Poésie

Nathalie Nadeau – Mercredi en Poésie

Mercredi en Poésie avec Nathalie Nadeau

 

Je cours vers mon enfance éblouie
Je brasse les rues comme des cartes
Les jeux se perdent
Le lilas s’évapore
La mémoire engloutit les naufragés
Il n’y a plus de source
Où tendre la main sèche
Je suis seule parmi les miennes
Je suis montée, trop tard, dans le dernier wagon [qui mène ici
Le passé me résiste
Le portrait est un rire forcé
Qui résonne encore dans la maison
L’enfance se colore de nuances que je tente [de reproduire
En arrière-plan du silence
Quoi que je fasse, l’ombre se glisse entre moi et moi
Sur les joues des fillettes, la rose s’évanouit

Je n’ose ouvrir les rideaux
Je préfère inventer des mots à l’envers
[de mes paupières
De peur de me voir apparaître ennuyeuse
Comme les jours où tu m’oublies
Je m’agrippe à l’écho comme les doigts au crayon
J’apprends à revenir où les mots me rattrapent [entre les murs
Des fantômes se souviennent du bruit du sang
[remué avant le premier envol
Je veux atteindre la rondeur des choses
Taire le silence sur les lèvres des automates
Je réécrirai ma légende à la lumière du midi
Je reviendrai avec la marée comme l’eau vive
Inscrite sur l’eau des commencements
J’apprends à nager à contre-courant
Je lave ma mémoire dans la poussière
Tu n’auras plus jamais soif

Je tends l’oreille à une voix qui palpite [comme une ombre
Elle parle d’horizon
Le matin me réinvente
En glissant sur mes lèvres le goût sucré [du jus de pomme
Reprendre à la terre le fruit du soleil
J’efface la limite entre hier et aujourd’hui
Le cycle du temps chante par ma bouche [la gaieté des tournesols
Et doucement s’enroule l’hiver dans un drap de miel
Tu me regardes et ne t’enfuis pas
Je souris malgré moi dans ma nudité
Avais-je donc si peur que la lumière remplisse [l’espace entre nos corps

*

Extrait paru dans Brèves littéraires.

Nathalie Nadeau

Nathalie Nadeau habite Lévis et travaille à l’Université Laval en gestion des études. Plus les années passent et plus l’écriture occupe une place privilégiée dans son quotidien. Elle publie nouvelles et poésie dans les revues Brèves, Exit et XYZ. La revue de la nouvelle. Son premier recueil poétique, Ponctuation autour d’une robe, paraît en 2017. Pour l’écriture de L’amour comme autant de fractures, elle a bénéficié d’une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec. Elle siège au CA du Bureau des affaires poétiques de la ville de Québec.

Christophe Condello

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