Roman

Claudine Brécourt-Villars invitée de Souffle inédit

Claudine Brécourt-Villars : « Inviter au feuilletage »

Entretien avec Claudine Brécourt-Villars 

Les jeudis littéraires d’Aymen Hacen

Claudine Brécourt-Villars invitée de Souffle inédit

Spécialiste de la littérature et des idées des XIXe et XXe siècles, auteure de biographies et de dictionnaires, dont Les Mots d’Arletty, lauréat du Prix de l’humour Alphonse Allais en 1989, Claudine Brécourt-Villars a publié, à la Table Ronde, Du couvent au bordel, mots du joli monde, en 2017, Éros, anthologie de littérature érotique, en 2019, et, dans la « Petite Vermillon », Mots de table, mots de bouche, qui paraît le 15 juin 2023.

Claudine Brécourt-Villars invitée de Souffle inédit

Rencontre

Entretien conduit par Aymen Hacen

Mots de table, mots de bouche, dont le sous-titre est Dictionnaire étymologique et historique du vocabulaire classique de la cuisine et de la gastronomie, a d’abord paru chez Stock en 1996. Réédité dans la « Petite Vermillon » en septembre 2009, il voit bientôt le jour en juin prochain. Qu’est-ce qui motive cette réédition ?

Claudine Brécourt-Villars. Probablement en raison de l’intérêt récemment accru pour la gastronomie et la table, tout de même plus réjouissant que l’actuelle hystérie pour le foot !

 

Vous vous placez d’emblée sous l’égide Proust avec cette épigraphe : « Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps comme des âmes à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. » (Du côté de chez Swann, 1917) Ensuite, vous dédiez l’ouvrage « À Guy de Maupassant, pour qui seuls les imbéciles ne sont pas gourmands » et « À la mémoire de Chantal Lapicque. »

Pouvez-vous nous faire entrer dans l’intimité de ces seuils de lecture, qui vont de figures littéraires et par là même publiques à une figure moins connue, celle de la regrettée attachée de presse des éditions Stock, Chantal Lapicque, décédée en 2000 ?

Claudine Brécourt-Villars. Parce que Maupassant continue avec Flaubert d’être un de mes écrivains préférés. Quant aux regrettées Chantal Lacpique et Christiane Besse, alors directrice de la Bibliothèque Cosmopolite chez Stock, à laquelle je collaborais, parce que l’une et l’autre m’ont vivement encouragée.

 

Des cinq A renvoyant à « Andouillette » au Z de « Zingara », c’est à un véritable voyage dans l’espace et dans le temps que vous nous conviez. Mais, un index, une table, une liste d’entrées ou quelque chose du genre n’auraient-ils pas mieux facilité la lecture de ce substantiel Mots de table, mots de bouche. Dictionnaire étymologique et historique du vocabulaire classique de la cuisine et de la gastronomie ?

Claudine Brécourt-Villars. Pourquoi un index, même pour un « petit dictionnaire » ? Le principe de ce genre d’ouvrage n’est-il pas d’inviter éventuellement au feuilletage ?

 

La bibliographie de Mots de table, mots de bouche est des plus impressionnantes. Comment avez-vous procédé pour écrire ce livre en particulier ? Et comment travaillez-vous en général ?

Claudine Brécourt-Villars. J’étais, quand je gambadais comme une gazelle (et avant les rééditions de nombres d’ouvrages sur Gallica) une accro des bibliothèques (essentiellement la BNF et l’Arsenal) et visiteuse attentive et bien accueillie de nombre de collectionneurs que m’indiquait la Librairie gourmande, alors située dans le 5e arrondissement, et dont je fus naturellement une bonne cliente…

 

Vous vous intéressez, entre autres, à la gastronomie et à l’érotisme, deux univers qui, comme tout l’indique, font défaut à notre temps. Qu’en pensez-vous ? Quelles issues voyez-vous pour que la beauté de la littérature érotique ne se fasse pas dévorer par la pornographie d’un côté et l’hypocrisie conservatrice et réactionnaire de l’autre ? Il en va de même pour la cuisine, elle aussi noyée dans la médiocrité aussi bien des fast-foods que des émissions de vulgarisation à deux sous ?

Claudine Brécourt-Villars. Que dire ? Car la montée désespérante de l’inculture fait, par exemple, qu’on ne peut guère comprendre ce presque aphorisme de Beaumarchais : « Tu ne sais faire l’amour que sur un lit. Il est quelquefois charmant sur une feuille de papier »…

Claudine Brécourt-Villars invitée de Souffle inédit

Le texte « Préliminaire » qui ouvre Éros, anthologie de littérature érotique en dit long sur votre vision du monde, notamment cette citation du médecin libertin Julien Offray de La Mettrie : « Ne perdons point le temps en regrets frivoles ; et tandis que la main du printemps nous caresse encore, ne songeons point qu’elle va ÉROS se retirer ; jouissons du peu de moments qui nous restent ; buvons, chantons, aimons qui nous aime ; que les jeux et les ris suivent nos pas ; que toutes les voluptés viennent, tour à tour, tantôt amuser, tantôt enchanter nos âmes ; et quelque courte que soit la vie, nous aurons vécu. »

Or, La Mettrie n’est pas aussi connu que ses contemporains Diderot et Rousseau. Faut-il à votre avis institutionnaliser l’enseignement de ces textes, en partant de votre anthologie, vu que les plus grands auteurs français y sont recueillis, de Rabelais à Bernard Noël et de Louise Labé à Annie Ernaux ? Est-il possible de procéder à un pareil renversement des valeurs ?

Claudine Brécourt-Villars. Pourquoi pas en complément bien sûr de la littérature classique. Encore faudrait-il que la nouvelle génération des enseignants ait la culture voulue et qu’à leur tâche ils cessent de prendre des coups ou de se faire menacer…

 

Si vous deviez tout recommencer, quels choix feriez-vous ? Si vous deviez incarner ou vous réincarner en un mot, en un arbre, en un animal et ― pourquoi pas ! ― en un plat ou un dessert, lequel seriez-vous à chaque fois ? Enfin, si un seul de vos textes ou des textes que vous aimez devait être traduit dans d’autres langues, en arabe par exemple, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

Claudine Brécourt-Villars. Me réincarner ? En chat bien sûr : ils comprennent tout en clignant des yeux et en ronronnant…

Un dessert ? Une « brioche », cette friandise dont on ne sait trop pourquoi Diderot la considérait comme une « magnificence onéreuse » !

Le seul livre ? Les Mots du joli monde car les prostituées continuent scandaleusement d’être avilies, exploitées, massacrées à travers le monde.

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Aymen Hacen

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Souffle inédit

Magazine d'art et de culture. Une invitation à vivre l'art. Souffle inédit est inscrit à la Bibliothèque nationale de France sous le numéro ISSN 2739-879X.

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