livres. Mes parents étaient de grands lecteurs. Ils aimaient la belle musique et étaient attachés à leur culture. Ma mère qui était enseignante de français était fan d’Agatha Christie et de polars. Mon père était lui-même poète et grand lecteur en langue française. Ils ont toujours mis des livres entre nos mains et nous encourageaient à la lecture. Je leur dois cet amour des mots, l’amour du beau. Ils savaient raconter et décrire en suscitant notre imaginaire. J’écris aussi pour leurs rendre hommage.

Lazhari Labter : Tu accordes beaucoup d’importance à l’amour, à la beauté et à la liberté, mais aussi à tout ce qui touche à l’Humain et à la Vie.

Leila Bennini : Qu’est-ce que la vie sans amour sinon guerre et dépravation ? Qu’est la vie sans beauté sinon laideur et désolation ? Qu’est la vie sans liberté sinon une mort programmée ? Il n’y a de salut pour l’Humanité que dans le respect de la Vie et de la Terre. J’y crois et j’y milite à mon niveau tous les jours.

Lazhari Labter : La poésie a-t-elle encore quelque chose à dire dans un monde dominé par les préoccupations matérielles et où elle est de moins en moins enseignée et lue ?

Leila Bennini : Bien au contraire, il faut redonner à la poésie la place qu’elle mérite. Dans un monde de plus en plus versé dans l’individualisme, le matérialisme, l’égoïsme et à l’époque de la misère humaine, qui mieux que la poésie peut nous guérir ? L’art sous toutes ses facettes est seul capable de nous reconnecter à l’autre et à notre environnement. L’universalité habite l’art et l’art est universel !  Les manuels scolaires à tous les niveaux doivent regorger de poésie qui élève l’âme et aiguise la sensibilité. Alors on se regardera, on se reconnaîtra et on s’aimera. La musique adoucit les mœurs, la poésie aussi.

Deux poèmes inédits de Leila Bennini extraits de son deuxième recueil à paraître sous le titre Chrysanthèmes.

LEYLA

J’aimerai être…
Une note de musique
Naître et renaître
Sur les accords d’une guitare
Sur le clavier d’un piano
Dans l’archet d’un violon
Puis voler avec les oiseaux
Danser avec les arbres
Rire avec les eaux
Chatouiller les tympans
Réveiller les cœurs
Décorer les âmes
Et puis…mourir !

_____________

Il est noir mon amant du matin.
Je me penche amoureuse sur son souffle chaud.
Son odeur nommé désir ouvre mes sens.
À son passage mes lèvres brûlent.
Le monde en moi n’est plus que bulles !

CAFÉ

  1. Christian Bobin, né le 24 avril 1951 au Creusot en Saône-et-Loire et mort le 23 novembre 2022 à Chalon-sur-Saône, est un écrivain et poète français, auteur de nombreux romans, essais et recueils de poèmes.
  2. Mahmoud Darwich, né le 13 mars 1941 à Al-Birwa (Palestine) et mort le 9 août 2008 à Houston (Texas, États-Unis), est l’une des figures de proue de la poésie palestinienne et l’un des plus célèbres poètes arabes Il a publié plus de vingt recueils de poésie,
  3. Nizar Kabbani né le 21 mars 1923 à Al-Chaghour à Damas, Syrie et mort le 30 avril 1998, à Londres, Grande-Bretagne, est un poète syrien, considéré comme l’un des plus grands poètes contemporains de langue arabe et le poète de l’amour par excellence qui a célébré la femme comme peu de poètes arabes ont osé le faire.
Lazhari Labter Écrivain algérien
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Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.
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